LE MAILLAGE VÉTéRINAIRE, DÉJÀ FISSURÉ, RISQUE DE CRAQUER - La Semaine Vétérinaire n° 1215 du 25/02/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1215 du 25/02/2006

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Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

Dans le climat tendu lié à “la menace grippe aviaire”, des ruraux manifestent leur ras-le-bol d’être considérés comme « des intermittents du sanitaire ». Le peu de soutien accordé par l’Etat à l’action sanitaire vétérinaire ne contribue pas au maintien d’un maillage “serré”, comme le montrent les données de l’Annuaire Roy 2006. La taxe instaurée cette année sur les véhicules de société accentue le malaise.

Les vétérinaires sanitaires ruraux ou mixtes jouent un rôle capital de surveillance dans le cadre de la lutte contre la grippe aviaire. » Les confrères formateurs ne cessent de le répéter lors des réunions “influenza aviaire” qui se tiennent actuellement dans toute la France(1). Le problème est que la branche d’activité rurale est délaissée dans certaines régions. Plus globalement, la répartition nationale des vétérinaires, tous types d’activités confondus, montre de fortes disparités selon les départements (voir carte en page 32).

En dix ans, l’activité canine n’a cessé de progresser, aux dépens de l’exercice rural

Le centre du pays, ainsi que quelques départements de l’Est et du Sud sont des zones relativement désertées par les vétérinaires. Le territoire de Belfort, la Haute-Corse et la Basse- Corse, la Lozère, les Hautes-Alpes, l’Ariège, les Alpes de Haute-Provence, la Haute-Marne, l’Aube, la Meuse, l’Ardèche, les Hautes-Pyrénées, l’Eure-et-Loir et l’Indre répertorient moins de soixante-cinq confrères et consœurs, selon les données de l’Annuaire Roy 2006. Se pose de nouveau la problématique du maillage vétérinaire du territoire dont l’importance est capitale, mais qui reste fragile.

Les praticiens qui exercent une activité rurale dite pure sont en voie de disparition. La Lozère (1), la Meuse (7), les Hautes-Pyrénées (3), l’Eure-et-Loir (1) et l’Indre (3) n’en comptent que quelques-uns. En effet, la plupart des praticiens sont désormais amenés à traiter des animaux de compagnie et se déclarent donc comme “mixtes”, de plus en plus souvent à prédominance canine (voir courbes en page 30).

Il y a dix ans, les canins et les mixtes à prédominance canine étaient seulement deux fois plus nombreux que les ruraux et les mixtes à prédominance rurale (5 862 au lieu de 2 469). En 2006, ils progressent de 37 %, alors que le nombre de confrères et consœurs exerçant une activité rurale reste relativement stable (9 329 et 2 502), voire subit une légère baisse depuis 2001.

Les mixtes et ruraux sont le maillon essentiel de la surveillance des élevages de basse-cour

Outre les vétérinaires qui exercent dans les filières hors sol, les confrères mixtes et ruraux sont la principale cible des sessions de formation à l’influenza aviaire qui se déroulent actuellement. L’objectif de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) est de former un vétérinaire par structure intervenant dans des élevages de volailles, soit environ 2 000 praticiens d’ici à la mi-mars, période à risque en raison du retour des oiseaux migrateurs. Près d’une centaine de réunions ont été programmées dans toute la France. Lors de celle organisée à Rennes (Ille-et-Vilaine) le 8 février dernier, les formateurs ont insisté sur l’absence d’encadrement sanitaire organisé pour les élevages de basse-cour, contrairement aux exploitations industrielles. Or le mélange d’espèces, comme cela s’observe dans une basse-cour familiale (poules, canards, etc.), représente le maillon indispensable à l’amplification du pouvoir pathogène des souches des virus influenza faiblement pathogènes. Pour leur part, les praticiens mixtes et ruraux sont le maillon essentiel à la surveillance de ces élevages. Si le maillage vétérinaire se délite, la surveillance perdra en efficacité. Dans le Centre, une importante région avicole (environ 10 millions de volailles recensées), cent quatre-vingt-deux praticiens ruraux ou mixtes sont en exercice, soit deux fois moins qu’en Midi-Pyrénées, qui compte à peu près le même nombre de volailles.

En outre, les départements du Centre présentent un risque particulier vis-à-vis du virus, puisqu’ils font partie des premiers à avoir fait l’objet des mesures de confinement.

