Le pectus excavatum se traite chirurgicalement - La Semaine Vétérinaire n° 1195 du 24/09/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1195 du 24/09/2005

Anomalie de développement de la cage thoracique

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Thomas Perrot*, Bruno Duhautois**

Fonctions :
*interne au service de chirurgie, clinique Saint-Maur à Lille-La Madeleines (Nord)
**diplômé de l'ECVS, praticien au service de chirurgie, clinique Saint-Maur à Lille-La Madeleine (Nord)

En cas de dyspnée ou de troubles cardiaques, la correction doit être envisagée précocement. Elle augmente les chances de succès.

Une chienne shi-tsu non stérilisée âgée de deux mois est référée dans une clinique pour dyspnée, associée à une déformation sternale. Des radiographies de face et de profil du thorax montrent un déplacement de la silhouette cardiaque dans l’hémithorax droit, ainsi qu’une déformation du sternum, incurvé dorsalement (voir photos 1 et 2). Un diagnostic de pectus excavatum est alors posé. L’analyse des paramètres cliniques et radiologiques permet d’envisager sa correction chirurgicale.

La première étape consiste à réaliser un plastron en résine thermoformée

L’anesthésie est réalisée par une prémédication au diazépam (Valium® à 0,02 mg/kg par voie intraveineuse), suivie par une induction au propofol (Rapinovet® à 2 mg/kg par voie intraveineuse). L’animal est ensuite intubé et reçoit de l’halothane comme relais gazeux. Une antibiothérapie préopératoire à base de céfalexine (Rilexine suspension® à 15 mg/kg par voie intramusculaire) est mise en place, ainsi qu’une thérapeutique analgésique combinant de l’acide tolfénamique (Tolfédine® à 4 mg/kg par voie sous-cutanée) et de la morphine (0,25 mg/kg par voie sous-cutanée).

Le traitement chirurgical se déroule en deux étapes. La première consiste à réaliser un plastron en résine thermoformée (voir photo 3). Son moulage est réalisé sur le thorax de l’animal. Il servira de support pour la deuxième partie de l’intervention. Il est ajusté afin d’éviter l’apparition de plaies d’abrasion (notamment sur la face interne des antérieurs). Dans un second temps, des trous sont réalisés régulièrement de part et d’autre de la partie médiale du plastron, à l’aide d’une broche de Kirschner de 2 mm. Des points d’appui sont ensuite passés au travers des vertèbres sternales et serrés sur la résine. Le sternum reprend alors une forme normale.

Dès le réveil de l’animal, les signes cliniques respiratoires disparaissent. La résine est retirée deux semaines après sa mise en place. Le sternum présente alors une forme normale. Des plaies sont observées sur la face sternale ventrale, mais elles cicatrisent à l’aide d’un simple traitement local pendant une semaine. Un nouveau contrôle, réalisé quatre mois après l’intervention chirurgicale, montre que l’état clinique de l’animal est satisfaisant, de même que la forme de son sternum (voir photos 4 et 5).

Le pectus excavatum est une anomalie de conformation du sternum qui se traduit par un amincissement dorso-ventral de la cavité thoracique. La partie caudale du sternum est préférentiellement touchée. Chez le chien, comme chez le chat, c’est une anomalie congénitale qui se diagnostique dans les premières semaines de la vie.

Une origine héréditaire est évoquée, mais n’est toujours pas confirmée

Bien que la cause de cette affection soit encore inconnue, différentes hypothèses sont avancées :

- anomalie de la pression intra-utérine ;

- raccourcissement du tendon central du diaphragme ;

- amincissement du ligament susternal ;

- déficience congénitale de la musculature crâniale du diaphragme ;

- insuffisance de l’ostéogenèse ou de la chondrogenèse ;

- anomalie de gradients de pression respiratoires.

Comme des chiots d’une même portée sont atteints, une origine héréditaire est évoquée, mais sans être confirmée. Les brachycéphales, ainsi que le burmese, semblent être prédisposés (voir bibliographies 1 et 2). En médecine humaine, la transmission par un gène autosomal dominant est identifiée.

Un souffle est parfois associé, réversible après l’intervention chirurgicale

Les signes cliniques habituellement rapportés sont soit alimentaires (perte de poids, retard de croissance, baisse d’appétit, etc.), soit respiratoires (intolérance à l’effort, dyspnée, pneumonies récurrentes, cyanose, toux, etc.). A l’examen physique, la déformation du sternum est aisément visualisée ou palpée. Des anomalies à l’auscultation cardiorespiratoire peuvent être identifiées. Dans certains cas, les souffles cardiaques détectés proviennent seulement de l’anomalie de position du cœur. Ces souffles disparaissent lors du repositionnement du sternum. Cependant, puisque les pectus excavatum sont parfois associés à d’autres anomalies congénitales (notamment cardiaques), une échocardiographie est utile.

