LA CONVENTION COLLECTIVE DES SALARIÉS MODIFIE LA DONNE - La Semaine Vétérinaire n° 1226 du 20/05/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1226 du 20/05/2006

À la une

Auteur(s) : Emmanuelle Masson

La convention collective des vétérinaires salariés fixe de nouvelles règles concernant les gardes et les astreintes. Pour certains praticiens, elles impliquent de sérieux changements, notamment en termes de rémunération et d’organisation. Les services de gardes seront-ils rentables pour tous ?

Le vétérinaire est tenu, dans la mesure des possibilités, de répondre à tout appel afin d’apporter les soins nécessaires à un animal. En effet, ces devoirs fondamentaux sont rappelés dans l’article R242-48 du Code rural, lequel stipule notamment qu’il « assure lui-même ou par l’intermédiaire d’un de ses confrères la continuité des soins aux animaux qui lui sont confiés ».

Dans ce cadre, nombreux sont les praticiens qui organisent un service de gardes. Ce dernier peut prendre différentes formes.

Certains choisissent d’en créer un avec d’autres confrères, comme François Bagaïni, praticien à Sochaux (Doubs) : « Nous tournons aujourd’hui à six structures dont la plus éloignée se trouve à une vingtaine de kilomètres. Le confort que procure un tel système est appréciable. Il est néanmoins indispensable que l’entente entre confrères soit bonne et que la charge des corvées soit équitablement répartie. » Lors de la création d’un service de gardes qui regroupe plusieurs entités d’exercice professionnel, un règlement intérieur est établi et porté à la connaissance du conseil régional de l’Ordre. Il prévoit les différentes modalités d’intervention auprès des animaux malades.

Le regroupement, entre structures ou salariés, permet de partager les gardes

Des structures d’une même agglomération peuvent également se regrouper afin de partager les gardes. C’est ainsi qu’est née l’Association des vétérinaires de la communauté urbaine de Lille, dont notre confrère Arnaud Muller, praticien à Lomme (Nord), fait partie : « Nous sommes quatre-vingts vétérinaires à nous partager les gardes. Afin d’éviter des trajets trop importants à la clientèle, deux structures géographiquement opposées sont ouvertes. Ce système est satisfaisant, puisque chaque praticien n’a qu’une garde de nuit à assurer toutes les six ou huit semaines, ce qui contribue à un confort de vie non négligeable. Un compte rendu est systématiquement envoyé aux confrères pour tout animal vu en urgence. Le système est assez souple. Par exemple, nous ne donnons jamais l’adresse des vétérinaires de garde sur le répondeur de l’association, mais seulement leurs coordonnées téléphoniques. Cela permet à ceux qui le souhaitent de rester d’astreinte chez eux. De même, nous n’avons pas défini de tarifs de gardes communs, chacun fait comme il l’entend, et nous n’avons jamais eu de soucis de ce côté-là. » Ce système ne peut exister que dans des villes qui regroupent un nombre élevé de structures, dont le type d’activité est identique et dans un périmètre assez limité. Si tel n’est pas le cas, les vétérinaires assurent seuls les gardes de nuit, du dimanche et des jours fériés.

Dans les grosses cliniques, le partage des astreintes entre associés et salariés est un moindre mal, souligne Pascal Jahan, praticien à Contres (Loir-et-Cher). « La clinique dans laquelle j’exerce emploie quatre vétérinaires, dont un à mi-temps. Mes deux associés et moi nous partageons les gardes de nuit et de week-end. Bien que celles-ci représentent la partie de mon travail qui me pèse le plus, n’en assurer que le tiers me semble idyllique par rapport à mes expériences antérieures. ». C’est pourquoi certains confrères emploient des vétérinaires salariés pour constituer un service de gardes. Dans ce cadre, la nouvelle convention collective apporte de nombreux changements. Elle précise notamment les différents échelons permettant une classification des jeunes diplômés selon leur expérience professionnelle.

La convention collective définit les gardes et les astreintes

Concernant les heures de travail de nuit, la convention collective apporte un assouplissement certain. En effet, en application de l’article L213-3 du Code du travail, la durée hebdomadaire du travail de nuit, calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives, est portée à quarante-quatre heures au maximum, compte tenu des nécessités de la continuité de soins et des impératifs de santé animale et de sécurité sanitaire. Cette dérogation s’applique à condition que des périodes de repos d’une durée au moins équivalente au nombre d’heures effectuées soient accordées aux salariés concernés. Les cadres intégrés bénéficient de limites maximales de temps de travail de dix heures par jour. Tous les dépassements effectués au-delà constituent une infraction au Code du travail. Selon notre confrère Jean-Pierre Kieffer, secrétaire général du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), « la convention collective permet d’étendre à douze heures cette durée, avec une amplitude de quinze heures. Aller au-delà n’est pas possible, car neuf heures de repos au moins doivent être ménagées ».

Le mode de rémunération et l’organisation pourront évoluer

L’astreinte est considérée comme une période de repos, sauf lors de dérangement qui est alors comptabilisé comme du temps de travail effectif. De nombreux confrères ont l’habitude de rémunérer les gardes et les astreintes des salariés avec une part fixe et une autre variable. Le système peut être conservé, à condition que ce mode de rémunération soit égal ou supérieur au minimum conventionnel. Il sera nécessaire de veiller à distinguer, sur la feuille de paye, la rémunération des heures d’astreinte et celle du travail effectif et de vérifier que les taux horaires sont respectés. L’astreinte non dérangée est indemnisée selon l’échelon du salarié, sur la base de 1/5e du taux horaire normal. Les heures dérangées sont payées au taux normal, majoré de 20 % la nuit, le dimanche et les jours fériés.

