Les rhinocéros qui vivent en captivité sont victimes de désordres organiques - La Semaine Vétérinaire n° 1212 du 04/02/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1212 du 04/02/2006

Conservation des grands mammifères

Formation continue

FAUNE SAUVAGE

Auteur(s) : Alain Zecchini

Quelle que soit l'espèce, plusieurs paramètres vitaux sont affectés par les pressions de leur environnement.

Les espèces des rhinocéros noirs, blancs, indiens et de Sumatra sont présentes dans les établissements zoologiques. Les deux premières sont les plus nombreuses, et les plus étudiées. Mais toutes continuent à manifester des désordres organiques qui s'expliquent largement par leur captivité.

Chez les rhinocéros noirs, la morbidité est importante. 40 % des décès aux Etats-Unis sont dus à l'anémie hémolytique. Dans ce pays, les cas létaux de pneumopathie fongique et de leuco-encéphalomalacie sont également fréquents, ainsi que les dermatites ulcéreuses. Par ailleurs, ces animaux traduisent souvent par du stress les pressions de leur environnement. Les concentrations de corticoïdes fécaux, indicatrices de cet état, sont plus élevées chez les rhinocéros noirs américains dont la majeure partie de l'enclos est en contact avec le public, ainsi que chez ceux qui sont maintenus en couple (combats fréquents). A l'inverse, ces taux sont plus faibles chez les rhinocéros mis en présence l'un de l'autre seulement à l'époque de la reproduction.

Le stress jouerait un rôle essentiel dans le déclenchement des affections

Le lien direct du stress avec la maladie n'est pas certifié, mais fortement suspecté. La production de lymphocytes chez les rhinocéros blancs, noirs, indiens et de Sumatra captifs a été étudiée. Parmi ces quatre espèces, les rhinocéros noirs présentent la plus faible réponse lymphocytaire. Parallèlement, chez ces derniers, des déséquilibres d'ordre minéral ont été relevés, par rapport à leurs congénères dans la nature. Au niveau du sang, si les taux de magnésium, de manganèse et de zinc sont plus bas, ceux de phosphore, de cuivre, de molybdène et surtout de fer sont en revanche plus élevés. Cette surcharge ferrique, également constatée au niveau du foie, pourrait jouer un rôle majeur dans l'apparition d'affections concernant cet organe chez les rhinocéros. En étudiant l'ADN de ces animaux, des chercheurs ont suggéré que la mutation d'un acide aminé du gène HFE (situé dans le complexe HLA(1) du chromosome 6) pourrait être responsable de cette accumulation de fer. Ce processus serait le résultat d'une alimentation trop riche en fer en captivité. Pour résoudre ce problème, il a été envisagé d'augmenter la composante tannique des nutriments afin de réduire l'absorption de fer.

La ration des rhinocéros noirs ne leur fournit pas assez de vitamine E

Mais d'autres difficultés sont relatées. L'alimentation des rhinocéros noirs captifs n'offre pas toutes les vertus nutritionnelles des végétaux dans la nature. Les rhinocéros à l'état libre disposent de davantage d'acides gras polyinsaturés linoélique et linolélique grâce aux feuillages qu'ils consomment, notamment dans une réserve au Kenya. Chez ces animaux, les concentrations en α-tocophérol (vitamine E) sont également élevées. En captivité, le manque de vitamine E est maintenant bien établi parmi les rhinocéros noirs d'une manière générale, il est d'ailleurs courant de les supplémenter.

L'absorption de cette vitamine est habituellement facilitée par la bile et le suc pancréatique. Or les rhinocéros (toutes espèces confondues) n'ont pas de vésicule biliaire et ce sont justement les acides linoélique et linolélique qui remédient à cette absence. Lorsque ces acides ne sont pas suffisamment représentés dans la ration, un déséquilibre apparaît.

La captivité affecte la reproduction des rhinocéros blancs

Les rhinocéros blancs captifs n'ont généralement pas trop de difficultés pour s'habituer à leur nourriture. Mais leur taux de reproduction stagne, mettant en danger leur renouvellement.

Parmi les femelles du programme EEP (Europäisches Erhaltungszucht Programm), qui regroupe la majeure partie des établissements zoologiques en Europe, 60 % sont acycliques. De nombreux problèmes de gestation sont constatés et les kystes utérins ou ovariens, facteurs d'infertilité, sont fréquents. Plusieurs protocoles sont testés pour résoudre ces difficultés, allant de l'administration de progestogènes jusqu'à l'insémination artificielle (qui n'a pas donné jusqu'à présent les résultats escomptés, même si l'obtention par électro-éjaculation de la semence des mâles devient une technique rodée).

Les rhinocéros mâles souffrent aussi d'infertilité. 81 % de ceux qui relèvent du programme américain SSP (Species Survival Program) n'ont pas produit de descendance. Une étude conduite chez dix-neuf rhinocéros blancs européens et américains montre que 52 % d'entre eux seulement ont une semence de haute qualité (taux important de spermatozoïdes).

Comme pour les rhinocéros noirs, de fortes concentrations de corticoïdes fécaux, dénotant le stress, ont été enregistrées chez des femelles rhinocéros blancs captives acycliques et chez des femelles présentant des comportements olfactifs inhibés ou de déambulation stéréotypée.

Lorsque les deux sexes cohabitent, les règles sociales sont perturbées

Les faibles performances des rhinocéros blancs pour la reproduction s'expliquent largement par des problématiques sociales. Dans la nature, les mâles se partagent entre dominants (alpha) et dominés (bêta). Seuls les premiers ont un territoire et peuvent couvrir les femelles. Ces dominants sont polygynes (et les femelles peuvent être parfois polyandres), ce qui signifie que plusieurs partenaires sont nécessaires à leur bonne reproduction. Les deux sexes ne se fréquentent (comme chez les autres espèces de rhinocéros) que le temps des amours. Mais en captivité, tout change… La dominance est bouleversée, les sex-ratios sont biaisés, la cohabitation entre sexes est la règle.

Dans la nature, les animaux sont informés sur leurs statuts respectifs (sexe, classe d'âge, état reproducteur en priorité) par l'urine, les fèces, les secrétions de différentes glandes, qu'ils déposent sur le sol et sur la végétation. Cela permet d'éviter ou au contraire de faciliter les rencontres. Confinés dans un zoo, les animaux sont en contact visuel, olfactif ou auditif en permanence, et doivent se supporter, au risque d'inhiber, voire d'exacerber une bonne part de leurs attitudes naturelles.

  • (1) HLA : human leukocyte antigen.

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