L’actinobacillose et l’actinomycose affectent respectivement les tissus mous et durs - La Semaine Vétérinaire n° 1203 du 26/11/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1203 du 26/11/2005

Affections de la cavité buccale des bovins

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Karim Adjou

Pour les formes habituelles – actinomycose du maxillaire et actinobacillose linguale –, les signes cliniques sont suffisamment éloquents pour permettre de poser un diagnostic de certitude.

L'actinomycose et l’actinobacillose sont des maladies infectieuses, peu contagieuses, inoculables, communes à de nombreuses espèces animales, en particulier les bovins. Elles sont dues à des mycobactéries, du genre Actinomyces et Actinobacillus, parfois compliquées par d’autres germes (Corynebacterium pyogenes, staphylocoques, etc., B.P. Smith, 2002).

Chez les bovins, l’actinomycose atteint préférentiellement les tissus durs : elle est causée par Actinomyces bovis, germe habituellement retrouvé dans la cavité buccale, ainsi que dans les tractus digestif et respiratoire. Les auteurs anglo-saxons qualifient cette affection de lumpy jaw (maladie des mâchoires bosselées).

L’actinobacillose, due à Actinobacillus lignieresii, a un tropisme spécifique pour les tissus mous, la langue en particulier, d’où son autre nom de “maladie de la langue de bois” (wooden tongue.)

Les deux affections se traduisent anatomiquement par la formation de granulomes, d’évolution subaiguë ou chronique, contenant un pus jaunâtre qui renferme les grains actinomycosiques, de la taille de grains de sable et brillants. L’incidence de ces deux affections est à la fois économique et hygiénique. En effet, le coût des traitements, le retard de croissance qu’elles occasionnent, la lenteur de la guérison et le caractère parfois irréversible de l’évolution doivent rendre l’éleveur vigilant. De plus, l’homme peut être infecté par Actinomyces bovis.

En France, la majorité des cas sont sporadiques, avec un faible taux de morbidité

L’actinomycose et l’actinobacillose sont décrites dans le monde entier, notamment en Europe, en Amérique du Nord, au Japon et en Australie. En France, elles sont fréquentes dans l’Ouest et le Centre. Elles évoluent le plus souvent sur un mode enzootique ou sporadique et exceptionnellement épizootique. Dans l’Hexagone, la majorité des cas sont sporadiques avec un faible taux de morbidité.

Les bovins sont, avec les porcs et les ovins, l’espèce la plus touchée par l’actinomycose. Les animaux de tout âge peuvent être atteints par les deux affections ; les bovins de plus de deux ans (en général entre deux et cinq ans) semblent plus réceptifs à l’actinobacillose. Les individus déprimés par une antibiothérapie excessive ou mal conduite sont plus exposés aux deux affections. Les traumatismes inoculateurs particulièrement nombreux avec un fourrage grossier et fibreux, lors d’un été sec par exemple, semblent être le facteur majeur de déclenchement ou de prédisposition à l’actinobacillose. D’ailleurs, les régions riches en végétation ligneuse (comme les chardons) et traumatisante enregistrent de nombreux cas d’actinobacillose.

Lors d’actinomycose, l’atteinte osseuse préférentielle est expliquée par le rôle joué par les atteintes dentaires et les blessures au niveau de la gencive.

Lors d’actinomycose, aucune réaction des ganglions lymphatiques n’est observée

La localisation préférentielle de l’actinomycose chez les bovins est la mandibule (maxillaire inférieur). Cette forme débute par une tuméfaction osseuse non douloureuse et peu volumineuse. Elle devient ensuite bosselée (voir photo 1. et 2), peu sensible, exubérante, à croissance rapide ou lente, de quelques semaines à quelques mois. Plus tard, des fistules peuvent apparaître, par lesquelles s’écoule du pus de la consistance du miel, constitué d’un liquide épais, contenant de petites granulations jaunâtres ou blanchâtres. Au stade avancé de la maladie, les dents touchées deviennent branlantes, peuvent tomber ou rester incluses dans le tissu de granulation. La mastication devient de plus en plus difficile et l’état général de l’animal se dégrade. Toutefois, la lésion reste localisée et aucune réaction des ganglions lymphatiques de la région n’est observée. Bien que souvent circonscrite aux tissus durs, l’actinomycose peut également intéresser les tissus mous (œsophage, réseau, mamelle, etc.).

Lors d’actinobacillose, la langue sort parfois de la cavité buccale

L’actinobacillose linguale, plus connue sous le nom de “langue de bois”, est la forme majeure de la maladie chez l’espèce bovine. L’animal présente une anorexie, de la salivation et une tuméfaction de la région de l’auge. L’exploration de la cavité buccale fait apparaître une langue hypertrophiée, dure, sensible, et douloureuse à la mobilisation. L’animal ne peut ensuite plus s’alimenter et son état général se détériore rapidement. La langue est quelquefois si dure et immobile qu’elle sort de la cavité buccale (voir photo 3). Le bovin peut alors mourir d’inanition. L’atteinte des ganglions lymphatiques de la région est fréquente en raison d’une extension possible de cette affection par les voies lymphatiques (B.P. Smith, 2002).

L’actinobacillose peut atteindre d’autres parties du revêtement cutané. Dans sa forme diffuse, une véritable pachydermie avec un épaississement induré grisâtre, localisé sur toutes les parties du corps (côtes, lombes, cou, joues, vulve, etc.), est observée. Dans sa forme nodulaire, il s’agit en général d’abcès froids indolores, durs, à localisations multiples (auge, cou, maxillaire, côtes, flancs, etc.) (voir photo 4). Ils s’ulcèrent peu à peu et laissent apparaître une plaie bourgeonnante difficile à guérir (J.-M. Gourreau, 2000).

