Les dauphins dénichent leur nourriture à l’aide d’éponges protectrices

Les grands dauphins (Tursiops truncatus) utilisent des éponges dans leur quête de nourriture. Cette faculté est transmise par apprentissage. Il s’agit du premier cas de culture fondée sur la manipulation d’outils décrit chez des mammifères marins⁽¹⁾.

Les dauphins étudiés (depuis 1984) sont ceux de Shark Bay, près de la côte orientale de l’Australie. Ils maîtrisent onze tactiques pour fourrager, dont “l’épongisme” : ils détachent des éponges du plancher marin, les font glisser autour de leur rostre (pointe du museau) pour les encapuchonner. Avec ce qui s’apparente à une protection, ils “labourent” alors le fond pour dénicher des poissons. Cela n’est pratiquement observée que chez les mères et les filles.

La transmission maternelle exclut les dauphins mâles du processus

La technique de “l’épongisme” n’est pas innée ni héritée génétiquement, mais produite par imitation. L’étude de l’ADN mitochondrial montre que les femelles qui utilisent des éponges partagent presque toutes le même haplonte. La transmission est donc matrilinéaire.

Les femelles “épongistes” descendent d’un même ancêtre récent, une femelle qui aurait expérimenté cette pratique pour la première fois et l’aurait transmise à ses filles. Les mâles recherchent leur nourriture dans les mêmes zones que les femelles. Mais, à une exception près, ils ne se servent pas des éponges et presque tous les petits des femelles “épongistes” sont engendrés par des pères “non épongistes”.

Les dauphins avaient déjà montré leur capacité à apprendre et à imiter, tant par le son que par le comportement. Ils peuvent notamment reproduire des réactions de leurs congénères ou des hommes. A cet égard, les primates ont aussi de grandes facultés. Toutefois, les dauphins s’en distinguent maintenant par cette matrilinéarité qui exprime le passage d’une tradition, via les femelles, de génération en génération. La société des dauphins n’est pas fondamentalement matrilinéaire. Les femelles n’ont pas la primauté sur les mâles. Pourquoi ces derniers ne sont-ils pas concernés par cette tradition, alors que leurs capacités cognitives égalent celles des femelles ? Les auteurs avancent l’hypothèse – qui reste à étayer – que “l’épongisme”, une activité qui prend un certain temps, pourrait être incompatible avec la dépense d’énergie importante des mâles à la recherche de partenaires pour l’accouplement.

• (1) M. Krützen et coll. : « Cultural transmission of tool use in bottlenose dolphins », Proceedings of the National Academy of Sciences USA, 21/6/2005.