Pour une consœur de la région parisienne, « la nouvelle convention collective va réellement changer la donne. Le service de gardes tel qu’il existe actuellement est apprécié par la clientèle, mais nous allons devoir modifier son organisation en le divisant en deux parties : les heures de gardes proprement dites et les heures d’astreinte où les vétérinaires seront moins disponibles. Si nous conservions le système actuel (les vétérinaires sur place pendant toute la durée du service de gardes), nous ne pourrions pas payer l’ensemble des heures sous la dénomination “astreinte” et le montant à régler serait exorbitant ».

La situation se complique lors de la présence d’animaux hospitalisés. Dans ce cas, la plupart du temps, le salarié reste sur place afin de surveiller et d’administrer tout soin nécessaire à ces animaux. Dans ce cadre, il devra être payé en heures de travail effectif et les salaires appliqués seront supérieurs à ceux pratiqués actuellement. Pour ces confrères, la question de la rentabilité des gardes se posera et de nombreux calculs interviendront pour décider de continuer ou non d’assurer ce service, souvent apprécié par la clientèle.

Calculs de rémunérations minimales des salariés

• 1er cas pratique : le Dr X emploie le Dr Y qui est diplômé, inscrit au tableau de l’Ordre et a plus de deux ans d’expérience professionnelle. Le Dr Y est considéré comme un cadre confirmé A (échelon 3).

Ce week-end, le Dr Y a effectué sa garde du samedi 19 h au lundi matin 9 h. Pour rédiger sa feuille de paye, le Dr X doit distinguer les astreintes des temps de travail effectif.

Le Dr Y est resté d’astreinte chez lui, son domicile étant situé à 15 minutes environ de la clinique. Il est dérangé trois fois :

- le samedi soir, pour une consultation (retrait d’épillet sous anesthésie), il est appelé à 21 h, arrive à 21 h 20, rentre chez lui à 23 h 30 après avoir rendu le chien réveillé à son propriétaire ;

- le dimanche, pour une première consultation (gastro-entérite), il est appelé à 9 h, arrive à 9 h 10 à la clinique et rentre chez lui à 10 h 30 ;

- le dimanche, pour une seconde consultation (boiterie nécessitant une radiographie), il est appelé à 15 h 15 et après un accord avec le propriétaire, il part de chez lui à 15 h 45, arrive à la clinique à 16 h d’où il repart à 17 h 20 pour arriver chez lui à 17 h 40.

Concernant le travail effectif, toute heure d’astreinte dérangée est due. Pour son calcul, le Dr X doit prendre en compte le temps de transport du Dr Y de son domicile à la clinique et inversement pour le retour.

La durée totale de la garde du Dr Y est de 37 heures. Le temps de travail effectif est de 3 h pour la première consultation, 2 h pour la deuxième et 2 heures pour la dernière, soit 7 heures au total. Il a donc effectué 30 heures d’astreinte à son domicile.

Le calcul de la rémunération minimale des heures d’astreinte est le suivant : 3 €/h, soit 90 € auxquels s’ajoutent les heures de travail effectif : 17,94 €/h, soit 125,58 €. Le Dr Y devra donc recevoir pour son week-end de garde une rémunération minimale de 215,58 €.

• 2e cas pratique : le Dr Z reçoit, lors d’un recrutement, Mlle T qui est élève d’une ENV en T1 pro (elle dispose donc de son diplôme d’études fondamentales vétérinaires et est autorisée à exercer jusqu’au 31 décembre de l’année).

Le Dr Z envisage d’engager Mlle T afin qu’elle réalise quelques gardes de nuit. Lors de la négociation, elle interroge le Dr Z sur son éventuel salaire. Ce dernier lui explique qu’à chaque échelon est affecté un coefficient : 120 pour l’échelon 1, 150 pour l’échelon 2,180 pour l’échelon 3,210 pour l’échelon 4,240 pour l’échelon 5. Mlle T étant élève non cadre, elle se situe à l’échelon 1. Avec un point fixé à 12,60 € sur la base de 35 heures hebdomadaires, pour un échelon 1, le calcul est le suivant : 120 x 12,60 € = 1 512 €, soit 9,97 €/h de travail effectif au minimum.

Pour les heures d’astreinte (temps où Mlle T sera présente dans le logement annexé à la clinique, mais où elle pourra vaquer à ses occupations personnelles, son propre domicile étant trop éloigné), elle doit percevoir une indemnité au moins égale à 20 % du salaire horaire de sa catégorie (échelon 1), soit 9,97 €/h x 1/5, ce qui revient à 2 €/h.

Mlle T étant sympathique, autonome, sérieuse et motivée, le Dr Z lui signifie que son salaire sera certainement supérieur à cette rémunération de base.

• 3e cas pratique : la structure Vétorural emploie deux salariés à raison de trois jours par semaine : chacun travaille un jour sur deux et reste d’astreinte pour la nuit qui suit. L’un est cadre débutant (Dr D), l’autre cadre confirmé B (Dr E). Ils reçoivent une rémunération minimale forfaitaire respective de 156,24 € (126 € + 30,24 €) et de 218,84 € (176 € + 42,84 €) par jour.

En moyenne, deux visites en élevage sont effectuées par nuit, représentant un temps dérangé moyen de 4 heures. Pour sa rémunération, le Dr D a préféré le paiement de ses heures (soit 4 x 14,95 €), tandis que son confrère plus âgé a choisi un repos compensateur d’une demi-journée entrant dans le calcul de ses congés payés.

En cas d’activité plus importante, l’employeur a prévu, pour les deux salariés, une rémunération complémentaire correspondant au surplus d’heures dérangées (respectivement à 14,95 €/h et 20,93 €/h). Il reste à régler l’organisation lorsque l’un ou l’autre part en vacances…

Emmanuelle Masson
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr