Nous sommes d'éternels acrobates

Le pragmatisme de l'article tout à fait pertinent de notre confrère sur notre appauvrissement et l'angélisme de la rubrique “forum” sur le bien-fondé de la surveillance des animaux hospitalisés⁽¹⁾ m'amènent à quelques réflexions.

Elles font suite à la triste expérience vécue par tous et à laquelle j'ai été confronté, par coïncidence, la veille de la lecture de ces articles.

Je reçois à 18 h, en “urgence”, une chienne âgée bien mal en point qui traîne un pyomètre depuis plus d'une semaine. Bilan sanguin et intervention sont réalisés dans l'heure qui suit. L'opération se déroule techniquement sans problème, une perfusion est posée et l'animal est hospitalisé pour la nuit. Hélas, l'opérée pousse son dernier soupir dès mon arrivée à la clinique le lendemain matin…

A lire mes confrères, trois options s'offraient à moi :

- demander très gentiment à mon auxiliaire (est-elle compétente pour cela ?) de dormir à la clinique et la gratifier de 160 € et d'une journée de repos ;

- assumer moi-même cette surveillance dont la “valeur” passe logiquement à 320 € (40 € bruts/h en travail de nuit sans récupération, ça me paraît normal !) ;

- référer le cas à un centre hospitalier (s'il existe) situé à 50 ou 100 km.

Utopie, trois fois utopie. Dois-je pour autant me considérer comme fautif ? Ma présence auprès de cette chienne ne l'aurait pas sauvée. « Responsable mais pas coupable », telle serait plutôt mon autocritique sachant que, de toute façon, moins de 1 % de ma clientèle accepterait une facture de 300 € pour une surveillance de nuit !

Le bien-fondé d'une surveillance hospitalière est partagé par tous sur le fond, mais elle est inapplicable. Notre activité ne peut se comparer à la médecine humaine. Et quand bien même nous aurions la chance de nous en approcher, qu'il nous soit alors accordé la même possibilité de creuser sans fin et sans état d'âme un gouffre financier. Nous cesserions alors d'être d'éternels « acrobates ». Faut pas rêver !

• (1) La Semaine Vétérinaire n° 1210 du 21/1/2006 en pages 7 et 9.