La fonction visuelle diurne du chat évolue avec l’âge - La Semaine Vétérinaire n° 1211 du 28/01/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1211 du 28/01/2006

Etudes électrorétinographiques chez le chat siamois

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Serge Rosolen

Fonctions : praticien exclusif
en ophtalmologie,
clinique vétérinaire Voltaire
(Asnières, Hauts-de-Seine).

Certaines particularités du fond d’œil sont à prendre en considération pour interpréter un électrorétinogramme chez cette race.

Dans l’espèce féline, les chats de race siamois vivent particulièrement vieux. Ils atteignent, voire dépassent vingt ans et leurs propriétaires se demandent souvent si leur vision est affectée par l’âge. Une façon objective d’évaluer la vision diurne de ces animaux consiste à réaliser un électrorétinogramme (ERG) dans des conditions permettant d’estimer le fonctionnement des cônes (photopique). Cet examen permet de juger de la sensibilité des cônes selon l’intensité de la stimulation à un instant donné. Relativement courte, sa réalisation nécessite une anesthésie générale. Pour comparer l’ERG photopique du siamois adulte jeune et âgé, il faut tenir compte de quelques particularités anatomiques du fond d’œil chez certains sujets, comme la dépigmentation de l’épithélium pigmentaire rétinien (EPR) ou l’albinisme.

L’évaluation de la fonction visuelle s’effectue par électrophysiologie

La vision diurne liée au fonctionnement des cônes peut être évaluée de façon objective en réalisant des ERG au moyen de deux types de stimulation, flash (durée de quelques millisecondes) et flicker (flashs répétés à un rythme de plusieurs par seconde), en ambiance photopique (lumière vive). Il est possible d’estimer la sensibilité des cônes par la mesure de l’intensité du stimulus lumineux donnant une réponse d’amplitude maximale (Imax). La stimulation de type flash fournit des informations concernant la couche des photorécepteurs, alors que celles issues de la stimulation flicker intéressent le fonctionnement des systèmes inhibiteurs rétiniens localisés dans les couches internes de la rétine, au niveau des cellules horizontales et amacrines.

Les résultats présentés correspondent à des tracés obtenus chez cinq jeunes mâles (trois à cinq ans), six mâles adultes âgés (entre douze et quinze ans), quatre mâles atteints d’une dépigmentation de l’EPR (cinq à huit ans) et trois mâles présentant un fond d’œil de type albinos (entre six et huit ans). Chez tous ces animaux, le fond d’œil est visible (voir photos a, b, c, d et d’) et aucun ne présente de signe de maladie systémique ou métabolique. Chez les animaux adultes âgés, les artères et les veines rétiniennes semblent accolées (voir photo b, flèches) et comme enchâssées dans une gaine rendant leur aspect plus rigide.

Les électrorétinogrammes sont des examens réalisés sous anesthésie

Après une adaptation de deux heures en ambiance photopique à la clinique, les animaux sont anesthésiés avec un mélange de médétomidine (Domitor®) et de kétamine. L’examen flash photopique est effectué en utilisant des intensités lumineuses croissantes de - 4,59 log cds/m2 à 0,81 log cds/m2 (voir courbes a), suivi d’un ERG flicker photopique en employant l’intensité lumineuse qui donne la réponse d’amplitude maximale (Imax, voir courbes b).

Les animaux sont ensuite plongés trente minutes dans l’obscurité puis la lumière est rallumée afin d’étudier l’adaptation progressive en utilisant des stimulations flicker de même intensité lumineuse que celle employée précédemment, à T0 et après dix minutes d’adaptation à la lumière (voir tracés c).

