LA CONCURRENCE EST DE MISE DANS LA CHASSE AUX CLIENTS - La Semaine Vétérinaire n° 1198 du 15/10/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1198 du 15/10/2005

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Auteur(s) : Valérie Zanini

Chacun pour soi, pourrait-on dire en exagérant un peu. Car pour protéger sa clientèle de la concurrence des confrères voisins, tout est (presque) permis. Mais l’Ordre veille et impose, à travers son Code, respect et entraide à tous, y compris pour les confrères installés à proximité les uns des autres.

Pour ce “gibier”, la chasse est ouverte toute l’année. Elle se pratique de jour comme de nuit, l’objectif étant de ramener sa prise (vivante) jusqu’à sa tanière. Ensuite, le jeu consiste à la rendre fidèle pour qu’elle ne soit pas tentée de tomber dans les filets des chasseurs voisins. Car ils sont nombreux aux aguets et prompts à la détente…

Cette métaphore illustre les relations qu’entretiennent certains praticiens avec leurs confrères voisins. Car il est parfois difficile d’exercer le même métier à quelques dizaines ou centaines de mètres de distance et de se partager, à la loyale, une clientèle qui n’est pas extensible. Les vétérinaires le disent eux-mêmes. « Les relations sont concurrentielles en permanence », « avec l’hypocrisie d’une façade confraternelle » et « d’autant meilleures que l’éloignement est grand ». Certains vont jusqu’à estimer l’espacement idéal. Pour eux, la confraternité ne peut s’exprimer qu’au-delà de 50 km. Cette condition, si tant est qu’elle soit fondée, est plutôt difficile à respecter en milieu urbain…

Concurrent d’abord, confrère ensuite. Cette opinion est également partagée par les vétérinaires internautes. Interrogés (via le site Planete-vet.com) sur les relations de “bon” voisinage qu’ils entretiennent avec leurs proches confrères, une majorité d’entre eux (45,2 % des 440 réponses recueillies) les qualifient de concurrentielles (voir ci-dessous).

La concurrence, inévitable, doit reposer sur des règles loyales

« Partager le même métier n’est pas un gage de bonne entente systématique. Car, si l’on peut choisir ses relations amicales, sur le plan professionnel, c’est plus difficile », remarque Romuald Moriceau, praticien à La Ferté-Bernard (Sarthe). S’il ne condamne pas les rapports de concurrence inhérent à l’exercice libéral, l’Ordre impose toutefois qu’ils reposent sur des règles loyales. Ainsi, selon l’article R.*242-47 du Code de déontologie, « le vétérinaire doit s’abstenir de tout acte de concurrence déloyale à l’égard de ses confrères ».

Mais ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît. « Mon expérience ordinale montre que la concurrence la plus loyale peut être perçue comme déloyale par certains », explique Michel Baussier, secrétaire général de l’Ordre des vétérinaires. Selon lui, « il convient avant tout d’accepter que nul n’est propriétaire de ses clients ». Ainsi, « le vétérinaire doit respecter le droit que possède tout propriétaire ou détenteur d’animaux de choisir librement son vétérinaire » (article R.*242-48).

Mais comment rester zen lorsque les clients eux-mêmes placent les vétérinaires d’une ville, d’une commune ou d’une région en situation de compétition ? Certains propriétaires appellent en effet tous les cabinets du secteur pour comparer les tarifs d’une vaccination ou d’une intervention de convenance. Leur parler de qualité de service ne sert à rien, puisque seul le prix de l’acte les intéresse. D’autres veulent être reçus sur le champ et malheur au vétérinaire traitant s’il n’est pas immédiatement disponible. Xavier Meyer, praticien au Puy-Sainte-Reparade (Bouches-du-Rhône) en a fait les frais (voir témoignage ci-contre). En visite à l’extérieur et circulant dans une zone non couverte par l’opérateur de son téléphone portable, il n’a pu répondre à l’appel d’un client qui a alors choisi de lui être infidèle. Il considère que certains propriétaires profitent de cette situation concurrentielle, notamment dans les zones à forte densité vétérinaire.

S’il est possible d’exprimer sa pensée, le dénigrement reste proscrit

Souvent, les confrères voisins communiquent peu entre eux. Le client joue le rôle de messager, véhiculant d’une clinique à l’autre la bonne (ou la mauvaise) parole. « Nous avons des échos [de ce que pensent nos voisins] par l’intermédiaire de la clientèle et ces réflexions sont parfois peu agréables », estime Romuald Moriceau. Toutefois, la dernière version du Code de déontologie donne au praticien la possibilité de s’exprimer… à condition qu’il reste confraternel. Ainsi, selon l’article R.*242-39, « lorsqu’un vétérinaire intervient auprès d’un confrère, il doit s’abstenir de tout dénigrement ». « Il ne doit pas pour autant se priver de réagir. S’il estime que le client doit être informé qu’il a une appréciation différente de celle de son confrère sur le cas qui lui est présenté, il peut tout à fait le dire sans toutefois porter un jugement négatif sur ce qui a été fait précédemment », explique Michel Baussier.

