L’altruisme des chimpanzés est limité par la primauté de la satisfaction personnelle

Les chimpanzés sont connus pour coopérer souvent entre eux. Dans ce domaine, ce sont les primates les plus proches de l’homme. Cependant, les motifs de cette coopération restent obscurs : véritable altruisme ou intérêt bien compris ? Plusieurs travaux récents se sont penchés sur cette question, d’autant plus intéressante au titre du comportement social de l’espèce humaine, qui n’a pu que dériver de celui de ses ancêtres primates.

Quand il s’agit de distribution de nourriture, le chimpanzé est égoïste

Deux séries d’expérimentations ont tenté de déterminer si des chimpanzés peuvent ou non accorder un avantage à des congénères. Dans les premières expériences, des chimpanzés-acteurs étaient confrontés à deux choix. En tirant sur la première corde (option A), ils obtenaient de la nourriture et les chimpanzés non-acteurs, placés dans un enclos à côté, en recevaient aussi. En choisissant la deuxième corde (option B), ils étaient seuls récompensés. Au cours de l’expérience, les scientifiques ont cherché à connaître l’influence de la présence du congénère sur le choix du chimpanzé-acteur. Les résultats montrent que celui-ci choisit l’option A aussi souvent quand il est seul que lorsqu’un congénère se trouve à proximité. En d’autres termes, il n’est pas motivé par la satisfaction éventuelle de ses semblables. Leur présence n’a aucun effet déterminant⁽¹⁾.

Dans la seconde série d’expérimentations, deux options supplémentaires étaient offertes. Dans la première, les chimpanzés-acteurs, qui n’avaient pas droit à la nourriture, avaient la possibilité de l’accorder à des congénères. Dans l’autre ils avaient la possibilité d’empêcher ces derniers d’y accéder. Dans les deux cas, la plupart du temps, les chimpanzés-acteurs se sont contentés de ne pas prendre de décision. Cela montre, une nouvelle fois, qu’ils ne ressentiraient ni empathie ni aversion envers leurs congénères, mais plutôt de l’indifférence⁽²⁾.

Si l’aide d’un congénère est nécessaire, le chimpanzé est habile dans ses relations

Un autre test a confirmé la primauté de l’intérêt personnel chez le chimpanzé, tout en soulignant l’habileté dont il fait preuve dans ses relations sociales. Certains n’hésitent pas à faire appel à des congénères (en ouvrant la porte de leur enclos) quand leur aide est nécessaire pour atteindre la nourriture. Le jour suivant, ils choisissent comme nouveaux partenaires ceux qui se sont révélés les plus efficaces la veille pour apporter leur concours⁽³⁾.

Chez l’homme, l’altruisme semble plus réel. Dans la plupart des cas, de très jeunes enfants (dix-huit mois) aident un adulte à résoudre ses problèmes. Nul besoin de leur offrir de récompense pour qu’ils contribuent à la saisie ou encore au rangement d’objets. Des chimpanzés, confrontés aux mêmes situations, assistent l’adulte beaucoup plus sporadiquement. En outre, cette expérience est biaisée parce qu’ils devaient aider leur soigneur habituel⁽⁴⁾.

Tous ces travaux ont été réalisés en captivité. Il serait nécessaire de les confronter aux comportements sociaux dans la nature. Les situations fréquentes telles que les patrouilles territoriales, les coalitions de chasse (voir encadré), le partage de nourriture ou encore la consolation des victimes d’une agression sont autant de coopérations sociales à analyser.

• (1) J. Silk et coll. : « Chimpanzees are indifferent to the welfare of unrelated group members », Nature, 27/10/2005.

• (2) K. Jensen et coll. : « What’s in it for me ? Self-regard precludes altruism and spite in chimpanzees », proceedings of the Royal Society B, 273, 2006.

• (3) A. Melis et coll. : « Chimpanzees recruit the best collaborators », Science, 3/3/2006.

• (4) F. Warneken et M. Tomasello : « Altruistic helping in human infants and young chimpanzees », Science, 3/3/2006.