Respecter des transitions alimentaires progressives évite la ruminotomie - La Semaine Vétérinaire n° 1220 du 01/04/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1220 du 01/04/2006

Troubles biochimiques du rumen

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Anne Thébault

Le traitement d’urgence des indigestions repose sur une vidange du rumen, qu’il conviendra ensuite de réensemencer. L’intervention doit avoir lieu dans les heures qui suivent l’ingestion de la ration.

La prévention des indigestions chez les vaches laitières repose sur le respect des transitions alimentaires, le maintien d’un apport minimal de fibres et la stimulation de la population microbienne. En effet, leur rationnement ne se résout pas comme une simple équation où les apports alimentaires correspondraient aux besoins de la vache. Des animaux à fort potentiel génétique sont sélectionnés, mais encore faut-il que celui-ci puisse s’exprimer. Cela passe par des changements dans les méthodes de préparation et de distribution des aliments, par le maintien d’une bonne valeur nutritionnelle de la ration et par une correction des apports, notamment lorsque la part des fourrages décroît au profit des concentrés.

Un apport de concentrés bien réparti limite les fermentations intenses

La prévention de l’acidose aiguë repose sur la mise en place d’une transition progressive, à la fois qualitative et quantitative, d’au moins quinze jours (deux mois idéalement) entre une ration classique et une ration hyperglucidique. Ainsi, pendant les vingt-cinq jours qui suivent le vêlage, la vache se contente d’une ration de base équilibrée. Puis, quand l’appétit est bien installé, les concentrés peuvent être augmentés progressivement. Leur apport est à répartir dans la journée pour éviter des périodes de fermentation intense. L’idéal est l’utilisation des distributeurs automatiques de concentrés (DAC). Il convient de fournir un minimum de fibres longues pour entretenir l’activité de la flore cellulolytique (40 % de fourrages et 60 % de concentrés pour les vaches laitières). Ces fibres doivent avoir une longueur minimale de 0,5 cm en aliment sec et de 1 cm en fourrage vert. En outre, le catabolisme de l’acide lactique est favorisé en fournissant à la microflore les oligo-éléments et les vitamines nécessaires à son métabolisme (soufre, zinc, cobalt et thiamine).

La prévention de l’acidose chronique est plus difficile. Elle repose sur le respect d’un apport minimal de fourrages grossiers (la distribution en râtelier de 1 à 2 kg de foin par jour reste la meilleure des préventions) et sur l’utilisation en continu de substances tampons, comme le bicarbonate de sodium (maximum 3 % de la ration).

La prévention de l’alcalose s’appuie sur une utilisation raisonnée de l’azote non protéique. Il convient de toujours s’assurer que l’apport énergétique est suffisant et de répartir l’azote soluble tout au long de la journée. C’est ainsi que l’incorporation d’ammoniac à l’ensilage est moins dangereuse que l’adjonction d’urée dans les concentrés. L’apport de l’azote soluble en même temps que l’énergie facilite son utilisation par la microflore. Les présentations à dégradation lente ou les mélanges retard seront préférés aux formes solubles. Il convient en outre de veiller à un apport suffisant en minéraux et oligo-éléments nécessaires aux fermentations. Il est possible de contrôler le taux d’urée dans le sang ou dans le lait.

La dernière mesure à prendre concerne le fonctionnement hépatique via l’apport de facteurs lipotropes (non dégradables dans la panse) et la prévention des maladies parasitaires.

Pour la prévention de la météorisation spumeuse, mieux vaut ne pas donner à consommer à l’étable des fourrages verts, des tourteaux, des betteraves sucrières avant d’envoyer les animaux au pâturage et contrôler la consommation de l’herbe à l’aide d’une clôture électrique pour que toute la plante (tige et feuilles) soit consommée, et pas seulement la pointe. Idéalement, la composition de la pâture sera modifiée pour obtenir moins de 35 % de trèfles. En outre, des fourrages peuvent être distribués sur les pâtures à risque pour limiter la consommation des légumineuses. Il est aussi possible de distribuer des substances antimoussantes associées à des anti-oxydants en mélange avec de la farine, de la mélasse ou des céréales aplaties.

Dans les pays ou les zones concernés par la météorisation spumeuse, les antimoussants peuvent également être inclus dans la pierre à lécher, voire épandus sur la pâture.

La ruminotomie est à réaliser dans les heures qui suivent l’ingestion

Dans tous les cas, le traitement d’urgence repose sur une ruminotomie qui permet la vidange du rumen. Après l’avoir perforé, sa paroi est suturée avec la paroi abdominale et laissée ouverte pour éviter les récidives. Il convient d’intervenir dans les heures qui suivent l’ingestion de la ration, car des difficultés pourraient se présenter lors de la suture de la paroi du rumen, rapidement lésée. Ensuite, un traitement médical est envisagé.

