Le diagnostic de certitude de l'ehrlichiose granulocytaire est réalisable - La Semaine Vétérinaire n° 1197 du 08/10/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1197 du 08/10/2005

Anaplasmose du chien et du chat

Formation continue

Animaux de compagnie

Auteur(s) : Bernard Davoust

Fonctions : chef du bureau vétérinaire
de la Direction régionale
du Service de santé des armées
de Toulon (Var).

Cette affection, moins connue que l'ehrlichiose monocytaire canine, se traduit également par des signes peu spécifiques.

L'ehrlichiose granulocytaire canine (EGC) à Anaplasma phagocytophilum (égale­- ment appelée “anaplasmose canine”) est une maladie infectieuse décrite pour la première fois en Europe (Suisse et Suède) à la fin des années 1980.

Depuis, des cas cliniques d'anaplasmose sont rapportés chez le chien au Royaume-Uni, en Finlande, aux Pays-Bas, en Suisse, en Italie et en Grèce et, chez le chat, en Suède.

Un syndrome fébrile est observé lors d'ehrlichiose granulocytaire canine

Les manifestations cliniques dues à A. phago­cytophilum sont peu spécifiques, comme pour les autres ehrlichioses canines. Une fièvre aiguë, une apathie, une anorexie, une splénomégalie et des difficultés locomotrices sont observées. Une diarrhée et des signes d'atteinte du système nerveux central (déficit proprioceptif) sont aussi décrits. Une leucopénie, une thrombopénie, une anémie et une augmentation de l'activité des transaminases hépatiques sont notées. Les cas graves se manifestent par des hémorragies et un état de choc.

Toutefois, les données séro-épidémiologiques suggèrent que l'EGC asymptomatique est fréquente. A. phagocytophilum peut être mise en évidence sur un frottis sanguin coloré par la technique de May-Grünwald-Giemsa. Les bactéries, regroupées en morulae dans les granulocytes neutrophiles, sont difficiles à détecter. En France, des cas cliniques suspects (présentant les mêmes symptômes que ceux de l'ehrlichiose monocytaire canine) ont été étudiés (voir bibliographie1 en page 41). Des morulae ont été mises en évidence dans des polynucléai­res neutrophiles, associées à des gamétocytes d'Hepatozoon canis.

Le diagnostic différentiel avec l'ehrlichiose monocytaire est délicat

Les examens de laboratoire (immunofluorescence indirecte, ou IFI, et polymerase chain reaction, ou PCR) sont souvent utiles pour confirmer une suspicion. Cependant, des croisements sérologiques rendent difficile l'interprétation de l'IFI pour le diagnostic d'A. phagocytophilum, surtout dans le sud de l'Europe. En effet, il est démontré que les chiens infectés par Ehrlichia canis peuvent présenter une IFI positive vis-à-vis d'A. phagocytophilum. La PCR permet alors d'établir un diagnostic de certitude.

Le traitement recommandé est le même que celui de l'ehrlichiose monocytaire à Ehrlichia canis et fait appel à la doxycycline (10 mg/kg, per os, durant trois semaines). Les formes graves de la maladie requièrent une administration prolongée.

Il est démontré expérimentalement que le chien peut être infecté de façon chronique pendant plusieurs mois.

Des cas d'ehrlichiose granulocytaire sont confirmés chez le chat

L'ehrlichiose granulocytaire féline (EGF) à Anaplasma phagocytophilum a été décrite en Suède, en 1999 (voir bibliographie 2). Le chat malade présentait une fièvre, de l'anorexie, ainsi qu'une tachypnée. Les examens de laboratoire réalisés alors ont montré une neutrophilie et une lymphopénie. Par ailleurs, des morulae ont été mises en évidence dans les neutrophiles. Après vingt-quatre heures de traitement à base de doxycycline administrée par voie intraveineuse, l'animal s'est rétabli. Le diagnostic clinique a été confirmé par la réalisation d'examens sérologiques (IFI et western blot) et la PCR. Le séquençage de l'ADN a montré que l'agent pathogène était le même (A. phagocytophilum), comparativement à ceux qui ont été isolés chez l'homme, le cheval et le chien en Suède.

Une transmission par la tique Ixodes est probable

Si les cas canins et félins d'infection à A. phagocytophilum peuvent être bactériologiquement établis, en revanche, l'épidémiologie de ces maladies n'est pas totalement connue. La transmission par la tique Ixodes ricinus est probable. La présence d'A. phagocytophilum dans des tiques du genre Ixodes (I. ricinus et I. trianguliceps) est rapportée dans la plupart des pays d'Europe (France, Slovénie, Suisse, Pays-Bas, Italie du Nord, Bulgarie, Norvège, Ecosse, Allemagne, etc.). Les études réalisées en Suisse, notamment chez des petits rongeurs, et en Israël, chez des chacals, montrent que les animaux sauvages pourraient jouer un rôle épidémiologique impor­tant en tant que réservoirs. Le chien et le chat, quant à eux, sont susceptibles d'êtredessentinellesdel'infection humaine à A. phagocytophilum.

