Les voies de transmission de Streptococcus suis à l'homme ne sont pas toutes connues - La Semaine Vétérinaire n° 1193 du 10/09/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1193 du 10/09/2005

Zoonose bactérienne

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Marylène Kobisch*, Nathalie Devos**

Une épidémie humaine due à Streptococcus suis, survenue cet été en Chine, s'est révélée “atypique”. Cet épisode conduit à faire le point sur les connaissances actuelles concernant cette maladie.

La streptococcie à Streptococcus suis (S. suis) est une zoonose ubiquitaire. Elle est présente partout où l'élevage porcin est développé et a notamment été décrite dans de nombreux pays d'Europe occidentale, en Australie, en Amérique du Nord, au Brésil, au Japon ou encore en Chine. Cette zoonose reste qualifiée de relativement rare. Lorsqu'elle se déclare, elle n'affecte que quelques personnes ayant été en contact avec des porcs infectés.

En août dernier, la Chine a officiellement informé l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) de la présence de foyers de Streptococcus suis B (de type 2 selon les autorités) dans plusieurs élevages familiaux de porcs de la province de Sichuan. Dans la même région, ces foyers ont été à l'origine de la contamination de plus de deux cents personnes, dont une quarantaine sont décédées.

Selon les déclarations faites par la Chine à l'OIE, la confirmation des premiers foyers animaux remonte au 25 juillet dernier, mais la date d'apparition des signes cliniques chez les porcs est estimée au 25 juin. Les premiers cas humains ont aussi été rapportés fin juin dans la région. La plupart d'entre eux sont des hommes adultes, exploitants agricoles, qui ont été en contact rapproché avec des porcs malades ou morts. Selon les informations transmises à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les symptômes signalés chez les malades étaient de fortes fièvres, des malaises, des nausées et des vomissements. Ils ont été suivis par une atteinte ménagée, mais aussi des hémorragies sous-cutanées, un choc septique et un coma dans les cas graves. Certains de ces derniers se sont soldés par un dé­cès. Les autorités chinoises soulignent qu'aucune preuve de contamination interhumaine n'a été mise en évidence.

L'épidémie chinoise de streptococcie est atypique, avec 20 % de mortalité humaine

L'ampleur de l'épidémie humaine à Streptococcus suis qui a touché la Chine cet été est supérieure à celle des épidémies précédemment décrites dans le monde, notamment en Chine, d'après certains experts. Ces derniers estiment par ailleurs que la courte durée d'incubation de la maladie, sa rapidité d'évolution (parfois vingt-quatre heures selon des sources locales chinoises), la fréquence des formes graves chez certains patients et différents aspects cliniques apparaissent atypiques. En général, les personnes guérissent après un traitement antibiotique adapté et les cas sont moins nombreux et plus espacés dans le temps que ce qui a été observé en Chine. La mortalité humaine enregistrée dans ce pays durant l'été s'est élevée à près de 20 % des malades. A titre de comparaison, dix années d'expérience (1995-2005) en matière de surveillance à Hong Kong ont montré que le taux de méningites provoquées par S. suis est de 9 %.

La flambée épidémique en Chine retient donc l'attention des experts et des interrogations subsistent face aux faibles données qui émanent des autorités. En effet, en l'absence d'échantillons de la souche incriminée, il est légitime de se demander si le sérotype en cause est bien le 2. Si tel est le cas, le nombre inhabituel de victimes chinoises pourrait-il être la conséquence d'une augmentation de la virulence de la bactérie ? Une deuxième hypothèse serait une association avec un autre agent infectieux. Néanmoins, d'après les Chinois, les analyses virologiques se sont révélées négatives.

Par ailleurs, le nombre de personnes touchées par S. suis en Chine, même s'il est anormalement élevé, s'explique aussi par les conditions d'élevage locales. En effet, comme dans d'autres pays d'Asie, les exploitations sont majoritairement familiales, ce qui entraîne des contacts étroits avec les animaux. Or c'est par un contact direct avec des porcs malades que l'homme peut s'infecter.

La présence de la bactérie chez des porcs cliniquement sains est fréquente

Chez le porc, Streptococcus suis induit des lésions graves (méningites, endocardites, pneumonies, pleurésies accompagnées d'arthrites) pouvant entraîner la mort des animaux. Lorsque l'infection n'est pas fatale, les porcs qui survivent présentent des séquelles pouvant entraîner des saisies partielles de carcasses à l'abattoir.

Les porcs ayant survécu à l'infection continuent d'héberger la bactérie, en particulier au niveau des voies respiratoires supérieures (cavités nasales ou amygdales), et peuvent contaminer leurs congénères au sein de l'élevage. Dans certains cas, ces derniers développent une bactériémie, parfois associée à une septicémie et à une méningite (J.J. Staats et coll., 1997 ; R. Higgins et M. Gottschalk, 1999 ; F. Berthelot-Hérault et coll., 2001 ; C. Marois et coll., 2004 et 2005). La présence de la bactérie chez des porcs cliniquement sains est fréquente et constitue l'un des modes de transmission de S. suis.

Une transmission de la maladie chez le porc en l'absence de contact direct est possible

Le porc, qui peut héberger plusieurs sérotypes, est le principal réservoir de S. suis. La bactérie a toutefois été isolée chez d'autres mammifères et chez des oiseaux.

La contamination de porc à porc a souvent lieu en élevage par voie cutanée, lors de blessures (castration, morsures, etc.). Les travaux de F. Berthelot-Hérault et de son équipe (2001) montrent que la transmission de la bactérie de porcs expérimentalement infectés à des congénères sains, au sein d'une même animalerie, est possible en l'absence de contact direct.

Les jeunes porcelets et les porcs en engraissement peuvent être touchés

L'infection concerne surtout les jeunes porcelets âgés de six à dix semaines. Toutefois, les porcs en engraissement peuvent aussi manifester la maladie dans une moindre mesure (R. Higgins et M. Gottschalk, 1999). La contamination peut avoir lieu dès la naissance, la truie infectant les porcelets au moment de la mise bas (J.J. Staats et coll., 1997 ; R. Higgins et M. Gottschalk, 1999 ; G. Cloutier et coll., 2003). Les mauvaises conditions d'élevage, le stress et la présence d'autres agents infectieux peuvent augmenter les taux de morbidité et de mortalité des animaux. L'aliment distribué pourrait également être impliqué dans la transmission de S. suis (S.D. Drum et coll., 1998).

Les signes cliniques peuvent varier selon la souche bactérienne et l'élevage. Il existe des formes suraiguës pour lesquelles les animaux ne présentent aucun signe prémonitoire. La forme la plus courante est aiguë, avec des signes de méningite : incoordination, paralysie, tremblements et convulsions conduisant souvent à la mort (M. Gottschalk et coll., 2001). D'autres affections sont observées, comme des arthrites (surtout chez les jeunes animaux), des endocardites (essentiellement chez les porcs à l'engrais) et des polysérites.

Les études menées dans le cadre du réseau de surveillance de l'antibiorésistance chez les bactéries pathogènes d'origine animale (Resapath, J. Marie et coll., 2002 ; E. Jouy et coll., 2002, 2003, 2004) montrent que la majorité des souches de S. suis analysées sont sensibles aux b-lactamines, mais que 80 % et 70 % d'entre elles sont respectivement résistantes aux tétracyclines et à la famille des macrolides/lincosamides.

Chez l'homme, les séquelles de la contamination ne sont pas rares

S. suis est une bactérie zoonotique susceptible d'engendrer une méningite chez l'homme, parfois accompagnée d'un choc septique. D'autres affections peuvent aussi être observées : endocardites, pneumonies, uvéites, arthrites et diar­rhées accompagnant le choc septique. Le patient peut ne pas survivre à l'infection. L'utilisation d'un antibiotique adapté, généralement une blactamine, empêche le décès, mais les séquelles ne sont pas rares (surdité, cécité, défaut de l'équilibre). L'émergence d'une résistance aux blactamines aurait des conséquences dramatiques pour le traitement de cette infection, inscrite au tableau 2 des maladies professionnelles. Les risques majeurs concernent les intervenants de la filière porcine (vétérinaires, éleveurs, bouchers, personnels d'abattoirs, etc.).

Dans certains cas, la présence de lésions cutanées chez l'homme est associée à la transmission de la bactérie par un animal ou de la viande contaminée. Les voies d'infection ne sont pas toutes connues. Les risques de contamination existent aussi chez les chasseurs de sangliers (F. Durand et coll., 2001 ; S. Pedroli et coll., 2003 ; T. Bensaid et coll. 2003). Plusieurs cas sont rapportés en France et correspondent aux décès décrits au cours des dernières années (F. Durand et coll., 2001 ; S. Pedroli et coll., 2003). Cependant, tous les cas de contamination humaine ne sont pas signalés. La transmission interhumaine de la bactérie n'a pas été décrite.

  • • E. Jouy, I. Kempf, A.V. Gautier-Bouchardon, M. Kobisch, rapports techniques annuels du Resapath filières avicole et porcine, 2002, 2003 et 2004.
  • • C. Marois, S. Bougeard, M. Gottschalk, M. Kobisch, J. Clin. Microbiol., 2004, n° 42, pp. 3169-3175.
  • • C. Marois, L. Le Devendec, M. Gottschalk, M. Kobisch, 2005. Proceedings des Journées de la recherche porcine en France, 2005, n° 37, pp. 333-340.
  • • S. Pedroli, M. Kobisch, O. Beauchet, J.-P. Chaussinand, F. Lucht, Presse Med., 2003, n° 32, pp. 599-601.
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