Parasitologie équine
Formation continue
ÉQUIDÉS
Auteur(s) : Isabelle Desjardins-Pesson
Trichophyton equinum a une étroite spécificité d'hôte et la contamination d'autres espèces est exceptionnelle
Les dermatophytoses, ou teignes, demeurent des dermatoses particulièrement fréquentes chez les équidés. Elles sont dues au développement et à la multiplication, dans la couche cornée de l'épiderme et dans les phanères, de champignons parasites obligatoires, les dermatophytes. Ces mycoses sont extrêmement contagieuses et s'étendent rapidement au sein des regroupements de chevaux.
Les dermatophytes pathogènes isolés le plus souvent sont des espèces zoophiles (les deux variétés de Trichophyton equinum, Trichophyton mentagrophytes,Trichophyton verrucosum, Microsporum canis var. equinum) ou géophiles (Microsporum gypseum). L'infection par un dermatophyte anthropophile (Trichophyton rubrum, Trichophyton tonsurans) est rare.
Selon notre confrère Jacques Guillot, « l'étude récente de la diversité génétique des dermatophytes a conduit à des modifications de la classification traditionnelle. A la suite de ces travaux de biologie moléculaire, la validité de certaines espèces, comme Trichophyton equinum, a été remise en cause par certains auteurs. Par ailleurs, l'analyse de marqueurs moléculaires a confirmé l'appartenance de souches identifiées comme Microsporum equinum à l'espèce Microsporum canis. Les carnivores domestiques représenteraient donc une source de contamination des chevaux ». Trichophyton equinum est responsable de la majorité des cas de dermatophytose équine, à étroite spécificité d'hôte, si bien que la contamination d'autres espèces animales ou des êtres humains est exceptionnelle. Les formes cliniques de dermatophytose sont variables selon l'espèce de dermatophyte en cause et l'intensité de la réponse inflammatoire. Les cas les plus nombreux correspondent à des teignes sèches dans lesquelles l'inflammation est modérée, le prurit le plus souvent absent, avec dépilation, érythème et squamosis. Les poils sont soit cassés au ras de la peau (lors de teignes “tondantes”, qui correspondent souvent à une atteinte par Microsporum canis var. equinum ou M. gypseum), soit avulsés en totalité, provoquant alors des lésions glabres (cas des teignes “épilantes”, qui correspondent à l'infection par Trichophyton equinum).
Les lésions débutent souvent aux emplacements du harnachement et sont discrètes au départ. Ensuite, elles peuvent s'étendre à tout le corps et confluer en larges plaques. Il existe parfois des formes suppurées avec de petites granulations (“herpès miliaire”, le plus souvent dû à Trichophyton mentagrophytes, transmis par des rongeurs) ou l'infection par Trichophyton verrucosum (transmis par des ruminants) à l'origine de lésions dépilées et de croûtes épaisses. Les lésions évoluent lentement vers une guérison spontanée en raison de l'immunité, en deux à quatre mois. Jacques Guillot rappelle que « ces différentes formes cliniques peuvent être facilement confondues avec d'autres dermatoses équines comme la dermatophilose ou une pyodermite superficielle ».
Le caractère contagieux pour les autres chevaux est un élément de suspicion clinique. Le diagnostic de certitude repose sur les examens complémentaires. « L'examen direct apporte une preuve rapide, avec la visualisation des arthroconidies et du mycélium, mais nécessite une observation attentive après un éclaircissement prolongé du prélèvement, en préférant la potasse au lactophénol. Cet examen direct est simple, peu coûteux et donne une réponse rapide. Toutefois, un résultat négatif ne doit pas dispenser de la mise en culture, qui demeure la seule technique actuelle permettant l'identification de l'espèce fongique. Le recours aux dispositifs DTM (dermatophyte test medium) n'est pas recommandé », insiste notre confrère.
Pour le traitement, il est généralement conseillé d'associer des antifongiques d'action locale et d'autres d'action systémique administrés par voie orale. La griséofulvine demeure l'unique antifongique d'action systémique qui dispose d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l'espèce équine pour le traitement des dermatophytoses (à raison de 10 mg/kg, quotidiennement pendant sept à dix jours), même si la pharmacocinétique de la griséofulvine n'est pas décrite avec précision chez les chevaux.
Lorsque les lésions cutanées sont nombreuses, les antifongiques d'action locale (la natamycine ou l'énilconazole) sont à appliquer sur toute la surface du corps et pas seulement sur les lésions (selon le produit, deux à quatre fois tous les trois à cinq jours). « L'ensemble de l'effectif est à traiter, que les animaux présentent ou non des lésions, rappelle Jacques Guillot. En outre, il est conseillé d'éliminer les squames et les croûtes à l'aide d'une brosse imbibée du produit. » L'action sur le milieu extérieur est indispensable, compte tenu de la résistance des spores de dermatophytes dans l'environnement et de leur facile dispersion. La solution diluée d'énilconazole permet de désinfecter le matériel de pansage, alors que la soude caustique ou le formol à 10 % assure celle des locaux et des véhicules de transport. Bien que la vaccination constitue un mode de prévention prometteur, aucun vaccin anti-dermatophytoses équines n'est actuellement disponible en France.
Jacques Guillot, professeur à l'école vétérinaire d'Alfort, unité de parasitologie et mycologie.
Article réalisé d'après la conférence « les dermatophytoses équines : des dermatoses toujours d'actualité », présentée à l'Académie vétérinaire de France à Paris, le 15 décembre 2005, lors d'une journée spéciale sur les « actualités en parasitologie équine ».
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