Si l’animal survit, il convient de réensemencer le rumen à l’aide de micro-organismes lyophilisés ou, encore mieux, de plusieurs litres de jus de rumen provenant d’animaux sains. L’apport d’oligo-éléments permet, en outre, de stimuler l’activité des micro-organismes (cobalt, cuivre, manganèse). L’animal convalescent sera alimenté quelques jours avec du foin de bonne qualité, puis une alimentation normale est ensuite reprise de façon progressive.

L’acidose sanguine se combat en administrant une solution alcaline tampon

Pour l’acidose aiguë, le traitement vise quatre objectifs. D’abord, normaliser le contenu du rumen : l’administration de substances anti-acides, directement dans le rumen, n’est possible que dans les quatre à six heures qui suivent l’ingestion de la ration hyperglucidique, avant la production d’acide lactique. Si l’intervention est plus tardive, alors que l’acidose est déjà installée, il est possible de vidanger le rumen par siphonage, car son contenu est liquide, puis d’effectuer de nombreux rinçages à l’eau tiède (remplir le rumen jusqu’à la distension du creux du flanc). L’emploi de substances alcalinisantes (carbonate de calcium ou propionate de sodium, 300 à 500 g par animal) est toutefois à modérer et à réserver aux cas peu sévères. En effet, si les vaches laitières présentent une paralysie des réservoirs gastriques, elles ne seront pas en mesure d’éliminer par éructation les gaz formés lors de la neutralisation des acides.

Il s’agit également de combattre l’acidose sanguine en injectant une solution alcaline tampon par voie intraveineuse : 5 l de bicarbonate de sodium à 5 % en trente minutes, puis 150 ml/kg de poids vif de bicarbonate de sodium à 1 à 3 % ou d’un soluté isotonique, pendant six à douze heures.

La motricité du rumen est rétablie via l’utilisation de parasympathomimétiques.

La prévention des complications passe par l’administration d’antibiotiques (ruminites et abcès au foie), d’antihistaminiques (fourbures), de corticoïdes (choc endotoxinique), de facteurs lipotropes (complications hépatiques) et de thiamine (nécrose du cortex cérébral).

Le pronostic est favorable si la miction reprend rapidement et si l’animal se relève dans les douze heures.

Dans les cas d’acidose chronique, le traitement consiste en l’apport d’un fourrage grossier de bonne qualité, qui assure une salivation correcte et rétablit ainsi l’équilibre acido-basique du rumen. L’administration de jus de rumen est également recommandée.

La baisse de la température du rumen bloque les fermentations

L’alcalose est toujours grave et souvent fatale. Son traitement médical repose notamment sur la normalisation du contenu du rumen. Il est nécessaire de bloquer les fermentations et d’acidifier le milieu, en faisant avaler, à l’aide d’une sonde, une solution froide de vinaigre (4 à 5 l de vinaigre dans 25 à 50 l d’eau) ou d’acide lactique (5 à 6 l d’acide lactique à 5 % dans 20 à 40 l d’eau). L’abaissement de la température intraruminale permet de stopper les fermentations qui produisent de l’urée. La sonde permet en outre d’évacuer les gaz en cas de météorisation. Si les contractures tétaniques gênent le passage de la sonde, une vidange manuelle du rumen, après ruminotomie, est réalisée.

Il convient également de combattre l’alcalose sanguine et l’intoxication ammoniacale. Les ions glutamates et aspartates sont capables de capter l’ammoniac : du glutamate ou de l’aspartate de calcium et de magnésium sont donc administrés par voie intraveineuse. Les ions Ca++ et Mg++ ont en outre une activité régularisatrice sur l’excitabilité neuromusculaire. Des solutions d’acides aminés (arginine, ornithine, acide cétoglutarique) peuvent être utilisées en perfusion pour relancer le métabolisme énergétique. Les complications hépatiques et rénales sont prévenues à l’aide de diurétiques et de facteurs lipotropes.

Le traitement médical de la météorisation spumeuse consiste à faire pénétrer dans le rumen des produits tensio-actifs. Ceux-ci augmentent la tension superficielle, font ainsi tomber la mousse et permettent l’évacuation des gaz. Les produits utilisables sont nombreux (silicones, dérivés éthyléniques oxydés de l’acide ricinoléique, triglycérides oléiques polyoxyéthylènes, alginate de soude, alcools, etc.). Les plus efficaces sont les produits synthétiques, au pouvoir de dispersion plus élevé dans la masse spumeuse. L’administration est réalisée à la bouteille, à la sonde, au pistolet doseur ou directement dans le rumen. Cette dernière voie permet d’atteindre directement les mousses qui bloquent les sphincters œsophagiens. Le simple fait de forcer la vache à marcher peut suffire à éliminer les gaz par éructation.

BIBLIOGRAPHIE

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