Est-il possible de parler de confraternité au sein de la profession ?

Le juste contre-pied de notre mode d’exercice

Bien entendu, il faut parler de confraternité. Nous vivons dans un monde de plus en plus individualiste. Qui plus est, nous sommes une profession dite “indépendante”. La confraternité est le juste contre-pied de notre mode d’exercice. Le maillage de notre territoire par les petites unités fonctionnelles que sont nos cabinets et cliniques nécessite un plus petit commun dénominateur (PPCD) : c’est notre esprit de confraternité.

A quoi cela sert-il ? Sur le terrain, nous sommes chaque jour confrontés à des problèmes variés pour lesquels les réponses ne sont pas toujours évidentes. Dans ce cas, la confraternité sert à mettre en commun nos ressources intellectuelles, morales et matérielles pour être au service de notre profession. Au-delà de cette confraternité professionnelle peuvent parfois naître la camaraderie et l’amitié.

L’Ordre des vétérinaires veille à ce qu’il y ait un code de bonne conduite, sorte de service minimal vis-à-vis du public, mais il veille aussi à ce qu’un bon esprit règne entre nous. Car nous sommes tous vulnérables, notamment face au deuil, aux accidents, aux maladies ou aux épreuves diverses. Nous pouvons cependant compter sur la solidarité de nos confrères pour nous aider dans l’adversité.

Par ailleurs, le public qui utilise parfois nos failles pour se retourner contre l’un d’entre nous – souvent à tort – ne doit pas trouver matière à attaquer nos services.

Dans ce domaine également, une confraternité exemplaire permet de régler entre nous les différends qui peuvent survenir. Il y en aura toujours, c’est inévitable.

Mon expérience locale ces vingt-trois dernières années m’a permis de constater qu’une petite réunion amicale des confrères au moins une fois par an est de nature à resserrer les liens. De plus, avec l’Internet et les listes de diffusion vétérinaires, nous pouvons échanger sur tous les sujets et apprendre à partager nos coups de cœur et nos coups de gueule.

Même si certains critiquent de l’intérieur nos institutions (les critiques sont nécessaires pour construire et parfaire les œuvres humaines), il faut reconnaître qu’il existe une certaine harmonie dans notre profession. Elle doit perdurer. Il est en particulier nécessaire d’éviter une cassure entre les générations ou entre les sous-groupes professionnels (par exemple entre les structures plus importantes et les petits cabinets de quartier).

Nous formons un grand corps, que nous le voulions ou non. Chaque organe, chaque cellule a ses fonctions propres, l’essentiel étant de communiquer pour vibrer ou vivre simplement en harmonie.

Surtout un rapport humain entre collègues

Ma réponse sera celle d’une Normande : parfois oui, parfois non. Quand tout va bien dans une clinique, la confraternité est présente. Lors de mes diverses expériences, je n’ai jamais entendu un vétérinaire dire du mal d’un de ses confrères devant les clients. Moi-même, je ne l’ai jamais fait.

Le rapport qui peut s’instaurer entre un praticien installé et un salarié me semble plus un sujet à problèmes. La confraternité est incompatible avec la relation du type “patron/ employé”. Pourtant, dans certaines cliniques, ce rapport professionnel classique peut exister, se voir et être ressenti, même par les clients. Dans ce cas, les patrons ne soutiennent pas du tout leurs salariés, pourtant vétérinaires.

Quand je suis sortie de l’école, j’ai travaillé dans une clinique où tout allait bien. Toutefois, mes employeurs cherchaient quelqu’un qui faisait plus de rurale que moi. Ils m’ont licencié en quinze jours, en écourtant mon préavis (deux mois à l’origine). Depuis, j’ai eu heureusement d’autres expériences plus positives.

Je pense néanmoins qu’il faudrait améliorer le statut du remplaçant, en faisant jouer un rôle à l’Ordre. Cette notion de confraternité est importante pour moi, car elle influence pour partie le choix de mon travail. L’exercice de notre profession est assez difficile comme cela. L’aspect confraternel est un vrai “plus” : nous avons la possibilité de nous soutenir les uns les autres, professionnellement et personnellement. Il s’agit surtout d’un rapport humain entre collègues, qui peut déborder du cadre du travail à proprement parler.

Plus solide et plus solidaire

Il n’est pas suranné de parler de confraternité à une époque où les conditions d’exercice pourraient la reléguer au second plan.

Le côté “technique” vient d’abord à l’esprit : les confrères se rendent service au niveau du travail. Mais l’aspect humain est tout aussi important. Notre métier n’est pas si facile. Sentir que l’on n’est pas tout seul est un facteur de motivation. J’en ai bénéficié moi-même lorsque j’ai perdu un associé. Cependant, il ne faut pas attendre des épreuves comme celle-là pour donner sans recevoir. La profession en sortira toujours bénéficiaire, plus solide et plus solidaire.