Un hamartome sudoral eccrine est mis en évidence dans l’espèce porcine - La Semaine Vétérinaire n° 1218 du 18/03/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1218 du 18/03/2006

Cas clinique

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Nathalie Devos

Connu chez d’autres espèces domestiques et l’homme, ce type de lésion n’avait encore jamais été décrit chez des porcs en France. Seul un naevus organoïde sur l’oreille d’un porc avait été observé auparavant.

Une affection dermatologique d’origine génétique chez le porc vient d’être décrite en France : l’hamartome sudoral eccrine. En mai 2005, un éleveur naisseur-engraisseur des environs de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) amène au Laboratoire départemental vétérinaire de Ploufragan, par pure curiosité, un porcelet femelle vivant âgé de quarante-huit heures environ, pesant 1,2 kg et présentant des tumeurs nodulaires cutanées de couleur lie de vin localisées en différents endroits du corps, mais principalement sur la tête et le cou. Cet éleveur constate pour la première fois de telles lésions chez l’un de ses animaux et souhaite en connaître la nature et, éventuellement, la pathogénicité(1).

Le porcelet présenté est le seul animal atteint de la portée, issue d’une insémination artificielle. La truie qui l’a mis au monde, provenant de divers croisements, est en parfait état général et ne présente aucune lésion cutanée. Les masses de type tumoral rouge violacé, glabres, cérébriformes et bourgeonnantes, à contours irréguliers et de taille variable (de 1 à 10 cm de diamètre), siègent principalement sur le sommet de la tête en débordant largement du côté droit, ainsi que sous la mandibule droite, la face postéro-latérale droite du cou et la face inférieure de l’épaule droite. Elles ne semblent pas faire souffrir l’animal. En outre, un vaste ulcère profond, ovale, de 4 x 2 cm, est visible au milieu du front. Il s’expliquerait par le frottement de la tête, qui présente une fragilité cutanée, aux tétines de la truie.

Bien qu’il semble parfaitement viable, l’animal est sacrifié. Aucune anomalie macroscopique viscérale n’est décelée à l’autopsie, tant au niveau du cœur que des autres organes, en particulier le foie, les reins et les intestins. Les ganglions ne présentent aucune hypertrophie. Le tissu musculaire et le reste du revêtement cutané sont normaux.

Seule l’histologie permet de confirmer le diagnostic de l’hamartome sudoral eccrine

Le tissu lésionnel est prélevé pour la réalisation d’un examen anatomo-pathologique. L’analyse histologique montre essentiellement, sous un épiderme papillomateux hyperkératosique aux contours festonnés, une prolifération de structures canalaires et adénomateuses à différenciation sudorale eccrine, qui s’étendent dans le derme au sein d’un stroma fibro-hyalinisé. Ces structures sudorales sont revêtues de cellules eccrines sans atypies cytonucléaires. Elles sont associées à de nombreux éléments vasculaires. Cet aspect histologique est en faveur d’un diagnostic d’hamartome sudoral eccrine. Pour le valider, il convient toutefois de préciser la nature des glandes (apocrines et eccrines) qui composent la lésion. Le porc présente des particularités propres, notamment des glandes séromucoïdes sur le pourtour labial. L’analyse histologique permet de confirmer le qualificatif lésionnel final retenu, en l’occurrence l’hamartome.

Les hamartomes, des lésions bénignes qui sont toutefois douloureuses

Les hamartomes sont des sortes de tumeurs bénignes d’origine congénitale, dysembryoplasiques. Elles sont classées selon le système dont elles dérivent. Elles peuvent être soit d’origine épidermique kératinocytaire (conduisant à un hamartome verruqueux), sébacé, comédonien, pilaire ou organoïde annexiel, soit d’origine mélanocytaire, prenant alors l’appellation de naevus mélanocytaires (ce sont d’ailleurs les seuls hamartomes toujours appelés naevus), soit d’origine mésenchymateuse (conjonctive, vasculaire, hypodermique ou graisseuse (donnant lieu à un hamartome lipomateux). Parfois, certains hamartomes mixtes peuvent associer plusieurs types cellulaires différents, voire réaliser des formations organoïdes complexes avec de l’os, des dents ou du cartilage.

Les hamartomes sudoraux sont des tumeurs développées à partir des glandes sudorales eccrines. Ils sont relativement rares dans l’espèce humaine et peuvent être hyperhydrosiques et douloureux.

