L’herpès-virus est isolé dans 40 % des kératoconjonctivites - La Semaine Vétérinaire n° 1213 du 11/02/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1213 du 11/02/2006

Ophtalmologie féline

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Laurent Bouhanna

Fonctions : praticien spécialisé en ophtalmologie à Paris.

Cinq publications récentes abordent les kératoconjonctivites, notamment à herpès-virus félin, et les séquestres cornéens qui y sont parfois associés.

Les conjonctivites et kératoconjonctivites sont fréquentes chez le chat. Un séquestre cornéen, affection spécifique de cette espèce, y est parfois associé. Il se présente comme une opacité cornéenne arrondie de couleur marron ou noire.

1 HERPÈS-VIRUS ET KÉRATOCONJONCTIVITE.

L’implication de l’herpès-virus félin de type 1 (HVF-1) est souvent envisagée lors d’affections oculaires chez le chat. Une étude a recherché la corrélation entre des signes cliniques évocateurs d’herpès-virose et l’isolement du virus (voir bibliographie 5). Le virus HVF-1 a été recherché par deux techniques de polymerase chain reaction (PCR) dans des écouvillonnages, des raclages et des biopsies chez trente-six chats présentant une conjonctivite, une kératite superficielle, une kératite stromale ou un séquestre cornéen, ainsi que chez des chats sains.

L’HVF-1 est mis en évidence par PCR chez un chat (6 %) du groupe témoin et chez 39 % des chats atteints d’une affection oculaire : trois chats avec une conjonctivite sur sept, cinq chats avec une kératite superficielle sur six, trois chats avec une kératite stromale sur onze et trois chats avec un séquestre sur douze. Aucun type de prélèvement ne semble à privilégier pour l’isolement viral, excepté lors de séquestre : l’ADN viral n’a pas été détecté dans les écouvillonnages de cornée ou de conjonctive. En cas de séquestre seul, les raclages ou les biopsies de cornée sont à privilégier pour rechercher l’herpès-virus.

En outre, un examen cytologique de prélèvements conjonctivaux et cornéens à la cytobrosse a été réalisé. L’HVF-1 est détecté dans six échantillons sur neuf présentant des inclusions intranucléaires et chez six chats sur sept pour lesquels des éosinophiles sont observés.

Chlamydophila felis a également été recherchée par un test Elisa (écouvillonnage du fornix conjonctival inférieur) : tous les tests se sont révélés négatifs.

Dans cette étude, la corrélation entre l’isolement viral et la kératite superficielle est significative, mais ne l’est pas en revanche pour la conjonctivite, la kératite stromale ou le séquestre.

2 SÉQUESTRE CORNÉEN ET KÉRATECTOMIE.

Le séquestre cornéen félin est facile à diagnostiquer et son traitement est chirurgical. Une étude rétrospective chez soixante-quatre chats présentant un ou plusieurs séquestres (soit quatre-vingts yeux) a cherché à préciser les caractéristiques épidémiologiques et cliniques de cette affection et a évalué l’intérêt relatif de deux approches thérapeutiques, la kératectomie seule ou associée à une greffe (voir bibliographie 1).

La race la plus représentée est le chat persan, conformément aux données d’études antérieures. L’âge moyen est de 5,6 ans. Lors de la consultation initiale, l’affection est unilatérale chez cinquante-huit chats et bilatérale chez les six autres (parmi lesquels cinq persans). Les symptômes observés le plus souvent sont de la douleur (quarante-deux chats) et un épiphora (trente-six chats).

La kératectomie seule est réalisée sur quarante-quatre yeux et la kératectomie complétée par une greffe de conjonctive ou de sous-muqueuse intestinale sur trente yeux. Cette dernière technique est employée lorsque le séquestre cornéen est moyennement à très profond (c’est-à-dire supérieur environ au tiers de l’épaisseur cornéenne). Des complications sont observées après certaines greffes conjonctivales pédiculées.

En outre, des colorations (du marron au noir) de quelques greffons non cornéens et de biomatériaux sont constatées, dont celles des tissus conjonctivaux (qu’ils soient viables ou non en apparence) ou de greffons de sous-muqueuse intestinale.

Le taux de récidive pour ces deux approches thérapeutiques, respectivement de 25 % et de 17 %, est statistiquement comparable.

3 SÉQUESTRES CORNÉENS ET AGENTS INFECTIEUX.

Le séquestre cornéen est une affection assez fréquente chez le chat, mais ses causes et sa pathogénie restent mal connues.

Une étude a été menée chez neuf chats, afin de préciser les caractéristiques histologiques des séquestres. Prélevés par kératectomie, ils ont été observés au microscope électronique et comparés avec des cornées provenant de deux chats sains (voir bibliographie 2).

Un test par PCR a été réalisé pour rechercher des agents infectieux, dont l’HVF-1, Toxoplasma gondii, Chlamydophila felis et Mycoplasma spp.

