Reconnaître et interpréter les lésions aide au diagnostic - La Semaine Vétérinaire n° 1196 du 01/10/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1196 du 01/10/2005

Choix des examens complémentaires en dermatologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Vincent Coupry

Si les examens complémentaires sont indispensables en dermatologie, l’observation attentive des lésions et de leur topographie permet parfois d’orienter le diagnostic.

Pour établir un bon diagnostic en dermatologie, quatre conditions minimales sont requises : avoir un bon éclairage, prendre le temps d’un examen complet de l’animal (et pas seulement des zones qui paraissent lésées), rechercher les lésions dans les parties peu grattées (à l’intérieur des conques auriculaires, etc.) et réaliser une tonte plus ou moins large. Celle-ci, parfois difficile à faire admettre au propriétaire, est souvent un plus tant pour le diagnostic (nombre de lésions, surtout débutantes, sont cachées sous les poils) que pour le traitement (élimination d’un poil malade, accès direct à la peau lors de traitement topique).

La valeur diagnostique d’une lésion est variable, de nulle à quasi pathognomonique.

Nombre de lésions, pourtant marquées, sont sans valeur diagnostique

Beaucoup de lésions visibles, impressionnantes pour le propriétaire et souvent à l’origine de la consultation, n’ont que peu d’intérêt diagnostique pour le praticien. La lichénification marque ainsi uniquement l’ancienneté de la dermatose et réaliser une biopsie n’est d’aucun bénéfice. Un érythème est le signe d’une inflammation cutanée, mais ne permet pas d’en définir l’origine. L’hypermélanose canine révèle un état postinflammatoire ou un trouble hormonal. Si elle concerne le poil, elle signale une folliculite ancienne. En revanche, chez le chat, elle doit faire suspecter une dermatophytie.

Quelques lésions ont une faible valeur diagnostique

Le purpura (extravasation sanguine) marque l’existence d’un trouble vasculaire ou hématologique sans préjuger de son origine. Il convient de ne pas le confondre avec la pigmentation cutanée chez le chat.

Des papules centrées sur un follicule pileux signent une folliculite (essentiellement bactérienne ou démodécique). En revanche, il est possible de rencontrer une papule non folliculaire lors de n’importe quelle autre dermatite.

Des squames (cornéocytes plus ou moins accumulés) pityriasiformes (petites et fines) ou psoriasiformes (épaisses) sont présentes lors de toute altération du film lipidique de surface, ainsi qu’en cas de trouble primaire de la cornéo-genèse. En revanche, des squames scarlatiniformes (c’est-à-dire en lambeaux) sont significatifs de l’existence de pustules plus ou moins étendues.

Il est fréquent d’identifier, à tort, comme une séborrhée grasse des “squames” jaunes, grasses, qui se révèlent être du pus séché issu d’une pyodermite.

La présence d’hyperkératose, qui consiste en un épaississement de la couche cornée, oriente vers de nombreuses hypothèses diagnostiques : troubles métaboliques (qui sont améliorés par le zinc, la vitamine A, etc.), infection virale (maladie de Carré, par exemple), trouble primaire de la cornéogenèse, dermite auto-immune, etc. Dans ce cas de figure, la réalisation d’une biopsie apporte de nombreuses informations.

L’observation de certaines lésions peut aiguiller le vétérinaire

Les collerettes épidermiques (vestiges de pustules) ont trois causes principales : une pyodermite superficielle (90 % des cas), une dermatoptique ou un pemphigus foliacé (une légère érosion de la peau est alors observée).

Les alopécies nummulaires du chat sont presque toujours dues à une dermatophytie. Chez le chien, en revanche, elles sont associées à une dermatophytie, à une démodécie, à des folliculites bactériennes…

Il ne faut pas confondre les manchons pilaires, qui sont la marque d’une inflammation avec une hyperkératose dans le follicule pileux, avec une accumulation de pus à la base du poil. Il s’agit d’une lésion secondaire lors de démodécie ou de dermatophytie, et d’une lésion primaire en cas de dermatose répondant à l’administration de vitamine A, d’adénite sébacée granulomateuse ou de séborrhée primaire.

Les alopécies bilatérales marquent certaines endocrinopathies, les génodermatoses (l’alopécie congénitale liée au chromosome X), mais aussi une démodécie ancienne, surtout si un érythème y est associé. Un raclage est donc toujours recommandé.

Les ulcères à bords francs sont significatifs de l’existence d’une vascularite.