Les hamartomes ont été décrits chez d’autres espèces : carnivores, bovins, chèvres et chevaux

Chez les animaux domestiques, les hamartomes cutanés (naevi) sont décrits comme des lésions à composante vasculaire chez le chat et le chien, le cheval, les bovins et la chèvre(2). Ils peuvent être congénitaux ou acquis (Paradis et coll., 1993). Ils sont divisés en huit catégories selon leur nature et leur localisation. Sont ainsi distingués des hamartomes développés à partir de l’épiderme, des follicules pileux, des corpuscules de Pacini, des structures vasculaires et des mélanocytes (Goldschmidt et Shofer, 1992, Paradis et coll., 1993). Chez les animaux de rente, seuls sont décrits des naevi mélanocytiques, vasculaires et organoïdes (Scott, 1988). Des illustrations photographiques montrent l’existence d’un naevus organoïde sur l’oreille chez un porc adulte, mais aucune description n’en a été faite. Macroscopiquement, il s’agit d’une prolifération tubulaire de 20 mm de hauteur et de 3 mm de diamètre, fichée perpendiculairement à la surface externe de l’oreille, de la même couleur que la peau avoisinante. Au plan anatomopathologique, cette lésion est caractérisée par une hyperplasie des follicules pileux et des glandes apocrines (Scott, 1988). Les hamartomes du cheval, qui ont fait seulement l’objet de trois descriptions dans la littérature, concernent les hamartomes organoïdes linéaires (Paradis et coll., 1993 ; Scott et Miller, 2003). En outre, deux cas d’hamartome sont décrits chez la chèvre (Bildfell et coll., 2002).

  • (1) J.-M. Gourreau, H. Morvan et E. Marinho : « Hamartome sudoral eccrine chez un porcelet », communication présentée le 19 janvier 2006 à l’Académie vétérinaire.

  • (2) Scott et coll., 1984 et 2001 ; Goldschmidt et Shofer, 1992 ; Ackermann, 1989 ; Scott et Miller, 2001 ; Scott, 1980 et 1985 ; Gross, 1992 ; Muller et coll., 1989 ; Bildfell et coll., 2002.

POUR EN SAVOIR PLUS

• C. Cebreiro, D. Sanchez-Aguilar, P. Gomez-Centeno, V. Fernandez-Redondo, J. Toribio : « Eccrine angio-matous hamartoma : report of seven cases », Clin. Exp. Dermatol., 1998, n° 23, pp. 267-270.

• R.H. Laeng, J. Heilbrunner, P.H. Itin : « Late-onset eccrine angiomatous hamartoma : clinical, histological and imaging findings », Dermatology, 2001, n° 203, pp. 70-74.

• J.L. Michel, B. Balme, D. Barret, L. Thomas, G. Mouli : « Congenital eccrine angiomatous hamartoma », Ann. Dermatol. Venereol., 1997, n° 124, pp. 623-625.

• D.W. Scott, Large animal dermatology, 1998, WB Saunders Cie, Philadelphia ed., 488 pages.

• R.L. Sulica, G.F. Kao, V.I. Sulica, N.S. Peneys : « Eccrine angiomatous hamartoma (nevus) : immunohistochemical findings and review of the literature », J. Cutan. Pathol., 1994, n° 21, pp. 71-75.

• D.J. Zeller, R.L. Goldman : « Eccrine-pilar angiomatous hamartoma of the finger leading to amputation », Clin. Exp. Dermatol., 1971, n° 16, pp. 44-45.

Caractéristiques d’un hamartome

Les hamartomes sont des malformations épidermiques circonscrites fréquemment congénitales et habituellement présentes à la naissance ou qui apparaissent dans les jours suivants. Elles peuvent être d’origine épidermique, mélanocytaire ou mésenchymateuse. Les hamartomes sont souvent des tumeurs des glandes eccrines et des capillaires qui les irriguent.

Littéralement, le terme “hamartome” désigne une prolifération de type tumoral de cellules embryonnaires qui font normalement partie de l’organe dans lequel elles se développent.

En médecine vétérinaire, ce mot était souvent utilisé comme synonyme de naevus. Cependant, l’hamartome s’applique à des désordres hyperplasiques de tous les tissus ou organes, alors que le naevus s’adresse exclusivement à des malformations de la peau. Les hamartomes correspondent histologiquement à une hyperplasie des constituants normaux de l’épiderme ou de ses annexes, sans composante naevo-cellulaire (Scott et coll., 2001 ; De Gryer, 1993). Bien qu’en nombre plus important, les cellules tumorales semblent totalement identiques aux cellules normales.

N. D.
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