LA “PIQUE” OBLIGATOIRE, C’EST DÉSORMAIS DU PASSÉ - La Semaine Vétérinaire n° 1204 du 03/12/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1204 du 03/12/2005

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Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

Les prophylaxies bovines réglementées se réduisent aujourd’hui comme une peau de chagrin.

Les maladies à déclaration obligatoire sont quasi éradiquées. Le rôle du vétérinaire sanitaire s’est amoindri.

Désormais, le praticien intervient davantage en tant que vétérinaire traitant, à la demande de l’éleveur.

Les praticiens ruraux sont “victimes” de leurs succès. La surveillance sanitaire des élevages bovins a montré son efficacité : leucose enzootique, tuberculose et brucellose sont quasiment éradiquées. C’est pourquoi, les mesures prophylactiques vis-à-vis de ces maladies réglementées subissent des allégements progressifs depuis plusieurs années. Le dernier en date est l’exonération du dépistage sanguin annuel de la brucellose chez tous les bovins allaitants de plus de vingt-quatre mois. Désormais, ils ne sont plus que 20 % à faire l’objet de prélèvements.

Ces allégements sont justifiés, puisque les incidences de ces trois maladies à déclaration obligatoire n’ont jamais été aussi basses.

La France est indemne de brucellose, de leucose et de tuberculose bovines

Le taux de prévalence annuelle apparente de l’infection leucosique des cheptels bovins français est passé de près de 2 % en 1991 à 0,039 % en 2003 (voir graphique 1). Depuis cinq ans, moins de la moitié des troupeaux bovins sont contrôlés annuellement. Le taux d’incidence annuelle des cheptels infectés de tuberculose bovine était de 0,015 % en 2004, alors qu’il atteignait 0,08 % dix ans plus tôt (voir graphique 2). L’an dernier, quarante départements étaient totalement dispensés de tuberculination. Cette année, les contrôles à l’introduction vis-à-vis de la tuberculose ont été supprimés, sous certaines conditions.

Quant à la brucellose bovine, le taux d’incidence annuelle des cheptels est désormais nul. Il atteignait 0,15 % en 1995 (voir graphique 3). Aucun foyer n’est apparu depuis juin 2003 et aucun avortement brucellique n’est rapporté depuis juin 2002. Après la fièvre aphteuse, la leucose bovine et la tuberculose, c’est désormais vis-à-vis de la brucellose que la France vient d’obtenir sa reconnaissance en tant que pays indemne.

La DGAL fait passer les allégements en instaurant une visite sanitaire obligatoire

L’évolution des prophylaxies réglementées s’appuie sur une directive européenne(1) qui prévoit la suppression des dépistages systématiques de la tuberculose et de la brucellose dans les élevages lorsque la prévalence ou l’incidence de ces maladies passent en dessous d’un certain seuil. En parallèle, un projet de réseau sanitaire bovin a été initié il y a sept ans, dans le but de maintenir une veille sanitaire efficace dans les élevages. Le projet a finalement été abandonné… mais pas les allégements. En réaction, une grève des vétérinaires sanitaires a été lancée en décembre 2003 par le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) qui constatait une déliquescence du mandat sanitaire.

Au final, la Direction générale de l’alimentation (DGAL) a fait avaler la pilule des allégements en finançant, à hauteur de quinze millions d’euros, une visite sanitaire obligatoire annuelle dans les élevages bovins. La première édition est en cours de réalisation. Toutes les visites doivent être effectuées avant le 31 mars 2006. Chacune est rémunérée 4 AMO (49,6 €). Il s’agit d’évaluer plusieurs mesures de prévention et de maîtrise des risques sanitaires dans les élevages. Jugé peu consistant par certains praticiens, le contenu de cette visite pourrait s’étoffer l’année prochaine. Les avortements seront certainement l’un des sujets mis en avant.

L’Etat ne finance qu’une faible partie des prophylaxies obligatoires

« La rémunération actuelle liée à la prophylaxie, qui inclut la visite sanitaire, n’est pas comparable à celle de la vaccination contre la fièvre aphteuse et des tuberculinations réalisées par le passé », témoigne Claude Thomas, praticien au Theil-sur-Huisne (Orne) et président du Syndicat départemental des vétérinaires d’exercice libéral (voir article ci-dessous). Notre confrère semble avoir tiré un trait sur l’aspect rémunérateur de la prophylaxie actuelle. « Cette visite est surtout l’occasion de continuer de rester présent dans certains élevages qui nous sollicitent de moins en moins », ajoute-t-il.

Paradoxalement, l’une des conséquences de l’éradication des maladies réglementées pourrait être le délitement du maillage vétérinaire du territoire et donc une baisse de réactivité en cas d’émergence ou de réémergence de certaines affections animales et humaines. « Au-delà de son intérêt médical, la prophylaxie participe au maintien de l’exercice vétérinaire rural. Elle assure des revenus annuels, réguliers », estime ainsi Pierre Pélinard, praticien rural à Châteauneuf-la-Forêt (Haute-Vienne). Après avoir donné l’impulsion des prophylaxies obligatoires, l’Etat ne participe désormais qu’à une faible partie de leur financement. Localement, des conseils généraux aident les éleveurs à financer les analyses et les prélèvements.

Les démarches volontaires prennent le pas sur les prophylaxies réglementées

Les praticiens se créent néanmoins une nouvelle place dans les élevages, en participant à des plans d’assainissement réalisés à la demande de l’exploitant pour des maladies telles que la diarrhée virale bovine (BVD), la paratuberculose, la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), etc. Ces initiatives répondent parfois plus à des buts commerciaux qu’à un enjeu de santé publique.

L’an dernier, 178 518 élevages ont ainsi subi un dépistage de l’IBR. 112 634, soit 41 % des élevages bovins, ont satisfait aux critères de qualification “indemne d’IBR”. La démarche de certification IBR repose sur la réalisation d’examens sérologiques, de contrôles à l’achat et sur la vaccination des animaux positifs. Elle est gérée par l’Association pour la certification de la santé animale en élevage (Acersa).

Le bilan sanitaire volontaire et le programme de formation des éleveurs sont d’autres actions de maîtrise volontaire des risques sanitaires en élevage, réalisées par le vétérinaire traitant. Le projet est ambitieux. Malheureusement, ces initiatives n’en sont pour l’instant qu’à leur balbutiement(2). Elles ne concernent en effet qu’une minorité d’éleveurs.

« 75 % des maladies émergentes chez l’homme sont d’origine animale », soulignait Bernard Vallat, directeur de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), dans un article publié dans Le Monde du 23 novembre dernier. Si la veille sanitaire dans les élevages s’affaiblit, c’est la collectivité dans son ensemble qui risque d’en pâtir.

  • (1) Directive européenne 97/12, modifiant la directive 64/432.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1194 du 17/9/2005 en pages 33 à 36.

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