Certaines affections sont associées aux concentrés - La Semaine Vétérinaire n° 1201 du 12/11/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1201 du 12/11/2005

Gastro-entérologie et alimentation

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Isabelle Desjardin-Pesson

Fermentation rapide et désordres métaboliques entraînent des troubles.

Les fourrages apportent peu d’énergie au cheval. Pour combler ses besoins énergétiques, un cheval de compétition devrait ainsi consommer 25 kg de foin par jour, ce qui est impossible.

Les concentrés sont ajoutés à la ration pour accroître l’apport énergétique, notamment chez les chevaux en croissance (70 % de l’énergie digestible ou ED) ou qui fournissent un travail intense (65 % de l’ED). Ils augmentent l’efficacité digestive et métabolique, et diminuent le lest intestinal. Toutefois, les performances des chevaux s’améliorent avec l’ajout de concentrés jusqu’à un certain seuil, au-delà duquel des anomalies reliées à l’utilisation de ces aliments apparaissent.

Les matières grasses optimisent les performances du cheval de la même façon que les carbohydrates, mais à un degré moindre. L’incorporation de matières grasses dans la ration induit une combinaison d’adaptations physiologiques qui semble avoir des répercussions bénéfiques sur les performances à l’exercice. L’adaptation aux matières grasses augmente l’oxydation des acides gras et épargne le glucose et le glycogène. Elle permet aussi de produire moins d’acide et de chaleur pendant l’effort. Les taux plasmatiques de lactates durant l’exercice sont modérés par un travail lent, mais s’accroissent pendant un effort intense chez les chevaux adaptés aux rations riches en matières grasses, ce qui démontre une amélioration de leur efficacité métabolique. Cette propriété n’est pas rapportée chez d’autres espèces que le cheval.

Des anomalies associées aux fermentations intestinales de l’amidon et des sucres

Les perturbations associées aux fermentations intestinales rapides de l’amidon et des sucres dans le gros intestin sont les coliques, les colites et les typhlites, les diarrhées osmotiques, les ulcères gastriques et la fourbure aiguë consécutive à une endotoxémie.

L’amidon présent dans le cæcum fermente rapidement en acide lactique, qui est peu absorbé et s’accumule dans la lumière intestinale. Les lactates attirent l’eau, engendrent une distension cæcale et une diarrhée osmotique. La fermentation rapide est également à l’origine de la formation de gaz qui contribuent à la distension cæcale. L’accumulation d’acide lactique abaisse le pH au-dessous de 6, entraînant une lyse bactérienne. Les bactéries Gram négatif libèrent alors des endotoxines et il est reconnu que la fourbure est l’une des complications associées au syndrome endotoxémique. L’irritation acide de la muqueuse du côlon et du cæcum favorise aussi l’adhérence ou l’entrée de bactéries à travers celle-ci.

Les repas de concentrés génèrent en outre un pH plus acide dans l’estomac, comparé à celui d’une ration de foin exclusivement, entraînant l’apparition potentielle ou l’aggravation d’ulcères gastriques.

Certaines anomalies peuvent être chroniques et métaboliques

Les perturbations chroniques métaboliques impliquent une résistance à l’insuline. Les complications d’origine métabolique incluent les ulcères gastriques, certaines formes de rhabdomyolyse ou d’affections ostéo-articulaires juvéniles (ostéochondrose), l’obésité, l’hyperlipémie et la fourbure chronique.

Les carbohydrates digérés entraînent une augmentation de la concentration sérique en glucose, insuline et gastrine quatre à six heures après le repas, contrairement au foin digéré.

Le confinement au box, associé à une ration excessive en carbohydrates, favorise l’accumulation de graisse et donc l’obésité, ainsi que des modifications métaboliques à l’origine de l’inhibition de l’action de l’insuline. Cet état réfractaire à l’insuline favorise le développement du “syndrome de Cushing périphérique” ou “syndrome métabolique équin” (chevaux obèses, souffrant d’hyperglycémie, d’hyperlipémie, de fourbure chronique).

Il est démontré que l’ostéochondrite disséquante (OCD) est pour partie une lésion héritable, mais aussi consécutive à certains facteurs environnementaux prédisposants comme l’exercice et l’alimentation. Ces facteurs nutritionnels sont nombreux : l’excès d’énergie, notamment de carbohydrates alimentaires, en est un. L’hyperglycémie et l’hyperinsulinémie consécutives au repas riche en sucres induisent une hausse de la sécrétion d’hormone de croissance (GH) et du facteur de croissance IGF-1. La GH et l’IGF-1 exercent des effets directs sur la prolifération et la maturation des chondrocytes et favoriseraient donc l’apparition de lésions de chondrodysplasie, d’ostéochondrose et d’OCD. L’un des moyens de prévention suggérés est de réduire l’apport en grains de la ration. Pour la maladie de stockage des polysaccharides, qui induit des épisodes récurrents de “myosite”, la restriction de l’apport des carbohydrates digestibles de la ration à moins de 15 % de l’ED et l’apport de matières grasses à plus de 20 % de l’ED conduisent à la disparition des symptômes de myosite chez la plupart des chevaux atteints.

De plus, selon des études menées chez des pur-sang souffrant d’épisodes récurrents de rhabdomyolyse à l’exercice, l’augmentation de l’activité des créatine-kinases (CK) sanguines postexercice est accrue lorsque les chevaux reçoivent une ration avec 40 % de l’énergie digestible issue des carbohydrates et 5 % des matières grasses. Elle est en revanche diminuée lorsque la proportion de carbohydrates est inversée par rapport aux matières grasses.

Le grignotage de foin entre les repas de concentrés abaisse l’acidité gastrique

L’utilisation judicieuse des concentrés permet de diminuer les risques d’anomalies métaboliques et de fermentations excessives. Pour éviter ces dernières, il est conseillé de limiter l’apport en carbohydrates de 0,2 à 0,4 % du poids vif. L’ingestion de foin doit aussi être restreinte à 2 % du poids vif par jour, sans quoi un excès de fibres s’accumule dans le gros intestin et induit un ballonnement abdominal.

Favoriser le grignotage de foin entre les repas de concentrés permet de diminuer l’acidité gastrique augmentant entre les repas et donc d’abaisser les risques d’ulcérations gastriques.

Les dangers associés à des rations de concentrés riches en grains et en mélasse peuvent être écartés en fragmentant les repas (peu volumineux et fréquents), en donnant seulement du fourrage, en utilisant des concentrés riches en matières grasses ou pauvres en carbohydrates et riches en fibres et matières grasses, ou encore en supplémentant avec des matières grasses.

L’introduction de matières grasses dans la ration rend celle-ci souvent moins appétente. Une supplémentation progressive est toutefois essentielle, sinon les crottins deviennent huileux et pâteux. L’huile de maïs peut par exemple être ajoutée à la ration, à raison de 50 ml par repas, en augmentant tous les trois à quatre jours la quantité jusqu’à la dose de 200 ml d’huile par repas.

  • Source : D.S. Kronfeld, P.A. Harris : « Equine grain-associated disorders », Compendium on continuing education, 2003, vol. 25, n° 12, pp. 974-981.

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