Les poules sentinelles espionnent la circulation des virus sauvages en élevage de pondeuses - La Semaine Vétérinaire n° 1198 du 15/10/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1198 du 15/10/2005

Pathologie respiratoire des volailles

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Les volailles sentinelles permettent de qualifier la cause d’un problème de production, qui peut être infectieuse ou zootechnique. Ces poules sont des ressources pertinentes au service de l’épidémiosurveillance.

En élevage de poules pondeuses, il est essentiel de dépister la circulation des virus respiratoires. Cela permet de définir la cause infectieuse ou zootechnique d’un problème de production d’une part, et d’optimiser les protocoles de vaccinations mis en œuvre d’autre part. La technique Elisa est largement utilisée pour détecter la circulation des pneumovirus aviaires responsables du syndrome infectieux de la grosse tête et des coronavirus de la bronchite infectieuse.

L’intérêt et les limites de cette technique, ainsi que les écueils d’interprétation des résultats d’analyse ont été soulignés à l’occasion du Nobivet Forum, organisé par Intervet en mai dernier. Certaines difficultés sont inhérentes aux kits Elisa eux-mêmes. Par ailleurs, les titres d’anticorps d’origine vaccinale masquent les anticorps qui permettraient de diagnostiquer la circulation des virus sauvages. En outre, la précision du diagnostic nécessite la mise en œuvre de cinétiques d’anticorps qui exigent la gestion d’une sérothèque. Leur interprétation est parfois délicate. La technique PCR (polymerase chain reaction), utilisable en complément de l’Elisa, n’est pas toujours réalisable. Les circulations virales peuvent être détectées via l’introduction de poules SPF (specific pathogene free) dans les élevages confrontés à des problèmes récurrents. Ces volailles, qualifiées de “sentinelles”, présentent l’inconvénient d’avoir une histoire et un âge différents de ceux des poules de l’élevage. Elles sont en outre peu nombreuses (entre cinq et six) et nécessitent une logistique d’approvisionnement.

Vingt sentinelles non vaccinées enregistrent les circulations des virus respiratoires

Pour éviter ces biais, Pascal Paulet, d’Intervet Santé animale, a adapté la méthode. Dans un élevage de poulettes, une vingtaine d’entre elles sont désignées pour jouer le rôle de sentinelles dans un futur élevage de pondeuses. Jusqu’à l’âge de seize semaines, le protocole vaccinal classique leur est appliqué. Mais à seize semaines, les vaccins inactivés ne leur sont pas administrés. Actuellement, les sentinelles sont identifiées avec des lunettes (voir photo). Elles seront ensuite remplacées par une étiquette à l’aile. Des prises de sang sont réalisées avant l’injection des vaccins inactivés, qui a lieu à seize semaines chez les pondeuses, puis quatre à six semaines après, à la fois chez les pondeuses et les sentinelles. Elles sont ensuite effectuées toutes les six à dix semaines. Les sérums sont stockés dans une sérothèque.

Ce procédé a été appliqué dans un élevage de poules pondeuses confronté à un problème d’œufs déclassés suite à la mauvaise qualité des coquilles. En début de ponte, des œufs blancs et granuleux sont produits par un des lots (P4) et, de façon beaucoup moins marquée, par un autre (P2). L’étude des courbes de ponte fait apparaître un léger décrochage à vingt-deux/ vingt-trois semaines pour le lot P4 voir graphique 1 en page 50. La courbe de ponte du lot P2 ne met en évidence aucun décrochage significatif.

Des poules sentinelles sont placées dans les deux lots de ce site multiâge. Un suivi est mis en œuvre selon le protocole décrit plus haut, grâce à un kit Elisa LSI pour le diagnostic de la rhinotrachéite infectieuse et de la bronchite infectieuse. La qualité de l’injection du vaccin inactivé est contrôlée via le test d’inhibition de l’hémaglutination pour le virus de la maladie de Newcastle.

La circulation et la date de passage des virus sont objectivées

A vingt-deux semaines pour le lot P4 et à vingt-quatre semaines pour le lot P2, l’examen des résultats sérologiques des poules pondeuses montre un niveau d’anticorps contre la rhino-trachéite infectieuse compatible avec la vaccination à l’aide de vaccins inactivés (voir graphiques 2 et 3).

Chez les volailles sentinelles du lot P4, le nombre d’anticorps contre la rhinotrachéite infectieuse passe de 4 460 à quatorze semaines à 7 601 à vingt-deux semaines, ce qui met en évidence la circulation du virus sauvage du syndrome infectieux de la grosse tête en début de ponte (voir graphique 3).

Chez les volailles sentinelles du lot P2, le nombre d’anticorps contre la rhinotrachéite infectieuse passe de 2 987 à quinze semaines à 9 950 à vingt-quatre semaines, ce qui signale le passage du virus sauvage du syndrome infectieux de la grosse tête dans l’élevage (voir graphique 2 en page 50).

Les taux d’anticorps contre la bronchite infectieuse mesurés à quarante-quatre semaines dans le lot P4, tant chez les poules pondeuses vaccinées que chez les volailles sentinelles, attestent de la circulation du virus sauvage (voir graphique 3).

Les volailles sentinelles permettent donc de cibler l’implication d’un virus du syndrome infectieux de la grosse tête dans le problème du décrochage de la courbe de ponte du lot P4 et du déclassement des œufs du lot P2. La date du passage viral est évaluée entre quatorze et vingt-deux semaines pour le lot P4 et à vingt-deux semaines sur le lot P2.

Les sentinelles sont des outils d’épidémiosurveillance à optimiser

Au vu de ces résultats, le protocole vaccinal des poulettes a été modifié. La vaccination précoce contre les pneumovirus aviaires entre cinq et six semaines est maintenue. A seize semaines, la vaccination des oiseaux comporte à la fois l’administration de vaccins vivants et celle de vaccins inactivés, l’objectif étant de relancer l’immunité locale.

La mise en place d’un tel dispositif de volailles sentinelles demande une réelle motivation de la part de l’éleveur et une collaboration active avec l’équipe formée par le vétérinaire et le technicien. La méthode, économiquement intéressante, est efficace en matière d’épidémiosurveillance. Ses limites sont liées à la reconnaissance, au transport et à la mise en place des sentinelles. Pendant cette phase délicate, il est facile de les perdre.

Les propriétés biologiques des virus permettent d’élargir l’épidémiosurveillance

La méthode d’observation microbiologique offre aux vétérinaires la possibilité d’aller plus loin dans l’épidémiosurveillance des sous-types des pneumovirus aviaires et des variants du coronavirus de la bronchite infectieuse. A l’aide d’écouvillons, de nombreux tests peuvent être mis en œuvre pour le diagnostic de cette affection : précipitation sur gel Agar, PCR, tests de neutralisation virale, immunofluorescence, Elisa.

Pascal Paulet préfère la culture virale, qui permet de qualifier les propriétés biologiques des virus, à la PCR. En effet, « trouver de l’acide nucléique n’est pas trouver du virus ». L’acide nucléique des pneumovirus aviaires peut persister quinze à seize semaines après un passage viral.

Pourquoi ne pas imaginer un réseau de sentinelles réparties dans plusieurs élevages attestant de la dynamique du statut sanitaire d’une micro région ou d’une zone plus vaste ?

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr