Les pays européens débattent de leurs différentes approches techniques, légales et de communication - La Semaine Vétérinaire n° 1196 du 01/10/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1196 du 01/10/2005

Ophtalmologie. Gestion des troubles oculaires héréditaires

Actualité

Auteur(s) : Marine Neveux

Huit recommandations ont été émises à l’issue d’une réunion sur les maladies oculaires héréditaires organisée les 24 et 25 septembre derniers en région parisienne.

La réunion sur les maladies oculaires organisée fin septembre par l’European College of Veterinary Ophtalmology (ECVO) et la Société centrale canine (SCC) a permis une approche européenne du sujet. Pour cette première en France, le programme avait été établi par nos confrères Bernard Clerc et Gilles Chaudieu.

Les interventions et les débats ont été l’occasion d’exposer des modèles parfois fort différents d’un Etat européen à un autre. En termes de législation et de communication, les pays du nord développent souvent des approches éloignées du modèle français, qui peuvent paraître difficilement applicables dans l’Hexagone. Par exemple, notre consœur Catherine Roy (représentante du Conseil supérieur de l’Ordre) a rappelé que le secret médical est une obligation déontologique en France. Ce point est abordé autrement aux Pays-Bas et en Suède.

Continuant d’exposer les caractéristiques hexagonales, Catherine Roy et notre confrère Didier Schmidt-Morand ont rappelé les systèmes qui se mettent actuellement en place pour la gestion des maladies oculaires héréditaires : examens réalisés par des confrères habilités à la détection de ces troubles, fourniture des résultats au propriétaire, etc. En outre, le club de race concerné est informé qu’une analyse a lieu, sans que les résultats lui soient directement communiqués (le choix est laissé au maître de l’animal). Un dispositif de traçabilité permet en outre d’éviter le nomadisme de certains propriétaires de chiens tentés de faire appel à plusieurs praticiens pour obtenir un résultat « indemne » Ces dispositions françaises s’inscrivent dans une démarche de qualité.

Les Suédois et les Norvégiens optent pour une large communication

Le modèle suédois est bien loin de celui retenu par les Français en termes de communication.

Comme l’a expliqué notre confrère Lennart Garmer, la base de données du Club canin suédois est accessible à tous et disponible sur l’Internet depuis 2002. Tous les résultats des tests y sont entrés et tenus à la disposition des clubs, des éleveurs, etc. En Norvège, la banque de données est aussi ouverte aux éleveurs.

Outre la communication, d’autres pierres d’achoppement existent en matière de maladies oculaires héréditaires. Ainsi, comme l’a souligné notre confrère néerlandais Frans Stades, que faire quand les résultats obtenus par plusieurs examinateurs divergent ou que le chien change de pays ou de registre ? Au sein d’un même pays, des problèmes peuvent aussi survenir, notamment en cas d’existence de plusieurs clubs pour une même race. Cela arrive souvent outre-Rhin, a déploré notre confrère Rolf Brahm. Cette situation existe aussi en république Tchèque, a renchéri Jiri Beranek. Dans ce pays, où le groupe d’ophtalmologie a débuté son travail en 1999, « il y a plus de clubs de race que de races ! ».

Les recommandations formulées à l’issue des deux journées (voir encadré) tentent d’apporter des solutions à certains de ces écueils.

En Norvège, devenir examinateur nécessite la réalisation préalable de 500 tests

Ellen Bjerkas, professeur à l’école vétérinaire de Norvège et présidente de l’ECVO, a rappelé que les confrères norvégiens qui souhaitent devenir examinateurs pour les maladies oculaires doivent avoir effectué un minimum de cinq cents examens chez des chiens, sous la supervision de deux membres du comité reconnus par l’ECVO. En outre, au moins cinquante chiens doivent avoir été vus sous le contrôle d’un membre diplômé du Collège européen. Côté chats, les candidats doivent en avoir examiné cent. « Nous leur demandons aussi d’avoir testé au moins cinquante chiots colley ou shetland, car l’examen des yeux des jeunes sujets présente des particularités », a expliqué notre consœur. Des épreuves écrites et pratiques complètent ces exigences.

La question de l’examen des annexes oculaires a été soulevée à l’occasion de ces journées. Il est inclus dans le protocole de l’ECVO. Ellen Bjerkas recommande sa réalisation, car elle estime que les annexes peuvent perturber la vision.

Notre consœur Sabine Chahory, de l’école vétérinaire d’Alfort, a développé l’examen gonioscopique dans le cadre des maladies oculaires héréditaires, soulignant son intérêt dans la détection du glaucome primaire. Pour sa part, Bernard Clerc (ENVA) a abordé l’électorétinogramme (ERG) qui constitue un outil diagnostique précoce des rétinopathies héréditaires, dès l’âge de six semaines chez certaines races. Il a souligné l’importance du respect du protocole.

Outre-Manche, la politique d’élevage s’oriente vers la réalisation de tests ADN

« Nous encourageons le plus grand nombre de propriétaires à faire tester les reproducteurs potentiels, a expliqué Jeff Samson (Royaume-Uni). Nous avons créé un registre ouvert de chiens testés et nous apportons des conseils en termes d’élevage. »

Pour lutter contre les maladies oculaires héréditaires, Jeff Sampson propose l’examen préalable des reproducteurs potentiels et l’accouplement des porteurs de trouble exclusivement avec des animaux non porteurs. Dans ce cas, la réalisation d’un test ADN (lorsqu’il existe) est conseillée chez tous les chiots de la portée. « Nous suggérons cette démarche, mais elle n’est pas obligatoire. Il revient au club de race de décider ou non de la mettre en œuvre. » Ensuite, le Kennel Club prend la décision de faire figurer ou non les résultats des tests ADN dans sa base de données et sur son site Internet, ce qui nécessite la signature d’une autorisation par le propriétaire. Lorsque ce dernier donne son accord, le test ADN apparaît sur le certificat du chien et sur celui de sa progéniture.

A l’avenir, dans un certain nombre de cas, Jeff Sampson envisage de ne reconnaître comme chiens de race que des animaux chez lesquels le test ADN ne révèle aucune anomalie. Tel est déjà le cas du setter irlandais, race dans laquelle il existe des restrictions d’enregistrement depuis le 1er juillet dernier lors de déficience d’adhésion du leucocyte canin. « Lorsque nous avons débuté ces tests chez le setter, nous enregistrions 30 % de porteurs. En six mois, ce taux est descendu à 15 % et aujourd’hui il n’y en a plus aucun. Le travail a donc été efficace en deux générations seulement. » « Cette démarche fonctionne bien avec la majorité des éleveurs qui sont aussi membres du club de la race. Elle est plus difficile avec les amateurs qui produisent des portées occasionnelles. En outre, ces derniers se rendent rarement aux expositions et la diffusion de l’information sur les maladies est moins aisée », a souligné Jeff Sampson.

L’intervention du vétérinaire au niveau de la sélection a soulevé des débats. « La collaboration entre l’éleveur, le vétérinaire et le chercheur est essentielle », a précisé Catherine André (CNRS de Rennes). Selon Bernard Denis (ENV de Nantes), le vétérinaire joue un rôle de conseiller auprès des clubs de race, mais il ne doit pas imposer une politique de sélection. Cette dernière est du ressort des clubs.

En outre, Astrid Indrebo (Norvegian Kennel Club) a démontré la nécessité de raisonner globalement en termes d’élevage : « Un programme trop sévère conduit à éliminer les bons éleveurs, mais pas les maladies importantes ! » « Le syndrome de l’étalon trop populaire constitue l’affection la plus sérieuse », a-t-elle expliqué avec ironie, soulignant le risque induit par l’utilisation d’un seul mâle par effet de mode.

L’authenticité de la paternité mérite d’être vérifiée au préalable

Le problème des erreurs ou des tricheries concernant la paternité des chiots a également été soulevé, car cela constitue une entrave à la réalisation des recherches sur les troubles oculaires. « Les analyses moléculaires doivent être réalisées à partir de pedigrees fiables, a insisté Laurent Tiret (ENVA). Nous gagnons du temps lorsque la parenté est vérifiée au préalable. » Notre confrère a également souligné l’intérêt de disposer d’une banque de données sécurisée. Les recherches effectuées chez le chien ont aussi des applications en pathologie comparée, car cet animal offre un modèle de maladie spontanée.

Les huit recommandations

Ces recommandations seront communiquées à titre informatif aux acteurs de la sélection canine : les clubs de race, les vétérinaires examinateurs, les membres de l’ECVO.

1. Etablir une liste des races à examiner pour la détection de l’anomalie du ligament pectiné.

2. Etablir une liste de races à examiner pour la détection d’une persistance de la membrane pupillaire.

3. En cas de résultats contradictoires fournis par des analyses réalisées chez un même chien, retenir le jugement le plus défavorable jusqu’à l’examen de l’animal par un comité de recours du pays d’enregistrement.

4. Identification par tatouage ou puce électronique de chaque animal qui entre dans le protocole de sélection.

5. En cas d’exportation d’un chien, joindre au pedigree les résultats des examens réalisés.

6. L’examen clinique de l’œil ne peut être remplacé par le test génétique pour les maladies oculaires, valable pour une mutation, une maladie et une race données.

7. Lorsqu’un chien est reconnu atteint d’une maladie oculaire héréditaire par un membre du comité ou du groupe de recours local, ce résultat ne change pas quand l’animal est transféré dans un autre registre, sauf s’il est examiné de nouveau par le groupe de recours du nouveau registre.

8. Si un chien est transféré d’un registre à un autre, celui qui réalise l’exportation fournit tous les résultats des examens relatifs à la maladie oculaire héréditaire présumée. Le registre d’importation est tenu de les prendre en considération.

M. N.
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