L'ehrlichiose granulocytaire à Anaplasma phagocytophilum peut être considérée aujourd'hui comme une zoonose mineure émergente, partagée entre les bovins, les petits ruminants domes­tiques et sauvages, les canidés, les félidés, les équidés et l'homme. Bien que sa survenue chez ce dernier soit prouvée sérologiquement dans la plupart des pays d'Europe, les cas humains d'infection aiguë sont cependant rares à l'heure actuelle.

  • * R. Tissier, V. Chetboul, R. Moraillon et coll. : «  Increased mitral valve regurgitation and myocardial hypertrophy in two dogs with long term pimobendan therapy », Cardiovascular Toxicology, 2005, n°  5, pp. 43-51. Radiographiedeprofilthoraciqued'un schnauzer géant mâle âgé d'un an. Elle met en évidence une cardiomégalie sévère.

  • * En collaboration avec l'école vétérinaire d'Alfort et Merial, qui prend en charge une partie des frais. Prendre contact avec Luc Chabanne au 04 78 87 26 15.

bibliographie

  • 1 - J.-P. Beaufils, J.-P. Legroux : «  Présence simultanée d'Ehrlichia sp. et d'Hepatozoon canis dans des granulocytes de chien : à propos de deux cas », Prat. Med. Chir. Anim. Comp., 1992, voL. 27, pp.81-86.
  • 2 - A. Bjöersdorff, L. Svendenius, J.-H. Owens et coll. : «  Feline granulocytic ehrlichiosis. A report of a new clinical entity and characterisation of the infectious agent », J. SmalL. Anim. Pract., 1999, voL. 40, pp. 20-24.

Un protocole pour le diagnostic de certitude

Les praticiens peuvent désormais accéder gratuitement au diagnostic de certitude via un protocole mis en place par le laboratoire d'hématologie de l'école vétérinaire de Lyon*. Les chiens et les chats considérés comme suspects proviennent de zones géographiques où des infections par A. phagocytophilum sont répertoriées pour d'autres espèces ou bien pour lesquelles la présence de tiques du genre Ixodes est établie. Les signes qui évoquent une infection à A. phagocytophilum sont une fièvre d'origine indéterminée, une asthénie, une anorexie, une poly-arthralgie, une thrombopénie avec ou sans syndrome hémorragique, et une leucopénie inexpliquée. En cas d'examen clinique compatible avec une suspicion, les recherches suivantes sont effectuées, avant d'initier un traitement :

- un prélèvement sanguin sur un tube EDTA pour la réalisation de frottis sanguins et d'un hémogramme ;

- un prélèvement sanguin sur un tube EDTA (5  ml chez un chien, 2,5  ml chez un chat, de préférence avec un tube de plastique) pour une PCR ;

- un prélèvement sanguin sur un tube sec (5  ml chez un chien, 2,5  ml chez un chat) pour les sérologies ;

- si possible, un prélèvement de moelle osseuse sur un tube EDTA pour la réalisation d'un frottis et d'une PCR.

Les ectoparasites éventuels sont à placer dans un tube avec de l'alcool (éthanol à 65° au minimum).

Les frottis (non colorés), le résultat de l'hémogramme et les tubes, accompagnés d'une fiche de commémoratifs, doivent être envoyés par Chronopost au laboratoire d'hématologie de l'ENVL.

Une recherche de morula d'A. phagocytophilum, des sérologies IFI (Ehrlichia canis, A. phagocytophilum), une PCR sur du sang et, éventuellement, sur de la moelle osseuse et sur des tiques (après une diagnose d'espèce) sont réalisées.

B. D.

Pour en savoir plus

• A. Egenvall, A. Hedhammar, A. Bjöersdorff : «  Clinical features and serology of 14 dogs affected by granulocytic ehrlichiosis in Sweden », Vet. Rec., 1997, voL. 140, pp. 222-226.

• A. Egenvall, I. Lilliehook, A. Bjöersdorff et coll. : «  Detection of granulocytic Ehrlichia species DNA by PCR in persistently infected dog », Vet. Rec., 2000, voL. 146, pp. 186-190.

• A.E. Gravino, D. De Caprariis, L. Manna et coll. : «  Preliminary report of infection in dogs related to Ehrlichia equi :

description of three cases », New. Microbiol., 1997, voL. 20, pp. 361-363.

• F. Poitout, L. Chabanne : «  Observation clinique : anaplasmose chez un chien », Le Nouveau praticien vétérinaire, 2004, février/mars, pp. 45-48.

• N. Pusterla, J. Huder, C. Wolfensberger et coll. : «  Granulocytic ehrlichiosis in two dogs in Switzerland », J. Clin. Microbiol., 1997, voL. 35, pp. 2307-2309.

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