Le pronostic vital et sportif du prématuré est critique

Chez la jument, la gestation est d’environ 335 à 345 jours. Mais il existe d’importantes variations individuelles et raciales. Cette durée ne représente pas toujours un bon repère pour caractériser la prématurité. En outre, des poulains nés à terme peuvent être qualifiés de dysmatures, car ils en présentent toutes les caractéristiques. Lors de gestation supérieure à 320 jours, les problèmes sont rares. Lorsqu’elle est inférieure, de nombreux foals nécessitent diverses interventions vétérinaires. En cas de gestation de moins de 305 jours, tous les foals ont besoin d’une intervention et beaucoup de soins intensifs. Les poulains de cette catégorie dont la mère avait un placenta normal ont peu de chances de vivre. Quand la gestation n’atteint pas 280 jours, le pronostic de survie est nul.

Il existe huit signes cliniques de la prématurité chez le poulain

Le pronostic est meilleur pour les poulains nés prématurément à cause d’une placentite que pour ceux issus d’un utérus apparemment normal, lors de césarienne par exemple (manque de stimulation hormonale et de maturation fœtale). Il existe huit signes cliniques de prématurité : foal de petite taille, poils courts et soyeux, oreilles souples et déformées, faiblesse généralisée, laxité tendineuse accrue (poulains sur leurs boulets au niveau des postérieurs), ossification incomplète des os carpaux et tarsaux, fréquence respiratoire anormalement basse (moins de 25 cycles par minute), détresse respiratoire.

De nombreux foals semblent relativement forts et vigoureux lors des premières douze à vingt-quatre heures, avant que leur état ne se dégrade assez brutalement. Lors de prématurité, les deux facteurs qui limitent la survie sont la production adéquate de surfactants par les poumons et l’ossification des os du carpe et du tarse. Lorsqu’elle est incomplète, elle peut en effet être responsable d’un collapsus de ces articulations et ainsi compromettre le potentiel sportif. A la radiographie, le degré d’ossification se mesure d’après l’échelle d’Adams-Poulos qui contient cinq grades :

- grade 1 : quelques os ne sont pas du tout ossifiés (ces poulains ne seront jamais des athlètes) ;

- grade 2 : tous les os montrent un certain degré d’ossification, l’épiphyse proximale de l’os métatarsal ou métacarpal III est présente, le processus styloïde latéral et les malléoles tibiales sont absents ;

- grade 3 : les os cuboïdes sont ronds et petits, le processus styloïde et les malléoles tibiales sont distingués, le cartilage de croissance de l’épiphyse proximale de l’os métatarsal ou métacarpal III est fermé ;

- grade 4 : les os apparaissent presque correctement ossifiés, avec une forme similaire à celle notée chez l’adulte, les espaces articulaires sont de largeur normale.

Par ailleurs, les données de laboratoire concernant les prématurés montrent un faible ratio neutrophiles/lymphocytes (N/L), une leucopénie persistante et une acidose métabolique. Un ratio N/L inférieur à 2 au deuxième jour de vie, moins de 5 000 globules blancs et un pH inférieur à 7,3 sont considérés comme des facteurs de mauvais pronostic.

Les poulains prématurés reçoivent un traitement de soutien et un autre spécifique. Le premier gère l’apport nutritionnel, le traitement des membres immatures, le soutien respiratoire et circulatoire. Les prématurés présentent un risque majeur d’hypoglycémie, car leurs réserves de glycogène sont insuffisantes. De nombreux foals bénéficient ainsi d’une perfusion de 500 ml de glucose à 10 % en urgence, pendant que le plan de nutrition parentérale est mis en place. La nutrition entérale est souvent mal tolérée à cause de l’immaturité du tube digestif qui digère mal le lait. De faibles volumes de lait sont donc fréquemment administrés, complétés par des apports nutritifs par la voie intraveineuse.

La gestion optimale de l’ossification incomplète n’est pas encore vraiment définie. Il semble toutefois préférable de garder les foals en décubitus sternal sur des matelas (grade 1), mais cela peut entraîner de nombreuses complications (escarres, pneumonies, hyperlaxité tendineuse, etc.). Les autres options thérapeutiques sont l’emploi d’attelles ou la pose de plâtres semi-ouverts pour aligner les rayons osseux dans un axe vertical. Beaucoup de foals qui présentent un grade 3, voire 2 sont gérés avec succès par un confinement en box jusqu’à l’ossification complète.

Les troubles respiratoires représentent un véritable challenge, notamment chez les grands prématurés, en raison de l’insuffisance de la production de surfactant. Il serait possible d’en administrer, mais la durée d’action est particulièrement courte (deux heures), ce qui rend le prix prohibitif. La ventilation mécanique est nécessaire chez certains poulains, mais le pronostic sportif étant faible, peu de propriétaires choisissent cette option thérapeutique.

Certains poulains présentent une circulation sanguine fœtale persistante qui se caractérise par un shunt des poumons et donc un apport faible en oxygène. Notre confrère Kevin Corley, du Royal Veterinary College, a traité avec succès un certain nombre de ces animaux par l’emploi du sildénafil. Il convient de gérer parallèlement la baisse de la pression artérielle.

En fait, aucun traitement n’est vraiment connu pour améliorer le pronostic des poulains prématurés en comparaison des possibilités en néonatalogie humaine. Certains ont tenté d’administrer des corticoïdes à la mère vingt-quatre à quarante-huit heures avant la naissance pour accélérer la maturation fœtale et améliorer le pronostic. Mais les doses ne sont pas connues chez la jument et la prévision du poulinage est rarement possible en pratique. L’administration postnatale de corticoïdes est controversée, notamment dans un contexte septique (placentite). Kevin Corley a tenté d’utiliser la prednisolone ou l’hydrocortisone durant trois jours chez les poulains nés d’un utérus “normal”, mais sans réelle efficacité. Par ailleurs, l’emploi de l’ACTH est décrit dans la littérature. Il est aussi possible d’opter pour la thyroxine lors de syndromes de dysmaturité. Les perfusions de calcium sont également suggérées pour améliorer l’ossification des os carpaux, sans réelle évidence d’efficacité.

Le pronostic vital et sportif des prématurés est faible. Ainsi, le Royal Veterinary College fait état d’un taux de survie de 32 %, bien inférieur au taux global de l’unité de soins intensifs (75,3 %). La survie est améliorée après 310 jours de gestation si l’ossification est de grade 3.