Parmi les modifications ultrastructurales, outre l’ulcération épithéliale, des débris nécrotiques de kératocytes sont observés dans le stroma, entre les plans désorganisés de collagène dégénéré. Dans tous les échantillons, quelques kératocytes présentent des signes d’apoptose (chromatine anormale, rétraction du cytoplasme, etc.). Différents degrés d’inflammation sont notés, caractérisés par la présence de neutrophiles, de lymphocytes, de plasmocytes et de macrophages.

A l’examen par PCR, trois séquestres sont positifs pour l’HVF-1, trois pour T. gondii, un pour l’HVF1 et T. gondii, aucun pour C. felis et Mycoplasma spp.

Cette étude suggère que l’apoptose interviendrait dans la pathogénie du séquestre cornéen félin, indépendamment de la présence d’organismes infectieux. Des études complémentaires permettraient de mieux comprendre la relation entre T. gondii et le séquestre cornéen.

4 COULEUR DES SÉQUESTRES CORNÉENS ET MÉLANINE.

Une étude portant sur douze chats a cherché à préciser l’origine des séquestres cornéens félins, caractérisés par une tache brune à noire (voir bibliographie 3).

La spectroscopie en lumière ultraviolette révèle un pic d’absorption dans les cornées normales (385 mm), absent dans les séquestres. Ce pic pourrait être caractéristique d’une cornée saine chez le chat. Le spectre de deux séquestres affiche un pic à 280 mm, suggérant la présence de groupes chromatophores. La microscopie électronique montre que la coloration n’est pas due à la présence de fer.

En microscopie optique (sur dix séquestres), des particules dont l’aspect évoque la mélanine sont observées, suggérant une origine mélanique de la coloration des lésions.

5 FILM LACRYMAL ALTÉRÉ ET CONJONCTIVITE.

L’hypothèse qu’une déficience qualitative du film lacrymal pourrait intervenir dans la pathogenèse de la conjonctivite chez le chat a été émise. Une étude (voir bibliographie 4), menée chez quatorze chats âgés de neuf mois à douze ans présentant une conjonctivite non traitée et aucune autre affection oculaire (en particulier pas de kératite), a cherché à déterminer si :

- le temps de rupture du film lacrymal (break up time ou BUT) chez ces animaux diffère significativement des valeurs trouvées chez de jeunes chats sans affection oculaire ;

- les modifications du BUT et du test de Schirmer présentent une corrélation lors de conjonctivite ;

- le BUT est modifié chez les chats avec une conjonctivite à HVF-1, Chlamydophila felis, Mycoplasma spp. ou calicivirus félin confirmé par PCR.

Le BUT moyen des chats de cette étude est de 8,9 secondes (+/- 4,8) pour l’œil droit et 8,1 s (+/- 4,6) pour l’œil gauche. Il est significativement inférieur aux valeurs usuelles chez les chats sains (environ 15 s).

Aucune corrélation n’a été mise en évidence entre le BUT et les résultats du test de Schirmer.

Le BUT moyen chez les animaux pour lesquels l’ADN de l’HVF-1 a été isolé dans le sang (neuf chats) est significativement inférieur à celui des autres chats à conjonctivite.

Cette étude renforce l’hypothèse de l’instabilité du film lacrymal lors de conjonctivite féline, sans qu’il soit possible de conclure si cette déficience qualitative prédispose au développement de la conjonctivite ou si elle est secondaire à cette affection.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 - S. Volopich, V. Benetka, I. Schwendenwein, K. Mostl, I. Sommerfeld-Stur, B. Nell : « Cytologic findings, and feline herpesvirus DNA and Chlamydophila felis antigen detection rates in normal cats and cats with conjunctival and corneal lesions », Vet. Ophthalmol., 2005, vol. 8, n° 1, pp. 25-32.
  • 2 - H. J. Featherstone, J. Sansom : « Feline corneal sequestra : a review of 64 cases (80 eyes) from 1993 to 2000 », Vet. Ophthalmol., 2004, vol. 7, n° 4, pp. 213-227.
  • 3 - C.L. Cullen, D.W. Wadowska, A. Singh, Y. Melekhovets : « Ultrastructural findings in feline corneal sequestra », Vet. Ophthalmol., 2005, vol. 8, n° 5, pp. 295-303.
  • 4 - H.J. Featherstone, V. J. Franklin, J. Sansom : « Feline corneal sequestrum : laboratory analysis of ocular samples from 12 cats », Vet. Ophthalmol., 2004, vol. 7, n° 4, pp. 229-238.
  • 5 - C. C. Lim, C.L. Cullen : « Schirmer tear test values and tear film break-up times in cats with conjunctivitis », Vet. Ophthalmol., 2005, vol. 8, n° 5, pp. 305-310.
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