Les hot spots signent une dermite pyotraumatique. Ils requièrent une tonte large en vue de la recherche de lésions spécifiques périphériques. Si le hot spot simple connaît une évolution favorable rapide, la furonculose nécessite une antibiothérapie longue, sans corticothérapie associée. Elle indique l’existence d’une pyodermite profonde et une recherche systématique de Demodex est indispensable, surtout chez les retrievers. Dans tous les cas, la cause du prurit est à identifier.

Quelques lésions ont une haute valeur diagnostique

Les lésions de granulome éosinophilique sont caractéristiques et permettent d’emblée de conclure à une hypersensibilité chez le chat.

La présence d’ulcères ronds, entourés de bourrelets, fait fortement penser à une poxvirose (variole humaine). Si la guérison en est spontanée, les corticoïdes sont contre-indiqués.

Une atrophie cutanée associée à une perte d’élasticité oriente le diagnostic vers un hypercorticisme, sans pour autant préjuger de son origine (iatrogène, hypophysaire ou surrénalienne). De même, les calcinoses cutanées (papules blanchâtres et dures) sont le plus souvent dues à un syndrome de Cushing. Lors de pododermatite, une coloration à la base des ongles, associée à une inflammation de la zone, fait fortement suspecter une dermite à Malassezia. Un Scotch® test établit un diagnostic de certitude.

La localisation des lésions oriente le diagnostic

La topographie lésionnelle possède aussi parfois une forte valeur diagnostique.

Des lésions asymétriques ont souvent une origine infectieuse, parasitaire ou mécanique, alors qu’une atteinte symétrique est plutôt associée à une maladie générale (affection auto-immune, génétique, dysendocrinie, troubles métaboliques, carences). Des ulcères bilatéraux symétriques au niveau des jonctions cutanéo-muqueuses font suspecter une dermite auto-immune.

Des squames croûteuses, épaisses et particulièrement adhérentes (arrachage douloureux) en région péri-orificielle (oreille, anus, œil, bouche) sont la marque d’une carence en zinc (déficit réel, alimentation riche en chélateurs du zinc, syndrome hépatocutané à l’origine de carences multiples, notamment en zinc, ou chiens de races nordiques prédisposés). Des croûtes peu adhérentes, jaunes et non douloureuses, recouvrant une érosion, en face interne des pavillons auriculaires sont assez caractéristiques d’un pemphigus foliacé. Il convient de rechercher des pustules.

Des squames psoriasiformes et non prurigineuses sur les saillies osseuses orientent le diagnostic vers une leishmaniose.

Des papules, des croûtes et une alopécie en région dorsolombaire sont spécifiques d’une dermite par hypersensibilité aux puces.

Une alopécie des flancs en carte de géographie chez une femelle, essentiellement dans la race boxer, fait penser à une alopécie cyclique récidivante des flancs, dont les conséquences sont surtout esthétiques. Toute alopécie sans symptômes généraux doit faire suspecter cette affection pour laquelle la biopsie reste un moyen de diagnostic privilégié. Aucun traitement n’existe, mais la repousse du poil est systématique après un certain temps.

Le choix des examens complémentaires dépend des lésions

Lors de suspicion de démodécie, les raclages doivent être réalisés dans la zone érythémateuse non lichénifiée après une tonte, dans la zone comédonienne et en évitant les parties hémorragiques. L’épilation permet la recherche de Demodex dans les manchons pilaires. En cas de résultat négatif, il convient d’effectuer un raclage plus sensible.

Toute lésion insolite ou inhabituelle doit faire l’objet d’un prélèvement. La biopsie d’une zone alopécique se fait à cheval sur celle-ci et sur la zone saine, perpendiculairement à la périphérie de la lésion. Dans le cas d’une biopsie parallèle, il existe un risque que le pathologiste fasse une coupe qui ne passe pas par la zone de transition, le plus souvent riche en informations (voir figure ci-contre). Lors de pustules, les biopsies sont à effectuer en côte de melon tout autour, pour les préserver en entier. Des lésions ulcérées évocatrices de tumeur doivent également être prélevées pour analyse. En cas de suspicion de vascularite ou de maladie auto-immune, les biopsies sont réalisées à cheval sur la zone saine et sur la zone ulcérée.

Ainsi, en dermatologie, toutes les lésions finissent bien souvent par se ressembler. Pourtant, il existe des cas où la nature des plaies, leur topographie ou l’association des deux permettent d’orienter fortement le diagnostic avant la mise en œuvre de tout examen complémentaire.

CONFÉRENCIER

Pascal Prélaud,

consultant en dermatologie (diplômé de l’European College of Veterinary Dermatology), praticien à Maisons-Alfort (Val-de-Marne).

D’après la conférence « Reconnaître et interpréter les lésions en dermatologie », organisée par l’Afvac, le 14 avril 2005 à Paris.

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