Pour faire voir la vie en rose à votre clientèle, osez les camaïeux ou les contrastes

Rire jaune ; être marron ; voir des éléphants roses ; être dans le rouge ; être vert de peur ; faire grise mine » sont autant d’expressions qui annoncent la couleur et illustrent sa concordance avec notre mental, notre façon ou envie d’être, le sens de notre communication. En effet, la perception des couleurs prend tout son sens grâce au lien avec les émotions.

Chaleur, sensualité, énergie, agressivité définissent le rouge qui, en excès, finit par irriter. Optimiste et dynamisant, le jaune est associé à l’intellect, à la richesse et à la prospérité. Couleur de la gaîté par excellence, l’orange est réputé pour libérer les émotions, mais gare à la vulgarité lors d’abus.

Pour ce qui est des couleurs froides, le bleu, propice à l’inspiration et à la créativité, est utilisé pour ses vertus apaisantes. Couleur du hasard et du destin, de la chance et de la malchance, le vert symbolise la vie. Douceur, tendresse, romantisme, sensibilité, rêve sont associés au violet, couleur de la méditation, mais également de la tristesse et de la gravité.

Aussi, l’alchimie entre les couleurs, les volumes, les matériaux, l’éclairage et l’orientation Nord-Sud est essentielle à raisonner afin d’optimiser l’accueil de la clientèle et contribuer à son bien-être une fois la porte franchie.

Le cercle chromatique est la base de l’harmonie d’analogie et de contraste

Les couleurs n’ont pas d’existence par elles-mêmes, il n’y a que des rayonnements d’intensité et de longueur d’onde différentes. Tout se passe au niveau du cerveau qui interprète une sensation de l’œil sous la forme d’une couleur.

Même si nous sommes dans le domaine du subjectif et de l’interprétation, il est possible d’objectiver l’association des couleurs grâce à un outil inventé au XVII^e siècle par Isaac Newton : le cercle chromatique (^{voir figure}). L’intuition géniale de Newton a été de considérer que la lumière est composée de plusieurs ondes lumineuses. Il l’a décomposée en sept couleurs principales, par analogie avec les sept notes de l’octave musicale, et a eu l’idée de les classer sous forme de cercle. En tenant compte des différentes largeurs de bandes spectrales, il démontre que cette répartition place les couleurs complémentaires en opposition. Cette inspiration prodigieuse va mettre en évidence toutes les possibilités de mélange des couleurs. L’association des teintes est régie par des règles artistiques : l’harmonie d’analogie et l’harmonie de contraste. Les couleurs analogues, proches les unes des autres sur le cercle chromatique, fonctionnent ensemble et sont la base des camaïeux. En revanche, les couleurs complémentaires, diamétralement opposées sur le cercle chromatique, rivalisent les unes avec les autres et ont pour objectif de créer un effet de choc.

Les camaïeux sont délicats à réussir. La règle d’association consiste à tracer, dans le cercle chromatique, un rayon sur une couleur et à choisir la couleur associée sur cette ligne et uniquement sur cette ligne, ou bien à tracer un cercle de diamètre inférieur à celui du cercle chromatique et à choisir les couleurs les plus proches à gauche ou à droite. « Il ne faut pas déroger à cette règle, explique Pascale Lebreton, architecte d’intérieur chez Wella. Par exemple, lorsque des blancs avec des nuances de gris sont associés avec des blancs aux nuances de bleu ou de marron, l’effet est absolument monstrueux. » Les nuanciers utilisés par les peintres sont déclinés de façon à permettre de raisonner les camaïeux.

Pour ce qui est de l’harmonie de contraste, les erreurs sont moins fréquentes. « Le plus difficile consiste à bien équilibrer les surfaces d’expression des différentes couleurs. Une seule couleur doit être attribuée à une surface importante, soit 60 à 65 % de l’ensemble. La couleur secondaire concerne 25 % de la surface. Une troisième n’est utilisée que par touches », précise Pascale Lebreton. Des couleurs contrastées présentes de façon équivalente créent une ambiance pesante. « Couleurs et volumes sont peu dissociables », insiste-t-elle.

Troubler volontairement sa vue pour « sentir » la couleur générale d’une pièce

La clinique vétérinaire des Trois sapins à Janzé⁽¹⁾ (Ille-et-Vilaine) s’est associée à cette réflexion. Depuis la séparation physique des activités canines et rurales, les cinq associés ont souhaité professionnaliser l’accueil dédié aux animaux de compagnie, via une utilisation différente de l’espace, le rendant plus attractif, plus convivial et propice aux achats de pet food, indépendants de l’activité de soins proprement dite. Ils se sont donc prêtés, avec Pascale Lebreton, au jeu du diagnostic de l’existant pour aboutir à des propositions de modifications.

« Pour voir la couleur générale d’une pièce, il faut brouiller sa vue volontairement. Ici, nous voyons un sol beige et des murs gris, explique-t-elle. Tout est gris, beige, uniforme, mais pas dans le bon camaïeu. » Entre les murs, la porte du fond, les étagères, les dalles du plafond, le comptoir, les montants des étagères, cinq sortes de gris qui ne vont pas ensemble sont recensés, et beaucoup de matériaux différents. Bien que le mur soit moucheté de bleu et de jaune, l’impression d’ensemble retient le gris. Les surfaces blanches et grises vont ainsi “prendre” la couleur complémentaire la plus proche. Certaines tireront vers le jaune, d’autres vers le bleu (^{voir photo}).

« D’autre part, il existe une volonté de cloisonnement, derrière l’accueil, pour cacher. En fait, rien n’est vraiment dissimulé, mais visible par transparence. On se perd dans tout cela. L’escalier est également trop présent, l’idéal serait de le supprimer », analyse Pascale Lebreton.

Le choix des matériaux est important. Pour que l’un ressorte, il est nécessaire que l’autre soit complètement neutre. Dans cet exemple, le problème est davantage lié à la surface qu’aux lignes. En effet, de nombreuses lignes horizontales (panneaux de signalisation, étagères, banque d’accueil, gondoles de pet food) entraînent un effet de tassement. Le sol non modifiable et l’escalier sont des éléments déterminants quant à l’orientation des choix futurs. Si la peinture des murs, le mobilier et l’éclairage sont modifiés, les plans 2 et 3 posent les premières orientations. Si les peintures ne sont pas refaites, le choix pourrait être celui du plan 1.

Cet exemple met en exergue le fait que la couleur n’est pas une caractéristique propre aux objets. L’environnement a une forte influence sur notre vision. Couleurs, volumes, matériaux, lumière sont indissociables. Là où il n’y a pas de lumière, il n’existe pas de couleurs.

• (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1183 du 21/05/05