La modélisation d’une pandémie permet de mieux l’anticiper et de la contenir - La Semaine Vétérinaire n° 1210 du 21/01/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1210 du 21/01/2006

Scénario de grippe d’origine aviaire chez l’homme en Thaïlande

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Nathalie Devos

Le nombre secondaire de personnes contaminées par un malade conditionne la retenue de la pandémie.

Le virus de l’influenza aviaire hautement pathogène de sous-type H5N1 circule de façon endémique chez les volailles dans plusieurs pays d’Asie du Sud-Est depuis maintenant deux ans. D’autres – la Russie, le Kazakhstan, la Turquie et la Roumanie – ont déclaré depuis quelques mois des foyers animaux dont l’origine la plus probable est attribuée aux oiseaux migrateurs. Parallèlement aux effets dévastateurs du virus chez les volailles, des cas de contamination humaine, dont certains se sont révélés mortels, ont été enregistrés au Cambodge, en Chine, en Indonésie, en Thaïlande et au Viêtnam depuis janvier 2004. Plus récemment, en début de mois, la Turquie a annoncé à son tour des cas humains dus au virus H5N1 de la grippe aviaire(1).

Si quelques transmissions interhumaines du virus ont été évoquées au sein de groupes familiaux l’année dernière, aucune preuve formelle ne les a confirmées. Mais une mutation du virus ou un réassortiment avec un autre virus grippal n’est pas à exclure. Cela pourrait alors aboutir à un nouveau virus susceptible de se diffuser aisément dans la population humaine et d’être à l’origine d’une pandémie mortelle.

Un modèle mathématique de simulation de transmission interhumaine du virus

Dans ce cadre, une équipe de recherche internationale, dirigée par le Britannique Niel Fergusson (Imperial College, Londres) et à laquelle a collaboré le chercheur français Simon Cauchemez (unité Inserm 707, Paris), a mis au point un modèle mathématique de simulation de la transmission interhumaine du virus influenza H5N1 dans le Sud-Est asiatique, et plus particulièrement en Thaïlande. Ce pays est en effet l’un de ceux où une pandémie a le plus de risques de se déclencher. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Nature(2), avant d’être repris dans Virologie(3).

Parmi les principaux enseignements, ces travaux concluent notamment que l’élimination d’une pandémie naissante serait envisageable en combinant des mesures de protection géographiquement ciblées et des restrictions de contact entre personnes, à condition que le nombre secondaire généré par un cas de première infection ne dépasse pas 1,8.

De 33 à 50 % de la population atteinte selon une reproduction de base de 1,5 à 1,8

L’étude repose sur une population de quatre-vingt-cinq millions d’individus. L’hypothèse de départ est le déclenchement de l’épidémie humaine à partir d’un individu infecté par un virus aviaire issu du sous-type H5N1 (ayant subi une mutation ou un réassortiment) dans une zone rurale censée être l’une des régions les plus exposées au virus.

La modélisation intègre des données démographiques (densité de population, âge, déplacements, structure des lieux de vie et d’activités) et des données épidémiologiques sur la grippe. La collaboration de l’unité 707 de l’Inserm a consisté à estimer certains paramètres caractérisant la transmission de la grippe, nécessaires à la mise en œuvre du modèle utilisé dans l’étude, du type : « Pendant combien de temps un sujet est-il infectieux ? Quel est le risque de transmission entre deux membres d’un même foyer familial ? » Ces paramètres, composante essentielle des modèles mathématiques, sont difficiles à estimer, car l’observation des épidémies est souvent incomplète. En effet, lorsque les premiers symptômes sont observés chez une personne, nul ne peut dire ni où, ni quand elle a été infectée. Les chercheurs de l’Inserm ont donc utilisé des techniques statistiques évoluées pour résoudre ces problèmes de données manquantes et estimer les paramètres du modèle proposé.

Les chercheurs ont finalement retenu comme hypothèses de travail la déclaration et la propagation de l’infection en 2,6 jours, ainsi que la réalisation d’un diagnostic dans la moitié des cas.

Ainsi, avec un nombre de reproduction de base, nommé R0, de 1,5, qui représente le nombre moyen de cas secondaires générés à partir d’un cas primaire dans une population susceptible, le pic de contamination serait atteint au cent cinquantième jour et 33 % de la population serait infectée. En revanche, si R0 atteint 1,8, le pic de contamination survient au bout du centième jour et la moitié de la population est contaminée.

Prendre des mesures prophylactiques avant qu’il y ait plus de cinquante cas

Selon les chercheurs, la prophylaxie antivirale seule pourrait contenir l’épidémie si 90 % de la population présente dans un rayon de 5 à 10 km du cas initial était traitée et si ces dispositions étaient prises avant qu’il y ait plus de cinquante personnes infectées. Sinon, ces seules mesures prophylactiques ne seraient pas assez efficaces. Il faudrait alors les renforcer avec la mise en œuvre de mesures sociales, comme la fermeture des écoles, des lieux de culte et de certains sites de travail, ainsi que la limitation des voyages et des déplacements.

Par ailleurs, la mise en quarantaine de la région infectée augmenterait efficacement la retenue de l’épidémie.

En outre les auteurs précisent que les chances de succès de cette politique de santé publique (selon la modélisation retenue) augmenteraient si elle était étendue aux pays frontaliers. Mais ils concluent qu’endiguer la pandémie serait cependant peu probable dans le cas d’un nombre de reproduction de base R0 supérieur à 1,8.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1209 du 14/1/2006 en page 27.

  • (2) N.-M. Fergusson, D.-A. Cumming, S. Cauchemez : « Strategies for containing an emerging influenza pandemic in southeast Asia », Nature, 2005, page 437.

  • (3) I. Leclerc, Virologie, novembre-décembre 2005, vol. 9, n° 6.

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