Un praticien peut choisir de refuser l'acte d'euthanasie

Il est possible de refuser de pratiquer une euthanasie.

Cela m'est arrivé à deux reprises en quinze ans, en tant que praticienne à mon compte. Au début de mon exercice, j'ai reçu une demande formulée par la directrice d'une maison de retraite, avec pour motif « un chien au bout du rouleau ». J'avais bien retenu que l'animal “en fin de vie” posait en outre l'épineux problème de la cohabitation forcée, s'exprimait avec force vocalises et montrait beaucoup d'entrain pour marquer tous les coins et recoins de certaines salles… ça n'a pas manqué : le chien est arrivé aux côtés de sa maîtresse, tout frétillant et ravi de sa balade en taxi. La grand-mère était assez amère. J'ai tenté d'expliquer que son chien était indésirable à la maison de retraite pour les gênes causées à l'ensemble des résidents. L'euthanasie ne me semblait pas une bonne option. J'ai donc proposé de faire un détour jusqu'à la SPA, pour qu'il reste une chance à l'animal de trouver un autre foyer. La grand-mère n'a pas dépensé un centime, la directrice de sa maison de retraite a fait l'économie des honoraires. Mais je crois que la seule personne qui m'a gardé un peu de reconnaissance, c'est le chauffeur de taxi dont la course a été allongée…

Le deuxième cas que j'ai rencontré concernait un individu pas “franc du collier” qui m'avait soumis une histoire abracadabrante pour tenter de justifier une euthanasie qui était surtout un “calcul”. Il avait refusé une intervention sur un ligament croisé deux semaines auparavant (je réfère systématiquement pour les chirurgies osseuses), à cause d'un coût excessif. Le chien, d'une race peu courante, avait coûté cher à l'achat. Selon le raisonnement de son propriétaire, il fallait “arrêter la casse”, donc pas question d'alourdir l'investissement avec une chirurgie “lourde”.

Une nouvelle fois, j'ai minimisé les dépenses grâce à l'économie des radiographies, ce qui ne m'a pas valu une reconnaissance éternelle… Au bloc, j'ai refusé de prendre la responsabilité de l'euthanasie (l'animal était jeune et gentil). Et je n'ai pas cherché à polémiquer sur les pseudo-arguments qui m'étaient présentés, ni à proposer de nouveau plusieurs options thérapeutiques pour alléger la note.

Un praticien doit penser à sa crédibilité et à l'image de marque de toute la profession. Il existe une parole donnée et un engagement, concrétisé par un accord signé du propriétaire.

• Cette réaction fait suite à l'article sur la réprimande d'un confrère britannique par l'Ordre pour n'avoir pas réalisé une euthanasie pourtant convenue avec le propriétaire (La Semaine Vétérinaire n° 1226 du 20/5/2006 en page 14).