La visite annuelle obligatoire ne suffit pas à rémunérer une veille sanitaire permanente

Les vétérinaires de l’Orne ont décidé de boycotter leur session de formation, prévue le 14 février dernier(2). L’abandon de la rurale par l’un de leurs confrères à la suite d’un “contrôle pharmacie”, lié à une plainte de l’Ordre des pharmaciens, a été l’élément déclencheur. « Cent quarante exploitations agricoles n’auront plus de vétérinaire sanitaire », déplorent nos confrères et consœurs ornais, lassés d’être « les intermittents du sanitaire ». Le manque de considération témoigné par l’Etat à l’égard de la profession expliquerait en partie, selon eux, le délitement du maillage vétérinaire du territoire et de leur département en particulier. Cela s’illustre notamment par la dévalorisation du mandat sanitaire. La visite annuelle obligatoire dans les élevages bovins, instaurée l’an passé, ne suffirait pas à rémunérer la veille sanitaire permanente qu’ils sont censés assurer, surtout en ce moment, à cause du risque d’apparition de la grippe aviaire sur le territoire. « Il faut bien admettre que la veille sanitaire n’offre plus aucun intérêt économique pour les vétérinaires ruraux, déjà usés par les gardes et leur rôle ingrat de vétérinaires pompiers », expliquent-ils.

La taxe imposée sur les véhicules de société renforce le malaise des ruraux

Le décret “prescription-délivrance” est un autre sujet qui fâche. Il devrait permettre à la fois la prescription et la délivrance des médicaments vétérinaires hors examen clinique, mais seulement pour les animaux sous la surveillance sanitaire du vétérinaire et dont les soins lui sont régulièrement confiés. Or ce texte n’est toujours pas publié. « Un vétérinaire seul ne peut continuer d’exercer, estiment ainsi les praticiens de l’Orne. Il ne peut être à la fois au comptoir et dans les élevages. » Le fossé entre la réglementation actuelle et la réalité de la pratique complique d’autant l’exercice des confrères ruraux et mixtes. Il pourrait pousser certains à jeter l’éponge, comme l’a fait récemment le praticien ornais.

La taxe imposée sur les véhicules de société (TVS) depuis janvier dernier ne fait qu’accentuer la grogne des mixtes et des ruraux. En effet, tout véhicule professionnel est soumis à la TVS s’il est acquis, utilisé et entretenu dans le cadre de la clinique. En outre, les nouvelles mesures relatives au gaz carbonique sont défavorables à cette même catégorie de praticiens, puisqu’elles concernent les 4x4.

Les médecins, comme les vétérinaires, “désertent” certaines régions de France

La désertification de certaines régions est un problème qui touche d’autres professionnels de santé. Ainsi, la carte de France 2005 des densités de médecins généralistes fait apparaître de fortes disparités. Les plus faibles sont observées dans le Centre (137 pour 100 000 habitants), la Basse-Normandie et la Haute-Normandie (140 et 139), la Picardie (142) et les Pays-de-la-Loire (145), selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). L’Ile-de-France (184), le Languedoc-Roussillon (186) et la Provence-Alpes-Côte-d’Azur (193) sont les régions les mieux loties(3).

La crainte de l’isolement géographique et culturel freine l’installation des vétérinaires et des médecins dans certains départements. Une consœur de l’Aveyron regrette ainsi que les jeunes confrères exerçant la rurale dans sa structure ne restent qu’une saison pour se former, avant de partir s’installer dans des zones plus attractives(4), alors que l’offre de travail est suffisante. Pour remédier à cette pénurie, l’installation des vétérinaires en milieu rural a été soutenue par le ministère de l’Agriculture dans le cadre de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Pendant deux ans, les confrères sont exonérés de la taxe professionnelle. Cependant, cette mesure est jugée insuffisante par certains, en comparaison notamment de ce qui est accordé aux médecins, qui bénéficient d’une revalorisation des consultations et des remplacements dans des zones dites prioritaires (voir encadré page 29).

L’emballement des médias et des autorités vis-à-vis de la grippe aviaire pourrait exacerber le malaise des praticiens mixtes et ruraux, particulièrement sollicités, et conduire à l’extension du mouvement de protestation ornais. Un appel au boycott de la prochaine session de formation sur la grippe aviaire a été lancé dans les Deux-Sèvres.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1214 du 18/2/2005 en page 14.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1214 en page 17.

  • (3) Données consultables sur le site www.sante.gouv.fr

  • (4) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1193 du 10/9/2005 en page 11.

Des zones prioritaires pour les médecins

Une revalorisation des consultations et des remplacements dans des zones dites prioritaires sont les mesures en faveur des médecins, annoncées par Xavier Bertrand, ministre de la Santé, le 25 janvier dernier.

Il souhaite ainsi que la rémunération des médecins exerçant en cabinet de groupe dans les zones à faible densité médicale puisse être augmentée de 20 %. La même majoration des honoraires est prévue pour ceux qui effectuent des remplacements dans ces régions.

J.-P. G
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