Le traitement du syndrome de détresse respiratoire doit comporter iode et sélénium - La Semaine Vétérinaire n° 1201 du 12/11/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1201 du 12/11/2005

Pathologie néonatale bovine

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

L’adaptation à la vie extra-utérine du veau dépend du bon fonctionnement thyroïdien fœtal et maternel, du statut en iode et en sélénium du troupeau et de la prévention de tous les facteurs de risque.

« Un beau modèle de maladie multifactorielle se greffant sur un terrain affaibli par les carences en oligo-éléments », tels sont les termes que notre confrère Frédéric Rollin, de l’université de Liège (Belgique), a utilisé pour caractériser l’origine du syndrome de détresse respiratoire (SDR) du veau nouveau-né, lors des journées européennes de la Société française de buiatrie en 2003 (1). Iode et sélénium sont les deux oligo-éléments impliqués dans ce syndrome, via les besoins en T3 (tri-iodothyronine) du veau nouveau-né et l’implication de cette hormone dans la production d’un surfactant pulmonaire fonctionnel en quantité suffisante.

Pascal Lebreton, de la société Nutrition-biochimie vétérinaire consultants (NBVC), a rappelé les composantes biochimiques du schéma physiopathologique du SDR, à l’occasion des journées de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), du 25 au 27 mai dernier. A la naissance du veau, la T3 active la pompe à sodium des récepteurs adrénergiques de l’épithélium alvéolaire, permettant ainsi la résorption du liquide fœtal, puis la production de surfactant pulmonaire. Un taux minimal de T3 libre, et donc de T4, est requis.

La couverture simultanée des besoins en iode et en sélénium est impérative

Des apports nutritionnels insuffisants en iode, composant des hormones thyroïdiennes, induisent une insuffisance de production de celles-ci, d’où une hypothyroïdie. Cette dernière peut aussi être induite par une carence en sélénium, en raison de l’intervention d’enzymes sélénodépendantes dans la synthèse et le métabolisme des hormones thyroïdiennes. En effet, la T3, qui est l’hormone thyroïdienne active, provient à 80 % de la désiodation périphérique de la T4 (thyroxine ou tétra-iodothyronine) sous l’effet de la 5-monodésiodase, sélénodépendante.

Concernant la synthèse de la thyroglobuline iodée, le thyréocyte capte les iodures sanguins et les déverse dans la substance colloïde où ils se concentrent et s’oxydent grâce à l’action d’une peroxydase sélénodépendante. De même, pour ce qui est de l’élimination, la T4 est transformée en T4 inverse ou rT4 (reverse T4) inactive par la 5-monodésiodase, également séléno-dépendante.

Les carences en iode et en sélénium affectent donc non seulement le fonctionnement intrinsèque de la glande thyroïdienne, mais également la régulation de la fonction thyroïdienne par le biais des rétrocontrôles.

Pierre-Emmanuel Radigue, praticien à Lunéville (Meurthe-et-Moselle), enregistre régulièrement des taux en iode et en sélénium effondrés chez les veaux atteints de SDR, leur mère, et les vaches du troupeau (voir tableau ci-contre).

Au sein de sa clientèle, les T4 les plus basses à la naissance sont enregistrées chez les veaux nés de mères carencées en iode. Ils sont en outre les plus exposés aux SDR (voir encadrés).

Distinguer l’anoxie du SDR nécessite l’analyse du contexte de vêlage et un examen clinique

Lors du récent congrès de la SNGTV, Pierre-Emmanuel Radigue a mis en exergue le fait que, comme le SDR, le syndrome de mort subite du nourrisson (MSN) résulte d’une altération de la synthèse de surfactant pulmonaire. Sa symptomatologie est identique à celle du SDR, c’est-à-dire un syndrome de tachycardie polypnée.

En médecine humaine, la carence en iode et en sélénium ainsi que les dysfonctionnements thyroïdiens maternels et fœtaux sont reconnus comme des facteurs de risque avérés de MSN.

Cette physiopathologie et le lien avec le syndrome de mort subite du nourrisson ont permis à notre confrère de faire évoluer le diagnostic différentiel du SDR, ainsi que le traitement de réanimation du veau atteint.

Les symptômes exprimés par le veau nouveau-né lors d’anoxie ou de SDR sont identiques. Les différencier nécessite d’analyser le contexte de vêlage et de réaliser un examen clinique de l’animal. La naissance d’un veau atteint, sauf rares complications associées, est facile. Contrairement à l’anoxie, aucune souffrance fœtale n’est observée. Dans le cas du SDR, les manifestations de tachycardie polypnée peuvent être différées : elles surviennent entre 30 minutes et 40 heures après la naissance. Lors d’anoxie, les symptômes sont observés à la suite du vêlage.

L’examen clinique du veau atteint de SDR permet fréquemment la mise en évidence d’une hypertrophie macroscopique de la thyroïde. « On sent bien ce goitre à la palpation », explique Pierre-Emmanuel Radigue. Une thyroïde normale de veau pèse entre 7 et 10 g, « celle d’un veau atteint est en moyenne de 30 g », précise-t-il.

Notre confrère a même enregistré des poids allant jusqu’à 95 g (voir photos en page 38).

