Les mycotoxines agissent sur les cellules inflammatoires et immunitaires de l’hôte - La Semaine Vétérinaire n° 1223 du 22/04/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1223 du 22/04/2006

Alimentation porcine

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Les chercheurs de l’Inra démontrent leur toxicité, même lorsqu’elles sont présentes dans l’aliment à faible dose. Sensibilité aux maladies, perturbation de l’efficacité thérapeutique et vaccinale sont mises en évidence.

Les redoutables effets provoqués par les mycotoxines, douées de pouvoir toxique, intéressent les chercheurs. Ainsi, les mécanismes d’action de ces métabolites, produits du métabolisme secondaire des moisissures, sont de mieux en mieux connus. Lorsqu’elles contaminent les aliments (voir tableau 1), les systèmes de défense et de protection, spécifiques et non spécifiques, sont profondément perturbés. En conséquence, les troubles de la réponse inflammatoire, de l’immunité humorale et la diminution de la réponse immunitaire à médiation cellulaire se traduisent par une augmentation de la sensibilité aux maladies infectieuses, une réactivation des infections chroniques, une baisse de l’efficacité vaccinale et des traitements.

Bien que les mycotoxines soient un métabolite secondaire des champignons, il est important de différencier leur toxicité. « Champignon n’est pas égal à mycotoxine », a ainsi insisté Isabelle Oswald, directeur de recherche au laboratoire de pharmacologie-toxicologie de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Toulouse, lors des Rencontres internationales de production porcine organisées le 17 mars dernier à Loudéac (Côtes-d’Armor). D’une part, un aliment peut être contaminé par des champignons sans que des mycotoxines soient présentes. En effet, un champignon produit une ou plusieurs mycotoxines uniquement lorsqu’il est en état de “stress”. D’autre part, un aliment peut être contaminé par des mycotoxines sans que la présence des champignons puisse être détectée a posteriori, en raison de leur sensibilité aux traitements thermiques.

Leur résistance aux traitements technologiques et les risques de contamination des aliments (destinés tant à la consommation humaine qu’à celle du bétail) ont conduit à l’étude approfondie de la toxicité des mycotoxines chez le porc, dont l’alimentation est riche en céréales et qui présente des similarités avec l’homme aux niveaux digestif et immunitaire.

Les capacités fonctionnelles des cellules des défenses sont atteintes

L’altération des capacités fonctionnelles des cellules impliquées dans les mécanismes de l’inflammation et de l’immunité est en partie étudiée par les modifications de sécrétion des cytokines. Il s’agit des protéines produites par les cellules, qui comprennent les interleukines et les interférons. Elles assurent la communication intracellulaire et permettent à l’organisme de moduler la réponse immunitaire lors d’infections. Le laboratoire de pharmacologie-toxicologie (UR66) de Toulouse a développé l’analyse des cytokines chez le porc. Il peut ainsi étudier leur expression lors des phases critiques d’élevage, comme le sevrage, ou en situation pathologique. La RT-PCR (reverse-transcriptase polymerase chain reaction) est utilisée en routine pour doser les cytokines porcines dans les échantillons de tissus ou des cultures cellulaires.

L’exposition in utero de porcelets à des aflatoxines entraîne une altération de la réponse inflammatoire via l’inhibition des capacités fonctionnelles des macrophages et des granulocytes neutrophiles. De même, chez des porcelets qui reçoivent pendant quatre semaines des aliments contenant de faibles doses d’aflatoxines, une diminution de la synthèse des cytokines pro-inflammatoires et une augmentation des cytokines anti-inflammatoires sont observées. In vitro, la fumonisine réduit la viabilité des macrophages péritonéaux de poulet et des macrophages alvéolaires de porc, leur activité phagocytaire et l’expression des cytokines inflammatoires de ces cellules.

Au niveau immunitaire, les immunités humorale et cellulaire sont conjointement déprimées. Des expérimentations menées chez des souris et des porcs, dont le régime comportait du déoxynivalénol (DON), montrent un dérèglement de la production d’immunoglobulines (Ig) A sériques, qui est augmentée. Cela est induit par les lymphocytes T et les macrophages via la super induction des gènes codant pour les interleukines (IL) 2, 5 et 6. Les désordres immunologiques persistent jusqu’à quatre mois après le retrait de la toxine du régime alimentaire (souris). Une diminution des IgG et des IgM n’est observée que chez la souris.

