La tuberculose aviaire, aujourd’hui rare en France, n’est toutefois pas à sous-estimer - La Semaine Vétérinaire n° 1199 du 22/10/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1199 du 22/10/2005

Zoonose bactérienne

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Karim Adjou

La recrudescence de maladies immunodépressives accroît l’occurrence de la tuberculose aviaire chez l’homme. Mais un individu tuberculeux est aussi capable de transmettre la maladie aux animaux.

La tuberculose aviaire est une maladie infectieuse contagieuse commune à l’homme et à de nombreuses espèces animales domestiques ou sauvages. Elle est provoquée par une bactérie, Mycobacterium avium. Cette affection est universellement répandue, mais elle est plus fréquente dans les régions du nord tempérées.

Aujourd’hui, l’importance de la tuberculose est à nuancer sur le plan économique au regard de son épidémiologie. En effet, la maladie ne se rencontre presque plus dans les élevages industriels des pays développés. Elle se limite essentiellement aux exploitations traditionnelles de volailles, mais touche aussi les oiseaux sauvages comme les tourterelles, les ramiers, les corbeaux, les moineaux et les canards migrateurs. En France, la tuberculose concerne surtout les poules, les dindons, les pigeons et plus rarement les canards et les oies (T. Alogninouwa, 1992).

La tuberculose aviaire pose un problème de santé publique essentiellement sur le plan hygiénique, en raison de la possibilité de transmission à l’homme. Cela incite certainement à une vigilance accrue de l’hygiène en élevage traditionnel, mais également et surtout au niveau de la domestication de certains oiseaux de volière, en particulier les psittacidés. La recrudescence des affections immunodépressives accroît l’occurrence de cette maladie chez l’homme.

Trois réservoirs naturels de la tuberculose aviaire sont connus

Il existe trois types d’origine de la tuberculose aviaire :

- le réservoir sauvage, le principal, est constitué par les oiseaux sauvages qui représentent un danger potentiel pour les élevages de plein air, via la contamination des points d’eau et des aliments par les fientes ;

- le réservoir domestique est constitué surtout par les poules en élevage traditionnel (et les autres oiseaux de la basse-cour). Certains mammifères, notamment le porc, semblent également jouer un rôle important dans la dissémination et la propagation de la maladie (I.A. Gardner et D.W. Hird, 1989) ;

- le réservoir hydrotellurique. M. avium, résistant, peut survivre pendant des années et se multiplier dans des milieux particulièrement favorables (le sol des basses-cours, les eaux, les boues, etc.).

Les matières virulentes sont surtout représentées par les fientes, compte tenu de l’affinité du bacille pour le tube digestif et de son élimination importante par les lésions ulcératives qu’il provoque dans l’intestin (Smith, 1996). Les tissus et les organes des oiseaux infectés représentent aussi des matières virulentes potentielles.

Les œufs des poules atteintes de tuberculose de l’ovaire peuvent aussi parfois contenir des bacilles tuberculeux et font donc partie des matières virulentes. Toutefois, les poules tuberculeuses ne sont pas nombreuses, elles pondent peu d’œufs, le nombre d’œufs atteints est faible et la quantité de bacille par œuf atteint est peu importante (Bojarski, 1968).

Le principal mode de transmission de l’infection est la voie orale

La transmission de la maladie chez les oiseaux se fait essentiellement par voie digestive (absorption d’aliments souillés par les fientes d’oiseaux malades).

Le mécanisme de transmission de l’infection des animaux à l’homme reste mal connu. Elle semble avoir lieu via le contact direct avec des oiseaux infectés (par la voie respiratoire) ou par la consommation de nourriture ou d’eau contaminée par des fientes de volailles. L’homme ne s’infecte pas par la viande et les abats de volailles, car les lésions ouvertes sont les zones les plus riches en mycobactéries. En outre, la bactérie est particulièrement sensible à la chaleur (vingt minutes à 60° C et vingt secondes à 75° C).

La voie orale est reconnue comme le principal mode de transmission de la maladie à l’homme. Cependant, la transmission par les aérosols est possible, surtout en raison de la grande résistance du bacille dans le sol. Mais la maladie est provoquée par l’exposition répétée à l’agent pathogène (effet de cumul).

Les symptômes diffèrent légèrement chez les animaux et les hommes

Par ailleurs, un individu tuberculeux est capable de transmettre la maladie aux animaux. Ainsi, le diagnostic d’une tuberculose animale (surtout chez les oiseaux de volière) doit inciter à rechercher son origine. En effet, cela permet parfois de révéler une tuberculose chez l’homme, jusque-là insoupçonnée.

Après une période d’incubation de plusieurs semaines à plusieurs mois, les volatiles deviennent apathiques et maigrissent de façon régulière (muscles pectoraux atrophiés et bréchet saillant). Puis surviennent des symptômes locaux :

- des troubles locomoteurs (boiterie le plus souvent unilatérale qui traduit l’atteinte de la mœlle osseuse) ;

- des troubles cutanés (nodules nécrotiques) et muqueux (lésions verruqeuses) ;

- des troubles digestifs (diarrhée sévère) ;

- des troubles génitaux (arrêt de la ponte) ;

- des troubles respiratoires dans 10 % des élevages touchés.

La mortalité peut atteindre 5 % des effectifs. Chez l’homme, il existe plusieurs formes cliniques de la tuberculose d’origine aviaire : pulmonaires (plus fréquentes), ganglionnaires (surtout chez les jeunes enfants) ou cutanées. Chez l’enfant non vacciné, la période d’incubation est muette et dure d’un à trois mois. Chez l’adulte, elle s’étend en moyenne entre trois et six mois. L’infection peut disparaître spontanément, mais elle est souvent grave et chronique. Les rechutes ne sont pas rares chez les sujets apparemment guéris. Les infections pulmonaires et extrapulmonaires sont souvent progressives et mortelles.

