L’anticipation et la communication sont au cœur du management d’une crise sanitaire - La Semaine Vétérinaire n° 1201 du 12/11/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1201 du 12/11/2005

Maladie légalement réputée contagieuse

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Prévenir le basculement d’une crise sanitaire dans le champ social à la suite des peurs engendrées par l’incertitude exige la mise en œuvre d’une réflexion stratégique et organisationnelle.

Quelque 60 élevages suivis, 2 500 prises de sang réalisées, 6 500 km parcourus, l’équivalent de 22 jours de travail vétérinaire et de 40 heures de secrétariat effectués. » Notre confrère Dominique Balloy, de Labovet Conseil (Les Herbiers, Vendée), résume ainsi les trente-huit jours qui ont suivi la déclaration d’un foyer de maladie de Newcastle dans un élevage de gibier de Loire-Atlantique, en juillet dernier (1). Les acteurs du management sanitaire de cet épisode ont communiqué leur expérience au Space 2005 via une conférence (« un exemple de gestion de crise ») présentée durant la matinée consacrée aux « actualités en pathologie aviaire », organisée par le groupe français de l’Association mondiale vétérinaire d’aviculture.

Les caractéristiques intrinsèques de la crise, l’urgence des décisions et l’obligation de les prendre dans un contexte d’incertitude maximale ont pris une large part dans l’ensemble des récits. De cet exercice grandeur nature, les points clés de sa gestion ont été mis en exergue : constitution d’une cellule de crise à chaque échelon de l’action, importance de la proximité géographique des différents acteurs, abattage bien maîtrisé tant au niveau de l’organisation que de la communication, maîtrise de la communication à l’intérieur du dispositif d’intervention sanitaire et à destination du grand public.

Une euthanasie bien maîtrisée, non choquante et non médiatisée

Pour l’abattage des oiseaux de l’exploitation infectée, dite “élevage index”, l’utilisation de caissons à CO2 a permis une euthanasie non choquante, qui a été bien acceptée par l’éleveur (voir photo). Le professionnalisme de l’organisation de production à laquelle il appartenait a contribué à l’efficacité du chantier d’abattage. « Son savoir-faire, tant en matière de manipulation des oiseaux que d’organisation des départs, a été une composante majeure de cette organisation et, par conséquent, de la qualité des opérations d’euthanasie », explique Thierry Gavaret, de Labovet Conseil.

Néanmoins, la technique mise en œuvre nécessite une main-d’œuvre importante. « Sans l’aide des directions départementales des services vétérinaires (DDSV) de la Vendée, du Maine-et-Loire, du Morbihan, d’Ille-et-Vilaine et des Côtes-d’Armor, une journée et demie n’aurait pas suffi pour réaliser les opérations d’abattage », précise Christophe Adamus, inspecteur de santé publique vétérinaire à la DDSV de Loire-Atlantique. « Cette rapidité a permis d’éviter la médiatisation de l’euthanasie », souligne Thierry Gavaret.

« Les directions départementales n’ont pas une taille suffisante pour faire face à des cas multiples », constate notre confrère. Aussi, pour répondre à ces situations, un prestataire de service privé, le groupe GT logistique, a passé un marché public avec la Direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère de l’Agriculture. Il possède plusieurs filiales, dont deux spécialisées dans le ramassage des volailles.

L’organisation doit permettre une transmission rapide des informations

106 élevages ont été concernés par des arrêtés de mise sous surveillance. Il s’agissait des 20 situés dans la zone de protection (d’un rayon de 3 km autour de l’élevage index), des 73 compris dans la zone de surveillance (10 km autour de l’élevage index) et de 13 autres à l’extérieur de ces périmètres, mais reliés épidémiologiquement à l’élevage index. Tous ont été visités quatre fois en trois semaines. « Rapidement, avant même d’avoir les résultats d’analyses, nous avons su qu’aucun symptôme de maladie de Newcastle n’était observé dans les élevages sous surveillance », explique Thierry Gavaret.

Nos confrères soulignent l’importance de la proximité du laboratoire d’analyse. « Nous avons l’habitude de travailler ensemble. Il est donc facile d’échanger et d’aller vite », témoigne Christophe Adamus. La mise en place précoce d’une cellule de crise avec la DDSV de Loire-Atlantique, les vétérinaires sanitaires et l’Institut départemental d’analyses et de conseil a permis de pallier les désordres des premiers envois de prélèvements au laboratoire départemental d’analyses des Côtes-d’Armor. « Nous nous sommes mis d’accord sur les commémoratifs à expédier et sur leur forme. Le soir, le laboratoire les recevait avec la liste des prélèvements effectués, lesquels étaient envoyés dès le lendemain matin par taxi-poste. Au niveau du laboratoire, il était ainsi possible de programmer, la veille au soir, l’organisation du travail du lendemain. Les résultats des analyses sérologiques étaient disponibles le soir même. Le laboratoire d’analyses des Côtes-d’Armor est trop éloigné », explique Thierry Gavaret.