Le traitement de l’anoxie et celui du syndrome respiratoire diffèrent

Pierre-Emmanuel Radigue a, de ce fait, fait évoluer le traitement de réanimation des veaux atteints de SDR. Il comprend :

- 5 ml de Quentan® ;

- 1 ampoule de Fonzylane® (2)par voie intra-veineuse ;

- l’administration orale d’iode et de sélénium ;

- 2 comprimés de Lévothyrox® (LT4). Ce médicament à usage humain peut être prescrit par un vétérinaire pour des veaux dans le cadre de la cascade, avec un temps d’attente de 28 jours au minimum. Toutefois, les experts européens ont reconnu que les résidus de lévothyroxine étaient sans danger pour le consommateur.

Les effets de ce traitement sont visibles tant du point de vue biochimique qu’au niveau de l’amélioration des signes cliniques. Les veaux se lèvent dans le quart d’heure, comme en témoignent les vidéos diffusées pendant le congrès.

Une réanimation plus classique (Dopram-V®, Narcan® (2), adrénaline, lodévil®, etc.) induit effectivement des mouvements respiratoires chez les veaux atteints de SDR, mais l’effet est de courte durée. Le veau reste couché et, en général, fait un SDR différé.

L’analyse d’un problème récurrent de SDR doit être multifactorielle

La survenue récurrente de syndromes polypnée tachycardie dans un troupeau nécessite une analyse multifactorielle afin de mettre en place une stratégie corrective et préventive adaptée (voir schéma).

Compte tenu de l’association fréquente d’une septicémie-endotoxémie avec le SDR, il est impératif de caractériser le microbisme. Cela passe non seulement par l’analyse de prélèvements d’organes (foie, cœur, rein) et de liquide gastrique pour les veaux morts, de matières fécales, mais aussi par celle des pratiques hygiéniques et vaccinales. Les phénomènes pathologiques concomitants du vêlage, tels que les parts languissants et les prématurités, doivent être notés afin d’approfondir la prévention tant microbiologique que nutritionnelle. L’approche nutritionnelle du troupeau ciblera l’analyse de la ration alimentaire pre-partum des vaches.

Carence en iode, mythe ou réalité ? Pour ce qui est du SDR, l’implication de cet oligo-élément semble claire, tant au regard de la physiopathologie qu’au niveau de l’effet bénéfique du traitement et des investigations menées dans les troupeaux à problèmes.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1138 du 1er/5/2004 en page 44.

  • (2) Médicament à usage humain interdit d’emploi chez les veaux et dans toutes les productions animales par absence de LMR.

  • (3) Selon la société Nutrition-biochimie vétérinaire consultants (NBVC).

  • (4) Selon Brigitte Siliart, professeur à l’ENV de Nantes.

Evaluer le statut en iode des bovins

Bon indicateur de l’iode ingéré, l’iode inorganique plasmatique (IIP) permet de confirmer une suspicion de déficit ou d’excès. Son interprétation doit être rigoureuse, car son niveau est sensible aux apports en iode pendant les sept jours qui précèdent le prélèvement. L’IIP mesure l’iode libre circulant et non pas celui des hormones thyroïdiennes.

Les vaches sont sensibles à un déficit d’apport d’iode alimentaire pendant la période comprise entre le dernier mois de gestation et les quatre mois post-partum. Les vaches taries et en lactation sont donc à prélever en priorité pour identifier le statut iodique du troupeau.

D’après les travaux de Philip Rogers (1999), l’intervalle de référence de l’IIP d’un bovin est 105 à 380 µg/l. Une valeur de 285 µg/l est considérée comme optimale. Compte tenu de l’expérience de la société NBVC, le seuil de 105 pourrait être ramené à 70 µg/l.

L’iode du lait serait un bon indicateur du statut en iode des animaux, mais l’utilisation de produits de trempage et de désinfectants iodés vient largement perturber l’interprétation des résultats d’analyse. Néanmoins, le laboratoire irlandais Grange Labs propose les références suivantes :

En Irlande, l’iode est l’oligo-élément dont la carence est la plus élevée chez les espèces bovines et ovines, en particulier lorsque les animaux sont au pâturage.

C. B.-C.

Evaluer les dysfonctionnements thyroïdiens

En médecine humaine, le dosage de l’hormone thyréostimuline (TSH) est l’outil de choix pour le diagnostic des anomalies de la fonction thyroïdienne. Il n’est pas utilisé en routine en médecine vétérinaire.

La valeur de la thyroxine (T4) libre, moins précise que celle de la TSH, est également employée pour évaluer l’état de la fonction thyroïdienne chez un individu. Bien que la T3 soit l’hormone physiologiquement active, sa concentration sérique ne reflète qu’imparfaitement cette dernière.

Chez l’animal, comme chez l’homme, le niveau de l’hormone T4 est évalué de deux façons : soit en dosant l’hormone T4 totale (libre + liée), soit en dosant l’hormone T4 libre, cette dernière reflétant mieux l’état hormonal thyroïdien. Si les intervalles de normalité et les unités de mesures utilisées sont uniformisés en médecine humaine, ce n’est pas encore le cas en médecine vétérinaire.

Les références pour les vaches laitières font état d’un seuil minimal T4 totale recommandé de 60 ng/l. Un dosage de T4 totale compris entre 35 et 85 nmol/l est considéré comme normal (3). Un seuil minimal de 10 pmol/l de T4 libre est requis (4).

Les intervalles de référence de T4 varient selon la race, le sexe, l’âge, le stade physiologique et l’alimentation. La valeur correcte de T4 totale retenue pour le veau nouveau-né est de 250 ng/l (3).

C. B.-C.
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