Les lésions observées chez les volatiles sont de type caséeux

Les lésions de la tuberculose aviaire chez l’animal sont surtout de type nodulaire. Elles s’expriment par le développement de tubercules (ou nodules) plus ou moins volumineux. Ils renferment du caséum, le plus souvent crissant à la coupe. Ces lésions siègent essentiellement dans le foie et la rate, dans les intestins et la moelle osseuse, mais aussi dans les ovaires et les oviductes, dans les poumons et les sacs aériens (A. Haffar, 1994). Les atteintes du foie, de la rate et des intestins constituent la triade lésionnelle la plus représentative de la tuberculose aviaire (voir photo 1), tandis que le cœur, les organes génitaux et la peau ne sont pas considérés comme des organes de prédilection. Chez les psittacidés, les lésions cutanées peuvent évoluer vers une hyperkératose (T. Alogninouwa, 1992). La plupart des tissus sont donc sensibles (voir tableau), sauf le système nerveux central (Z.M. Kunze et coll., 1992).

Le diagnostic de la maladie chez les animaux est surtout nécropsique

Le diagnostic de la tuberculose aviaire chez les volailles est fondé sur les critères épidémiologiques (évolution lente, élevage fermier), cliniques (boiterie, cachexie, diarrhée) et surtout nécropsiques (triade lésionnelle). Dans certains cas, le diagnostic doit être confirmé par une analyse bactériologique effectuée sur des lésions, ce qui permet la mise en évidence de bacilles alcoolo-acido-résistants (voir photo 2), par la tuberculination (barbillons, crêtes, membranes interdigitées, peau du cou) ou par la sérologie (Elisa, séro-agglutination). Les méthodes chez l’homme sont similaires à celles utilisées chez les oiseaux. La radiographie, la cytologie et la culture de prélèvements (biopsiepulmonaire, hépatique) sont des techniques complémentaires.

La prévention passe par l’élimination totale des animaux tuberculeux

La tuberculose aviaire ne se traite pas chez les animaux, non parce que l’agent pathogène est insensible aux antibiotiques, mais pour des raisons hygiéniques. Aussi faut-il rechercher l’adhésion de l’éleveur pour l’élimination des sujets tuberculeux, puisque leur suppression entraîne la disparition de la source essentielle de l’agent pathogène. Chez les oiseaux, la mesure la plus logique est l’abattage des animaux accompagné de l’application de méthodes offensives d’hygiène.

En ce qui concerne l’homme, la prévention repose essentiellement sur la lutte contre la tuberculose et son éradication chez toutes les espèces animales. En outre, tout individu à risque devrait s’abstenir de conserver un oiseau atteint, comme les personnes immunodéprimées (Sida) ou sous traitement (stéroïdes, chimiothérapie, etc.).

Diagnostic de la tuberculose aviaire

Le diagnostic de la tuberculose aviaire est réalisé en trois temps.

• Un premier temps de suspicion fondé sur l’épidémiologie, l’examen clinique et la nécropsie.

• Un deuxième temps de différenciation avec les autres infections cachectisantes et les boiteries.

• Un troisième temps de confirmation fondée sur les examens de laboratoire.

K. A.

Etiologie de la tuberculose aviaire

Mycobacterium avium, comme toutes les mycobactéries, est un bacille Gram positif, bien qu’il prenne difficilement la coloration de Gram. Cette bactérie est caractérisée par son alcoolo-acido-résistance, révélée par la coloration de Ziehl-Nielsen.

Trois souches de mycobactéries sont souvent rencontrées lors de tuberculose chez les oiseaux : la souche aviaire proprement dite, Mycobacterium avium, la souche bovine, Mycobacterium bovis, et la souche humaine, Mycobacterium tuberculosis.

Chez les psittacidés (les perroquets en particulier), la tuberculose est surtout due à M. tuberculosis, l’infection par M. avium et M. bovis étant possible, mais plus rare. En effet, si les trois souches peuvent induire une tuberculose chez les psittacidés, ces derniers sont considérés comme moins réceptifs aux souches aviaires qu’aux souches humaines et bovines.

K. A.

BIBLIOGRAPHIE

  • • T. Alogninouwa : « La tuberculose aviaire », in Manuel de pathologie aviaire, J. Brugère-Picoux, A. Silim, chaire de pathologie du bétail et des animaux de basse-cour, Maisons-Alfort, 1992, pp. 261-265.
  • • D. Boussarie : « Les zoonoses infectieuses transmises par les oiseaux », Le Nouveau praticien vétérinaire, 2005, n° 23, pp. 79-81.
  • • I. Fletcher : « Les maladies transmissibles des oiseaux à l’homme, ou zoonoses aviaires », thèse de doctorat vétérinaire, n° 57, 1982, p. 182.
  • • I.A. Gardner et D.W. Hird : « Environmental source of mycobacteriosis in a California swine », Can. Vet. J. Res., 1989, n° 53, pp. 33-37.
  • • A. Haffar : « La tuberculose aviaire et son possible caractère de zoonose », Le Point Vétérinaire, 1994, n° 26, pp. 141-145.
  • • Z.M. Kunze, F. Porteals, J.J. Mac Fadden : « Biollogically distinct subtypes of Mycobacterium avium differ in possession of insertion sequance », Clin. Microbiol., 1992, n° 30, pp. 2366-2372.
  • • B.P. Smith : « Avian tuberculosis », in Large animal internal medicine, 2e edition, Mosby-St Louis, 1996, n° 88, p. 90.
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