Les radiographies de face et de profil du thorax révèlent la diminution du volume de la cage thoracique. La gravité d’un pectus excavatum peut être évaluée de façon objective en utilisant les index fronto-sagittal et vertébral. L’index fronto-sagittal (IFS) est le rapport entre la largeur du thorax au niveau de la 10e vertèbre thoracique et la distance séparant le centre de la surface ventrale de la 10e vertèbre thoracique du point le plus proche sur le sternum. L’index vertébral (IVe) est le rapport entre la distance séparant la surface dorsale de la 10e vertèbre thoracique du sternum et la longueur dorsoventrale de cette même vertèbre ( voir bibliographie 3). Dans notre cas, l’IFS s’élève à 3,75 et l’IVe à 6,28. Dans la classification de Fossum et coll. (voir tableau ci-dessous), c’est un pectus excavatum marqué.

L’examen radiologique permet aussi d’identifier d’éventuelles anomalies cardiaques. Les paramètres cliniques (signes d’insuffisance respiratoire) et radiologiques (index fronto-sagittal et vertébral) permettent de juger de l’indication chirurgicale.

L’instauration d’une anesthésie gazeuse est indispensable

Les principes anesthésiques à appliquer sont ceux de l’anesthésie pédiatrique. Thermorégulation imparfaite, index corporel élevé (chiot ou chaton de petite taille) et réserves lipidiques de faible quantité prédisposent les jeunes animaux à l’hypothermie. L’hypoglycémie et la déshydratation sont deux autres paramètres majeurs à surveiller. Un soin tout particulier doit être apporté au plan de perfusion peropératoire.

L’induction peut être réalisée au masque ou à l’aide d’anesthésiques injectables classiques. L’intubation endotrachéale est impérative. Elle permet de prendre le relais à l’aide d’un anesthésique gazeux, mais surtout de ventiler et d’oxygéner l’animal en cas de complications chirurgicales : pneumothorax, hémorragies ou œdème lors de l’expansion pulmonaire (voir bibliographies 4 et 5).

La résine est laissée en place durant deux semaines environ

Malgré un risque anesthésique certain, les animaux qui présentent des pectus excavatum modérés et marqués doivent être orientés vers un traitement chirurgical. La technique de choix est celle utilisée dans le cas présenté. Il est recommandé d’employer un fil monobrin irrésorbable de large diamètre. Le nombre de sutures est de quatre à six et des résultats positifs sont obtenus en laissant la résine au moins six jours. Une durée maximale de dix-huit jours est rapportée dans la littérature, mais il est conseillé de la laisser environ deux semaines afin d’éviter une surcorrection, voire une récidive.

Une dermatite sous la résine, ainsi que des abcès au point d’entrée des sutures, sont presque systématiquement observés au moment du retrait du matériel. Chez les animaux adultes, dont le sternum n’est plus aussi élastique, la sternectomie partielle est une alternative à envisager. Le pronostic de récupération est bon.

À RETENIR

• Le pectus excavatum est une anomalie de conformation du sternum qui entraîne la réduction du diamètre dorso-ventral de la cavité thoracique.

• Des paramètres cliniques (signes d’insuffisance respiratoire) et radiologiques (index fronto-sagittal et vertébral) permettent de préciser l’indication chirurgicale.

• Le traitement chirurgical, s’il est précoce, donne des résultats satisfaisants. Il consiste à redresser les vertèbres sternales au moyen d’une résine extrathoracique.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1- E.C. Orton : « Thoracic wall », Textbook of Small Animal Surgery, 2003, 3e edition, pp. 378-381.
  • 2- T.W. Fossum : « Surgery of the lower respiratory system : lungs and thoracic wall », Small Animal Surgery, 1997, pp. 667-671.
  • 3- R.J. Boudrieau, T.W. Fossum, S.M. Hartsfield, H.P. Hobson, R.L. Rudy : « Pectus excavatum in dogs and cats », Compend. Cont. Educ. Pract. Vet., 1990, vol. 12, n° 3, pp. 341-354.
  • 4- P.K. Shires, D.R. Waldron, J. Payne : « Pectus excavatum in three kittens », J. Am. Anim. Hosp. Assoc., 1988, vol. 24, pp. 203-208.
  • 5- M.J. Soderstrom, S.D. Gilson, N. Gulbas : « Fatal reexpansion pulmonary edema in a kitten following surgical correction of pectus excavatum », J. Am. Anim. Hosp. Assoc., 1995, vol. 31, pp.133-136.
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