Notre consœur Anne-Marie Venelle, alors directrice de la DDSV de Loire-Atlantique, souligne l’importance de l’expertise scientifique vétérinaire de terrain apportée par le professeur Jean-Pierre Gagnière, de l’école de Nantes, « qui nous a bien aidés en matière de connaissances pratiques sur la maladie et l’épidémiologie ».

La survenue de ce type d’événement sanitaire désorganise l’ensemble d’une structure vétérinaire. L’anticipation, via la formation professionnelle des vétérinaires sanitaires à la gestion de crise et leur entraînement, constitue un atout incontestable.

Dans l’exemple exposé, la constitution d’une cellule de crise a abouti à la mise en place d’une organisation à trois niveaux : communication, organisation des visites d’élevage et des prélèvements, organisation documentaire (préidentification des flacons de prélèvement, rédaction des commémoratifs).

La maîtrise de la communication interne et externe est primordiale à tous les échelons

« Un mémo quotidien, voire deux étaient envoyés à destination des éleveurs, des services de l’Etat et des filières de production », souligne Dominique Balloy.

Anne-Marie Vanelle a été la seule habilitée par la préfecture à communiquer au public pendant l’épisode de maladie de Newcastle. Cela s’est fait de façon claire, factuelle, régulière et sans langue de bois. L’information relative à l’abattage a été donnée rapidement. « Les professionnels ont apprécié et personne n’a eu à subir de pressions de la part de la presse grand public », témoigne Christophe Adamus.

La DDSV s’est heurtée à la difficulté de diffuser des informations en temps réel, dans un contexte fluctuant, à destination de professionnels qui travaillent à l’exportation et doivent anticiper l’ouverture et la fermeture des marchés. Plusieurs solutions ont été envisagées (numéro vert ou site Internet). L’ensemble des confrères ayant pris part à cette crise ont témoigné de la réussite de sa gestion, tant au niveau local, départemental, national, qu’européen et international.

Manager les risques permet d’éviter de manager les crises

L’implication de l’avifaune a été privilégiée dans l’émergence de ce foyer de maladie de Newcastle, le précédent datant de 1999. La vaccination est donc un élément clé de la biosécurité. Néanmoins, les vaccins disponibles en France ne disposent pas d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les faisans, les canards et plus généralement pour les autres espèces de gibier. Les publications scientifiques qui attestent de la protection conférée au gibier par les vaccins contre la maladie de Newcastle disponibles et la validation des voies d’administration au regard du mode d’élevage, en particulier pour le vaccin vivant, permettront d’alimenter les élevage avec des oiseaux protégés l’année prochaine.

D’après William Dab, titulaire de la chaire d’hygiène et de sécurité au Conservatoire national des arts et métiers, la perception brouillée du risque entraîne l’angoisse du corps social. Or « l’incertitude engendre la peur et celle-ci pousse à des comportements irrationnels ». En effet, le champ de la crise n’est pas uniquement technique et scientifique. Il est également social. Sa gestion nécessite une approche à la fois psychologique, socio-politique et technico-structurelle. Diagnostiquer les risques et cultiver le “savoir communiquer” constitue donc un enjeu stratégique.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1192 du 3/9/2005 en page 28.

Une indispensable communication

La coopération réussie entre les ministères de l’Agriculture français et britannique a permis d’identifier la source de l’infection et la similarité entre les deux virus responsables des foyers de maladie de Newcastle, grâce à la comparaison des séquençages moléculaires réalisés par le laboratoire national de référence de l’Afssa de Ploufragan et le laboratoire de référence communautaire, situé à Weybridge (Grande-Bretagne). En effet, aucun virus revivifiable n’a pu être isolé en France. Les analyses phylogéniques ont montré que le virus était similaire à un isolat de virus de la maladie de Newcastle recueilli lors d’une infection subclinique chez des dindes finlandaises en 2004. Ces virus appartiennent à la lignée 5b. Leur présence a été démontrée chez des oiseaux sauvages et des volailles à travers l’Europe au cours de la dernière décennie. « L’expression particulière du virus et son indice de pathogénicité intracérébral, de 1,26, ont incontestablement facilité la gestion de ce cas de maladie de Newcastle », témoigne Christophe Adamus. Le virus n’a pas diffusé au sein de la basse-cour familiale contiguë de l’élevage de faisans. Cette affection est pourtant habituellement connue pour sa contagiosité subtile, la rapidité de sa diffusion et l’affinité remarquable du virus pour les gallinacés.

C. B.-C.

POUR EN SAVOIR PLUS

• Les informations sanitaires de l’OIE (http://www.oie.int/fr/ info/hebdo/f_info.htm) retracent la chronologie des événements (cliquer sur « archives des informations sanitaires » en français, puis sur l’année 2005). Les rapports de la DGAL et du Defra sont consultables dans les fiches n° 29, n° 30, n° 31 et n° 34.

• Site Internet du ministère de l’Agriculture britannique (Defra) : http://www.defra.gov.uk/news/2005/050719d.htm

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