Des granules jaunes sont englobés dans une réaction cellulaire qui forme un nodule

A l’autopsie, le nombre d’organes qui peuvent être intéressés par le processus est frappant. En France, il semble que les localisations les plus fréquentes pour l’actinomycose et l’actinobacillose sont la langue, les ganglions lymphatiques et la peau.

Sur le plan microscopique, ces deux affections ont pour caractéristique la formation chez le bovin de granules jaunes typiques, englobés dans une réaction cellulaire qui forme un nodule. Ce dernier est ainsi constitué : en périphérie des colonies bactériennes entourées de formations en massues, une zone de neutrophiles, elle-même entourée de cellules mononucléaires géantes (cellules épithéliales) avec un cytoplasme abondant, puis des lymphocytes. Un tissu conjonctif dense, peu vascularisé, entoure le nodule. Ce dernier représente en fait un petit abcès qui montre une tendance à la liquéfaction.

Pour les formes inhabituelles, le diagnostic clinique est difficile

Pour les formes habituelles (actinomycose du maxillaire et actinobacillose linguale), les signes cliniques sont suffisamment éloquents pour permettre de porter un diagnostic de certitude.

Dans le cas de l’actinomycose, la localisation préférentielle au bord refoulé de la mandibule orientera le diagnostic (voir photos 1 et 2).

Dans le cas de l’actinobacillose, l’animal présente une difficulté à la préhension, une anorexie, une salive abondante, une langue dure, difficilement mobilisable, avec une réaction ganglionnaire. Des critères permettent le diagnostic différentiel entre l’actinomycose et l’actinobacillose (voir tableau).

Il est souvent difficile de diagnostiquer les formes inhabituelles sur la simple observation clinique. Le diagnostic thérapeutique est intéressant dans ce cas puisque l’iode est la base du traitement de ces deux affections. Ainsi, toute amélioration ou guérison des cas douteux après un traitement iodé orientera le diagnostic.

Les examens de laboratoire reposent essentiellement sur l’analyse histologique associée à une simple coloration de Gram. La culture et l’identification des germes n’ont que peu d’intérêt et ne servent qu’à donner une confirmation.

Le pronostic de ces deux affections tient compte de plusieurs facteurs, surtout la localisation et l’ancienneté des lésions. L’atteinte mandibulaire est assez peu favorable, même après un traitement long et compliqué. Les formes courantes de l’actinobacillose en début d’évolution ont souvent un pronostic favorable. En revanche, les localisations linguales ganglionnaires ou cutanées anciennes sont rarement curables. En général, le pronostic est défavorable lors de lésions solidement installées ou de récidives.

L’utilisation d’iode est essentielle, complétée souvent par une antibiothérapie

Un traitement chirurgical peut être envisagé pour l’ablation de tuméfactions accessibles ou une ouverture et un drainage des abcès superficiels, dans le cas d’actinomycose ou d’actinobacillose cutanée, par exemple. Il a pour objectif de drainer le pus vers l’extérieur et de ralentir l’évolution du processus. Si la lésion a fistulisé il est conseillé de procéder au débridement et au curetage, puis à un flushing quotidien avec un dérivé iodé. Ce traitement chirurgical doit être complété par l’emploi local de pommades à base d’iode.

Le traitement médical n’a guère changé ces dernières années, puisque l’iode est toujours souverain, complété le plus souvent par une antibiothérapie (R. Guattéo, 2002).

Lors d’actinomycose, si la lésion n’a pas fistulisé, une iodothérapie est préconisée : iodure de sodium par voie intraveineuse (70 mg/kg d’une solution à 10 %, deux fois à sept jours d’intervalle) ou iodure de potassium par voie orale (60 mg/kg/j, vingt et un jours). Les antibiotiques recommandés sont la pénicilline (10 000 UI/kg), la streptomycine (10 mg/kg) ou l’association de pénicilline, de streptomycine et de sulfamides. Dans le cas de l’actinobacillose, de l’iodure de sodium est à administrer par voie intraveineuse (1 g/12 kg d’une solution à 10 %). L’injection peut être répétée une semaine plus tard, puis autant que nécessaire jusqu’à l’apparition des signes d’iodisme (voir encadré). Sinon, de l’iodure de potassium est employé par voie orale (6 à 10 g/j, dix jours). L’antibiothérapie est identique à celle de l’actinomycose, mais elle n’est pas toujours nécessaire. Enfin, il faut signaler l’importance des rechutes puisque près de 30 à 40 % des cas d’actinomycose et d’actinobacillose, surtout lorsque les lésions sont anciennes, ne rétrocèdent pas.

  • L’iodure de potassium est entre cinq et huit fois plus toxique que l’iodure de sodium.

Un risque d’iodisme

Le traitement iodé peut être suivi d’accidents, connus sous le nom « d’iodisme ».

Ils apparaissent en général entre deux et cinq jours après un traitement per os :

- sécrétion lacrymale excessive, diarrhée et ptyalisme ;

- eczéma iodique au niveau de la peau (squames) ;

- diurèse augmentée ;

- respiration accélérée.

K. A.

BIBLIOGRAPHIE

  • - J.-M. Gourreau : « Les maladies infectieuses de la langue », Maladies des bovins, 2002, Ed. France Agricole, pp. 90-91.
  • - R. Guattéo : « Comment traiter l’actinomycose et l’actinobacillose des bovins ? », Le Point Vétérinaire, 2002, n° 226, p. 9.
  • - B.P. Smith. « Actinobacillosis », in Large Animal Internal Medecine, 2002, pp. 698-699.
  • - B.P. Smith. « Actinomycosis », in Large Animal Internal Medecine, 2002, pp. 699-700.
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