Le tacrolimus est efficace lors de kératoconjonctivite sèche - La Semaine Vétérinaire n° 1219 du 25/03/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1219 du 25/03/2006

Ophtalmologie canine

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Laurent Bouhanna

Fonctions : praticien spécialisé en ophtalmologie à Paris

Cinq publications récentes abordent les kératoconjonctivites sèches, les kératites chroniques, les affections de la membrane nictitante et la cataracte chez le chien.

Lors de kératoconjonctivite sèche et de kératite chronique chez le chien, de nouveaux immunomodulateurs en application topique ont montré leur efficacité. Ils constituent des alternatives intéressantes à la ciclosporine A en pommade.

1 TACROLIMUS ET KÉRATOCONJONCTIVITE SÈCHE.

La ciclosporine A est le traitement de référence de la kératoconjonctivite sèche (KCS) chez le chien, mais des échecs sont parfois observés. Une étude (voir bibliographie 1) a testé l’efficacité d’une suspension de tacrolimus à 0,02 % chez 105 chiens atteints de cette affection (test de Schirmer ≤ 10 mm/min et signes cliniques d’œil sec). L’essai est également réalisé lors de symptômes d’œil sec avec un test de Schirmer (TS) modérément diminué (≤ 15). Quatre groupes sont constitués, incluant les 98 chiens retenus pour l’étude :

- lot 1 : 38 chiens (59 yeux) avec un TS ≤ 10, n’ayant jamais reçu de traitement de stimulation lacrymale ;

- lot 2 : 21 chiens (28 yeux) avec un TS < 11 et ≤ 15, n’ayant jamais reçu de traitement de stimulation lacrymale ;

- lot 3 : 15 chiens (30 yeux) traités avec succès à la ciclosporine A ;

- lot 4 : 24 chiens (47 yeux) ne répondant pas au traitement à la ciclosporine A.

Après six à huit semaines d’administrations topiques biquotidiennes (en remplacement de la ciclosporine A pour les groupes 3 et 4), le TS augmente significativement (au moins 5 mm) pour respectivement 84,7, 25, 26,7 et 51,1 % des yeux, ainsi que pour 83 % des yeux avec un TS initialement très faible (≤ 2 mm/min). Un protocole en double aveugle (20 chiens) montre également une hausse significative du TS chez 7 chiens traités au tacrolimus (14 yeux sur 20), tandis que ce résultat n’est atteint chez aucun chien du groupe placebo. Ceux-ci reçoivent ensuite la suspension de tacrolimus et l’amélioration de 5 mm/min est obtenue chez 9 d’entre eux (18 yeux sur 20).

Un traitement topique au tacrolimus à 0,02 % (médicament humain) pourrait ainsi représenter une solution intéressante lorsque la ciclosporine A (médicament vétérinaire) se révèle peu ou pas efficace.

2 PIMECROLIMUS, KCS ET KÉRATITES DYSIMMUNITAIRES.

Le pimecrolimus est un dérivé lipophile de l’ascomycine, inhibiteur sélectif de la production de cytokines pro-inflammatoires. Une étude (voir bibliographie 2) a évalué l’efficacité d’une préparation expérimentale huileuse de pimecrolimus à 1 % dans le traitement de la kératoconjonctivite sèche (KCS) et de la kératite superficielle chronique chez le chien (d’origine dysimmunitaire).

14 chiens de races variées (8 atteints d’une KCS et 6 d’une kératite superficielle chronique) sont inclus dans le protocole. Tous reçoivent auparavant, sans succès, des corticoïdes par voie locale, de la ciclosporine A et/ou des antibiotiques. Les yeux atteints sont traités trois fois par jour, pendant 3 à 36 semaines (22 en moyenne). La production lacrymale (test de Schirmer), l’épiphora, l’inflammation conjonctivale, l’infiltration par des cellules inflammatoires de la cornée et la présence de tissus cicatriciels sont évalués jusqu’à sept fois, avec des délais variables, selon l’évolution de l’affection.

L’efficacité du traitement est bonne (TS augmenté d’au moins 4 mm/min et aucun signe d’inflammation) ou moyenne (TS augmenté de 3 à 4 mm/min, signes faibles d’inflammation cornée/conjonctive) chez 6 des chiens atteints de KCS. Elle est bonne (régression complète de l’infiltration fibrovasculaire de la cornée, pas de cicatrice cornéenne) ou moyenne (régression observable du pannus, cicatrice modérée) chez 4 chiens souffrant de kératite superficielle chronique. Les premiers signes d’amélioration sont observés après quelques semaines, mais l’efficacité maximale n’est généralement obtenue qu’après plusieurs mois. Le traitement est insatisfaisant (inefficace et/ou mal toléré) pour 4 cas.

Cet essai préliminaire chez des chiens atteints de KCS ou de kératite superficielle chronique désigne le pimecrolimus comme un candidat potentiel pour des études de développement en traitement oculaire topique.

3 HÉMANGIOSARCOME DE LA MEMBRANE NICTITANTE.

Un hémangiosarcome de la membrane nictitante est décrit chez un berger du Caucase âgé de sept ans (voir bibliographie 3). Lors de la consultation, le chien présente une masse rougeâtre de 2 x 3 cm, fixée au bord libre du corps clignotant de l’œil droit et faisant protrusion dans la fente palpébrale, ainsi qu’un épiphora marqué (test de Schirmer de 31 mm/min) et une conjonctivite modérée. Une exérèse de la masse et d’une partie de la membrane nictitante est réalisée, en respectant le cartilage. A l’examen histologique, la tumeur qui infiltre focalement la propria superficielle de la membrane apparaît composée de cellules néoplasiques mésenchymateuses, formant des canaux irréguliers qui contiennent du sang et bordés de cellules fusiformes à ovales. Ces dernières présentent quelques figures d’anisocytose et d’anisocariose et leur indice mitotique est faible. Les examens complémentaires ne révèlent pas de tumeur primaire. Il s’agit donc probablement d’une tumeur primitive. La cicatrisation après l’intervention se déroule normalement et 14 mois après l’excision, aucune récidive n’est constatée.