Sur les ERG “photopiques”, pour les deux types de stimulation, les amplitudes des ondes “b” et “flicker” sont plus importantes chez les sujets jeunes que chez les individus âgés. Ces résultats sont identiques à ceux observés chez l’homme. Curieusement, les chats atteints d’une dépigmentation de l’EPR se comportent différemment de ceux de type albinos selon le stimulus photopique. Pour celui de type flicker, les albinos se rapprochent du phénotype fonctionnel “jeune”, alors que ceux dont l’EPR est dépigmenté suivent le phénotype fonctionnel “âgé”. L’inverse est noté pour la stimulation de type flash. Néanmoins, la forme de la courbe des sujets jeunes, albinos et dépourvus de pigmentation de l’EPR est identique, alors qu’il est difficile d’identifier un Imax chez les sujets âgés. Chez ces derniers, l’amplitude des ondes flicker augmente peu entre zéro minute et deux heures d’adaptation à la lumière, ce qui n’est pas le cas pour les autres chats.

La sensibilité des cônes est plus importante chez les jeunes que chez les chats âgés

La particularité anatomique du chat est un tapetum lucidum (TL) qui représente environ les deux tiers de la surface rétinienne, voire plus. Son rôle fonctionnel précis demeure inconnu. Si une étude récente montre que ce tapis peut jouer un rôle dans la genèse de l’ERG chez le chien, celle-ci se situerait essentiellement après l’onde b. Le même phénomène semble exister chez le chat (voir courbes a). La sensibilité des cônes (évaluée par un Imax) est plus importante chez les sujets jeunes que chez les chats âgés. Toutefois, se pose la question du ou des rôles tenus par le tapis et l’EPR. La diminution de l’amplitude de l’onde b avec l’âge pourrait s’expliquer par une baisse de réactivité des photorécepteurs aux photons ou par l’augmentation de la pigmentation de l’épithélium pigmentaire rétinien liée à un métabolisme accru sous l’effet du stress oxydatif induit par le vieillissement.

Les modifications d’amplitude obtenues avec la stimulation de type flicker sont difficiles à expliquer. Il peut sembler logique que l’adaptation progressive à la lumière se fasse moins vite chez les sujets âgés que chez les jeunes, ce qui est corrélé aux résultats des stimulations de type flash, mais il est étonnant que les sujets albinos se rapprochent du phénotype fonctionnel “jeunes”, alors que ceux dont l’EPR est dépigmenté sont plus proches du phénotype fonctionnel “âgé”. Ces données demeurent difficiles à interpréter.

La réalisation de l’ERG photopique du chat siamois permet d’évaluer objectivement le fonctionnement des cônes (vision diurne). Les résultats montrent clairement qu’il existe une différence entre les sujets jeunes et âgés. La diminution de 30 % des amplitudes des ondes (voir tableau) peut être considérée comme liée au processus de vieillissement. En outre, le tapetum lucidum et l’EPR jouent un rôle dans la genèse du signal électrophysiologique. Ainsi, l’examen du fond d’œil et la mise en évidence de l’absence de pigmentation de l’épithélium rétinien ou de “l’albinisme” doivent être pris en considération dans toute interprétation de l’examen ERG chez cette race. En effet, les courbes luminances-réponses chez ces deux types d’animaux (voir courbes b) se situent entre celles des individus jeunes et âgés.

  • • S. Rosolen, F. Rigaudière : « Exploration de la fonction visuelle : ERG chez l’animal », Bulletin de l’Acad. Vét. de France, 2004, vol. 157, n° 1, pp. 5-14.
  • • F.J. Ollivier, D.A. Samuelson, D.E. Brooks, P.A. Lewis, M.E. Kallberg, A.M. Komaromy : « Comparative morphology of the Tapetum lucidum among selected species », Vet. Opthalmol., 2004, vol. 7, n° 1, pp. 11-22.
  • • S. Rosolen, C. Chalier, F. Rigaudière, P. Lachapelle : « The ERG of the beagle dog : evidence associating a post b-wave negativity with the Tapetum lucidum », Doc. Opthalmol., 2005, vol. 110, n° 2-3, pp. 145-154.
  • • S. Rosolen : « Le vieillissement de l’œil chez l’animal », Bulletin de l’Acad. Vét. de France, 2005, vol. 158, n° 3, pp. 195-212.
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