Le rôle du chat dans la propagation du H5N1 divise les scientifiques

En matière de grippe aviaire, la revue britannique Nature replace les chats sur le devant de la scène… épidémiologique. Selon un article récemment publié dans ses colonnes⁽¹⁾, ils « pourraient jouer un rôle plus important que ce que l’on croyait jusqu’à présent » dans la diffusion du virus H5N1 hautement pathogène (HP) d’origine asiatique de l’influenza aviaire. C’est du moins l’idée que partagent l’équipe de Thijs Kuiken et d’Albert Osterhaus, virologues au centre médical Erasmus de Rotterdam (Pays-Bas), et Peter Roeder, de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Ces scientifiques se fondent sur de récentes données pour inciter les pays atteints par l’épizootie à « prendre en considération le rôle potentiel des chats dans les recommandations officielles pour le contrôle de la diffusion du virus H5N1 HP ».

Une mortalité élevée des chats est constatée autour des foyers infectieux

Jusqu’à présent, les contaminations de félidés par la grippe aviaire étaient de nature occasionnelle. Mais en Indonésie, en Thaïlande et en Irak, pays où la souche asiatique du virus H5N1 est devenue endémique chez les volailles, « les infections fatales chez le chat se sont répandues », soulignent les auteurs de l’article. Ils citent également les chats retrouvés morts (a priori trois) sur l’île de Rügen (au nord de l’Allemagne) et porteurs du virus. Selon eux, ils auraient succombé à la grippe aviaire. Il est vrai que sur ce site, de nombreux oiseaux sauvages sont morts au même moment de la maladie. Les scientifiques néerlandais ont par ailleurs démontré que, lors d’expériences réalisées en laboratoire, la souche asiatique du virus H5N1 peut infecter le chat et se transmettre d’un félin à l’autre. Toutefois, ils notent que la quantité de virus excrétée par ces animaux est nettement inférieure à celle émise par les poulets infectés.

Les recommandations des scientifiques sont dictées par le principe de précaution

A la faveur d’autres travaux, les chercheurs révèlent que, chez le chat, le virus se fixe aux cellules qui tapissent l’intérieur des poumons sans parvenir à coloniser les voies aériennes supérieures. Ce schéma est comparable à celui découvert chez l’homme⁽²⁾ et peu favorable à une transmission aisée de la maladie. L’autre fait notable est qu’ils ne décèlent « aucune mutation importante » susceptible de faciliter l’adaptation du virus à l’homme dans les prélèvements réalisés chez les chats infectés. C’est donc par précaution qu’ils incitent les autorités à renforcer la surveillance de ces mammifères au risque de relancer la psychose qui s’était répandue le mois dernier parmi les propriétaires de chats⁽³⁾. Ils reconnaissent en effet qu’en l’état actuel des connaissances, « de graves lacunes » subsistent, dans la mesure où ils ignorent si une transmission du virus H5N1 HP d’origine asiatique est possible du chat vers la volaille, l’homme ou d’autres espèces. Seule certitude : la contamination des mammifères requiert des contacts proches et répétés avec une grande quantité de virus (oiseaux atteints par la grippe aviaire, malades ou morts). Le risque d’infection du chat sur le territoire français, en particulier dans les zones exemptes d’oiseaux affectés par l’influenza aviaire, est donc nul, comme l’a précisé l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) dans un avis du 3 mars dernier.

• (1) Edition du 6/4/2006.

• (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1220 du 1^er/4/2006 en page 19 (cet article n’était pas un poisson d’avril !).

• (3) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1217 du 11/3/2006 en pages 14 et 15.

• Source : Afssa, saisine n° 2006-SA-0074.