« Une grande partie des plaintes transmises aux conseils régionaux de l’Ordre concernant des différends entre praticiens se nourrissent d’un défaut de communication. La même remarque vaut pour les conflits entre associés. » Selon notre confrère, une explication face à face permet d’atténuer les ressentiments ou, du moins, de mieux comprendre les motivations de son voisin. La conciliation est d’ailleurs imposée aux vétérinaires. « Si un dissentiment professionnel surgit entre deux confrères, ils doivent d’abord chercher une conciliation, au besoin par l’intermédiaire du conseil régional de l’Ordre (article R.*242-39). » « Certaines plaintes ont d’ailleurs été jugées irrecevables par le président de la chambre disciplinaire, car l’existence d’une conciliation préalable entre les parties n’avait pu être vérifiée », souligne Michel Baussier. Et Catherine Dec, praticienne à Cahors (Lot), de réagir : « Heureusement que le Code de déontologie existe. Il nous permet de maintenir une certaine atmosphère de respect et de solidarité entre nous » (voir témoignage en p. 36). N’est-ce pas cela, la confraternité ?

Le jeune installé est vu d’un mauvais œil

Avant d’ouvrir mon cabinet, j’ai pris soin de prendre conseil auprès de l’Ordre pour choisir le lieu de mon implantation.

Je me suis installée en région parisienne, dans une petite ville de 23 000 habitants qui ne comprenait alors qu’un seul praticien, la commune adjacente n’en comptant aucun. Pourtant, les confrères (ou consœurs) des communes avoisinantes m’ont plutôt mal accueillie. La première collègue à laquelle je me suis présentée, comme c’est l’usage, a été désagréable et s’est étonnée de ma visite.

Le deuxième m’a fait dire, après m’avoir fait attendre dans sa salle d’attente, qu’il n’avait pas de temps à me consacrer et que notre rencontre ne l’intéressait pas. Le troisième n’a pas non plus été particulièrement cordial. Inutile de dire que j’ai arrêté là mes civilités.

Ce sont des attitudes que j’ai vraiment du mal à comprendre.

En Bretagne où je suis domiciliée actuellement, la confraternité n’est pas plus chaleureuse.

Michèle Boisbourdin, Priziac (Morbihan)

La confraternité est très relative

A moins d’entretenir des relations extraprofessionnelles avec les confrères, il est difficile d’exercer dans un climat de confiance et de respect mutuel.

D’autant que la concurrence est de plus en plus rude. Autour de mon cabinet, il y a une ou deux clientèles tous les dix kilomètres, dans chaque village de 5 000 habitants. Nous sommes donc nombreux dans un faible rayon d’action. Autant dire que notre équilibre est instable.

Dans un tel environnement, il suffit d’une “brebis galeuse” pour semer la zizanie. Les clients eux-mêmes nous mettent la pression. Il leur est désormais impossible de patienter pour obtenir un rendez-vous.

Si, par malheur, vous êtes en visite à domicile et que leur appel tombe sur la messagerie de votre portable, ils sollicitent aussitôt les confrères voisins jusqu’à ce que l’un d’eux leur propose de les recevoir, quitte à les faire patienter ensuite en salle d’attente.

Xavier Meyer praticien au Puy-Sainte-Reparade (Bouches-du-Rhône)

Nous nous rencontrons sans parler “boulot”

Nous formons un groupe très convivial. Nous nous réunissons une fois par mois autour d’un repas et nous mettons un point d’honneur à ne pas parler de notre activité professionnelle. Nous sommes devenus des amis et nous pouvons compter les uns sur les autres en cas de coup dur. A l’origine, nous avions mis ce rituel en place pour organiser des tours de garde entre confrères voisins. Au fil des années, nous avons abandonné les gardes (désormais assurées par d’autres structures), mais le principe de cette rencontre amicale a été maintenu.

Bien entendu, nous avons invité les nouveaux installés. Mais, après une première réunion, ils n’ont pas souhaité entrer dans notre cercle. Faute de temps ? Peut-être n’ont-ils pas clairement perçu son intérêt ?

Patrick Bourigault, praticien à Malakoff (Hauts-de-Seine)
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