Les effets des mycotoxines sur la dépression de la réponse immunitaire à médiation cellulaire ont été étudiés pour les aflatoxines. Bien que les résultats de plusieurs expérimentations soient contradictoires chez le porc, des modifications fonctionnelles des cellules immunitaires sont notées chez les porcelets, avec une perturbation de la prolifération des lymphocytes et du fonctionnement des macrophages.

Isabelle Oswald a présenté une synthèse des travaux menés sur l’effet toxique des mycotoxines à l’Inra et au niveau international.

Une sensibilité accrue aux infections, une immunité vaccinale diminuée

Cette dépression de l’immunité se traduit par une hausse de la sensibilité des animaux aux maladies infectieuses. Ainsi, des porcs nourris avec un régime alimentaire contenant de l’ochratoxine A ont développé spontanément des infections à Salmonella choleræsuis, Serpulina hyodysenteriæ ou Campylobacter coli (voir tableau 2).

Chez des porcelets infectés oralement par une souche pathogène opportuniste d’E. coli, l’ingestion de faibles doses de fumonisine (FB1) favorise la colonisation intestinale par cette bactérie. Cela résulte des modifications de la fonction de barrière de l’épithélium digestif et de la réponse immunitaire locale. En effet, l’interleukine 8 (IL-8), cytokine impliquée dans le recrutement cellulaire, est fortement diminuée. « La résistance transépithéliale et la prolifération cellulaire sont diminuées. L’épithélium intestinal devient une véritable passoire, au point que même les bactéries peuvent le traverser, explique Isabelle Oswald. Cette sensibilité accrue s’observe quand la nourriture contient moins de 5 ppm de FB1, alors que des contaminations allant jusqu’à 200 ppm sont rapportées dans les maïs français. »

L’immunité vaccinale peut aussi être affectée lorsque le régime alimentaire est contaminé par des mycotoxines. Chez le porc, l’aflatoxine interfère avec le développement de l’immunité acquise par la vaccination contre le rouget (voir tableau 3). Quant à la fumonisine, son ingestion diminue la réponse en anticorps lors de la vaccination antimycoplasme, avec un effet plus prononcé chez les mâles que chez les femelles. L’échec vaccinal pourrait s’expliquer par l’inhibition de la prolifération des lymphocytes, l’augmentation de l’interféron IFN-β, cytokine impliquée dans la réponse immunitaire cellulaire, et la baisse de l’IL-4, cytokine jouant un rôle dans la réponse immunitaire humorale.

Une supplémentation médicamenteuse peut devenir inefficace

L’effet des mycotoxines sur l’efficacité des médicaments et la réactivation d’infections chroniques a également été étudié chez des espèces autres que le porc.

Chez le poulet, la contamination des aliments par des mycotoxines peut réduire l’efficacité d’un anticoccidien (lasalocide). Une expérience a consisté à nourrir cinq lots de poulets âgés de six à quinze jours à l’aide de cinq régimes alimentaires différents : un témoin, un supplémenté avec du lasalocide seul et trois autres additionnés en plus de 0,5 ppm, 1 ppm et 6 ppm de toxine T-2. A sept jours, ils ont reçu par voie orale un challenge parasitaire (Eimeria tenella). L’autopsie a eu lieu à l’âge de quinze jours. Chez les poulets ayant reçu le régime contenant 6 ppm de toxine T-2, une mortalité de 35 % est enregistrée et tous les animaux présentent des lésions à l’autopsie (voir tableau 4).

La réactivation d’infections chroniques n’a pas été étudiée chez les porcs, mais chez des souris préalablement infestées par des oocystes de Toxoplasma gondii. Chez ces dernières, « la consommation de faibles doses de toxines T-2 et d’aflatoxines B1 est capable de réactiver l’infection toxoplasmique, comme en témoigne l’augmentation du nombre de kystes (intacts et rompus) dans le cerveau des animaux », explique Isabelle Oswald.

De nombreux effets des mycotoxines restent inconnus. Les actions combinées de ces métabolites produits simultanément, l’interaction entre les toxines, la conséquence au niveau local dans le tube digestif sont autant de pistes à explorer.

La sécurité sanitaire des aliments fait l’objet d’une réglementation européenne stricte. De même que le “paquet hygiène” définit la gestion des risques microbiologiques, des réglementations régissent les exigences relatives aux teneurs maximales en mycotoxines à ne pas dépasser par type d’aliments et de matières premières.

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