Que pensez-vous de l’enseignement dispensé dans les écoles vétérinaires ?

Une lacune est la formation de chef d’entreprise

J’ai effectué mes études à Liège, d’où je suis sorti diplômé en 2001. Par la suite, j’ai terminé ma formation à l’école d’Alfort où j’ai notamment été assistant en imagerie. Actuellement, les étudiants français ont beaucoup plus de pratique que leurs homologues belges. Ils n’ont généralement pas de problèmes pour réaliser des actes simples (intraveineuses, pose de cathéter, etc.). En ce qui concerne la théorie, l’organisation de l’enseignement n’est pas toujours optimale et certains étudiants ont du mal à faire le tri de leurs connaissances. Je pense, de toute façon, qu’il est indispensable de suivre des formations et de faire des stages chez des confrères avant d’envisager de s’installer.

L’une des énormes lacunes de l’enseignement à l’heure actuelle est la formation de chef d’entreprise que nous devrions pourtant tous recevoir. L’étude de la gestion, du marketing, du droit, de la déontologie, etc., est tout à fait insuffisante. Cela fait un mois et demi que je me suis installé, mais cela fait un an et demi que je construis mon projet professionnel. Il m’a été indispensable de m’entourer d’un comptable et même d’un avocat afin d’être certain de tout réaliser dans les règles et de ne pas avoir de mauvaises surprises. En ce qui concerne les travaux, par exemple, je pense que si je n’avais pas été entouré j’aurais pu me faire avoir par les entrepreneurs. Ces domaines pourraient faire partie d’un enseignement optionnel, en T1 pro par exemple. Cela éviterait des déboires à beaucoup de jeunes qui se lancent.

D’un point de vue pratique, le fossé se creuse

J’ai été globalement satisfait de l’enseignement que j’ai reçu. Mais je n’aurais pas pu m’installer en sortant de l’école et je pense avoir appris énormément au contact de vétérinaires, notamment les petits détails pratiques que l’enseignement “traditionnel” n’apporte pas. La formation théorique qui m’a été dispensée était bonne, mais elle l’est encore davantage aujourd’hui. C’est ce que je constate auprès des jeunes confrères. En revanche, d’un point de vue pratique, j’ai l’impression que le fossé se creuse. C’est ce que nous pouvons remarquer et ce que déplorent les jeunes diplômés. Certains ne savent pas débrider un abcès chez un chat, par exemple. Dans certaines universités étrangères, chaque étudiant dispose d’une liste d’actes à effectuer, qui doivent être validés par un enseignant. Cette méthode pourrait être adoptée par les écoles françaises, cela éviterait que certains quittent l’école en ayant réalisé une dizaine d’exérèses de tumeurs mammaires, mais aucune ovariectomie de chienne.

Pendant le cursus, j’ai beaucoup apprécié les six mois d’enseignement optionnel qui nous étaient proposés et m’ont permis d’approfondir certains domaines. En revanche, je juge très insuffisante la formation reçue en ce qui concerne la gestion d’un cabinet. Nous ne sommes absolument pas formés à devenir des chefs d’entreprise. Rien ne nous est expliqué du fonctionnement d’une clinique, de la gestion du personnel, des tâches administratives, etc., et c’est dommage.

L’éthologie mérite d’être enseignée avant le début des activités cliniques

Cela fait maintenant quinze ans que je suis sortie de l’école. J’exerce en qualité de vétérinaire comportementaliste.

Dans ce cadre, je reçois des stagiaires étudiants vétérinaires. C’est à travers les échanges que j’ai avec eux que je peux avoir une opinion sur l’enseignement tel qu’il est dispensé actuellement, principalement dans le domaine de l’éthologie. L’approche théorique de cette matière me semble assez succincte.

Les jeunes vétérinaires possèdent quelques connaissances de base sur le comportement “normal” du chien, plus rarement sur celui du chat et, après un survol rapide de la discipline, ils parviennent, non sans peine, à mettre un nom sur quelques grands syndromes comportementaux. En ce qui concerne la pratique, dans cette spécialité comme dans d’autres, l’organisation des cliniques est telle qu’il faut souvent compter sur la chance pour assister à une consultation intéressante. Mais ce que je déplore le plus, c’est que l’enseignement théorique de l’éthologie ne soit pas dispensé avant, ou tout au moins au début des activités cliniques.

Par exemple, il me semble fondamental qu’avant de réaliser un examen clinique chez un chat, les étudiants sachent que cet animal est angoissé en dehors de son territoire et que ce stress engendre des modifications du tableau clinique, voire des examens complémentaires (tachycardie, hyperglycémie, etc.). De même, il pourrait leur être utile de savoir que moins le chat subit de contention, moins il est stressé, donc moins il risque d’agresser. Cela éviterait de nombreuses griffures et morsures. Bien aborder un animal en évitant notamment d’augmenter sa peur permet d’effectuer un examen clinique de bonne qualité, de prodiguer des soins dans de meilleures conditions, donc d’améliorer le pronostic. Il est certain que l’organisation de l’enseignement est compliquée, mais il serait possible, par exemple, de fournir aux étudiants une bibliographie de base en comportement, ne serait-ce que pour qu’ils en sachent au moins autant que leurs futurs clients.