Les tumeurs de la membrane nictitante sont rares chez le chien, même si des mélanomes, des adénocarcinomes, des carcinomes épidermoïdes et des lymphosarcomes sont décrits. L’hémangiosarcome est une tumeur assez fréquente chez cette espèce et peut être observé en de multiples localisations. Il s’agit toutefois du premier cas rapporté d’hémangiosarcome de la membrane nictitante.

4 EPITHÉLIUM CORNÉEN APRÈS EXÉRÈSE DE LA NICTITANTE.

Les modifications de l’épithélium cornéen, à la suite d’une exérèse de la membrane nictitante, sont étudiées chez 6 chiens en bonne santé, de race beagle (voir bibliographie 4). Les observations sont faites 17, 35 et 72 semaines après l’intervention.

Des modifications mineures des couches épithéliales de la cornée sont constatées lors des contrôles à 17 et 35 semaines, avec en particulier des anomalies de l’adhésion intercellulaire. 72 semaines après l’exérèse, une exfoliation des cellules superficielles est en outre observée. Cliniquement, une diminution du temps de rupture du film lacrymal et des colorations vitales positives (tests à la fluorescéine et au rose Bengale) témoignent de ces anomalies morphologiques. En revanche, aucun signe clinique d’affection oculaire n’est découvert au biomicroscope.

Il ressort de cette étude que les couches de l’épithélium cornéen ne jouent plus correctement leur rôle essentiel de barrière après une exérèse de la membrane nictitante. Si la réduction du temps de rupture du film lacrymal et les résultats positifs des colorations vitales sont les seules anomalies cliniques constatées lors de cet essai, il convient d’envisager qu’un tel état de la surface oculaire puisse s’aggraver, par exemple en raison d’une exposition excessive (lors d’anesthésie générale notamment, d’où l’importance accrue d’une protection locale par un gel), d’affections palpébrales ou de facteurs exogènes divers.

5 DIABÈTE SUCRÉ, CONJONCTIVE ET CORNÉE.

Chez le chien, les répercussions oculaires du diabète sucré ne sont pas limitées au cristallin, avec l’apparition de cataracte. Une étude (voir bibliographie 5) évalue les modifications kératoconjonctivales chez 15 chiens souffrant de cataracte diabétique (groupe 1) par rapport à 15 chiens atteints de cataracte non-diabétique (groupe 2) et de 15 chiens sains (groupe 3). Un examen ophtalmologique, un test de Schirmer, une mesure du temps de rupture du film lacrymal (break up time, BUT) et de la concentration des larmes en glucose, des cultures aérobie, anaérobie et fongique, un test de sensibilité cornéenne (à une stimulation extérieure, mesuré par esthésiométrie) sont systématiquement pratiqués. Les résultats sont les suivants :

- la valeur moyenne du test de Schirmer du groupe 1 est significativement diminuée par rapport à celle du groupe 3 (tout en restant dans des valeurs acceptables) ;

- le seuil de sensibilité cornéenne du groupe 1 est significativement inférieur par rapport à celui du groupe 3 ;

- le BUT moyen du groupe 1 est significativement diminué par rapport aux groupes 2 et 3 ;

- la concentration des larmes en glucose du groupe 1 est significativement augmentée par rapport aux groupes 2 et 3 ;

- la flore conjonctivale, potentiellement modifiée par la concentration en glucose, ne diffère pas entre les trois groupes ;

- la gravité de la cataracte et de l’uvéite est cliniquement comparable entre les groupes 1 et 2 ;

- l’examen histologique des conjonctives de 7 chiens diabétiques révèle une infiltration inflammatoire modérée de la sous-muqueuse, une dysplasie et/ou une métaplasie épithéliale squameuse pour 5 cas. La densité en cellules caliciformes est diminuée chez 4 chiens, mais la densité moyenne est statistiquement comparable entre les trois groupes.

Cette étude montre que, chez le chien, le diabète sucré a aussi des effets sur la conjonctive et la cornée.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 - A. Berdoulay, R.V. English, B. Nadelstein : « Effect of topical 0,02 % tacrolimus aqueous suspension on tear production in dogs with keratoconjunctivitis sicca », Vet. Ophthalmol., 2005, vol. 8, n° 4, pp. 225-232.
  • 2 - B. Nell, I. Walde, A. Billich, P. Vit, J.G. Meingassner : « The effect of topical pimecrolimus on keratoconjunctivitis sicca and chronic superficial keratitis in dogs : results from an exploratory study », Vet. Ophthalmol., 2005, vol. 8, n° 1, pp. 39-46.
  • 3 - I.K. Liapis, L. Genovese : « Hemangiosarcoma of the third eyelid in a dog », Vet. Ophthalmol., 2004, vol. 7, n° 4, pp. 279-282.
  • 4 - A. Saito, Y. Watanabe, T. Kotani : « Morphologic changes of the anterior corneal epithelium caused by third eyelid removal in dogs », Vet. Ophthalmol., 2004, vol. 7, n° 2, pp. 113-119.
  • 5 - C.L. Cullen, S.L. Ihle, A.A. Webb, C. McCarville : « Keratoconjunctival effects of diabetes mellitus in dogs », Vet. Ophthalmol., 2005, vol. 8, n° 4, pp. 215-224.
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