Comment envisagez-vous l'exercice rural dans les prochaines années ? - La Semaine Vétérinaire n° 1193 du 10/09/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1193 du 10/09/2005

Entre nous

FORUM

La pénurie de confrères risque de s'aggraver

Murielle Vabret, praticienne à Sainte-Geneviève-sur-Argence (Aveyron).

La rurale représente plus de 80 %de mon activité. J'exerce dans une zone riche en élevages bovins allaitants. Je ne pressens pas une trop grande évolution agricole dans les prochaines années. Mon inquiétude porte principalement sur un manque d'effectifs vétérinaires. Je travaille actuellement avec un associé et trois salariés vétérinaires. Souvent, ces derniers sortent quasiment de l'école lorsque nous les embauchons. Mais généralement, une fois formés, ils ne veulent pas rester, à cause du travail, de l'isolement géographique et culturel.

Dans notre secteur, certains confrères vont prochainement partir à la retraite et ils ne trouveront peut-être pas de repreneurs.

Des fusions ont déjà eu lieu entre clientèles pour pallierces départs. Mais là, les difficultés géographiques et climatiques sont un facteur limitant. Nous ne pourrons pas agrandir notre secteur d'activité indéfiniment. Pourtant, je pense que la fusionentre clientèles est indispensable. Elle nous permet de développer de nouveaux services, de nous spécialiser et de nous former. Actuellement, par exemple, nous ne parvenons pas à développer le conseil en élevage. Nous y croyons, mais nous n'avons que peu de temps à y consacrer et restons donc cantonnés à la médecine courante et aux urgences. Pourtant, bien des créneaux motivants restent à développer au sein même des filières de productions animales. L'avenir de la rurale ne passe pas systématiquementpar le développement de l'activité canine ! Mais il faut trouverdes solutions pour que des jeunes s'installent dans nos régionset se passionnent pour notre activité.

Echangeons et agissons !

Stéphane Daval, praticien aux Lucs-sur-Boulogne (Vendée).

Le constat général a déjà été fait : baisse du nombre des élevages, professionnalisation accentuée des éleveurs, diminution des actes de médecine traditionnelle et du revenu lié au médicament.

La réflexion sur notre activité rurale a été “sclérosée”par l'attente de l'appel du client, l'absence de prospection,la course après le temps, etc. Notre avenir paraît cependant dégagé si nous voulons bien prendre les virages qui s'imposent.

Maintenons la médecine traditionnelle, car elle est une porte d'entrée sans égal au sein des élevages, en évitant sa banalisation par sa professionnalisation accentuée. Vendons mieux les services pour lesquels nous sommes performants et faisons appel à des référents pour les autres. Réalisons des actions ponctuelles et ciblées de façon à ne pas nous essouffler.

Enfin, créons de nouveaux services : approche globale des problèmes sanitaires, utilisation d'outils spécifiques (Vet'élevage, système HACCP pour la maîtrise de la douve, etc.). Force est de constater que peu de vétérinaires ont franchi le cap.

La construction de notre avenir de praticien rural passe nécessairement par une mutation organisée de nos structures. Elaborons notre projet d'entreprise. Posons-nous les bonnes questions : où en sommes-nous ? Que faisons-nous de notre entreprise ? Quels sont les besoins de nos clients ? Que peut-on leur apporter ? Doit-on se regrouper ? Comment devons-nous prospecter ?, etc. Grâce à une réflexion bien menée, la mutation de nos entreprises associée à l'amélioration de leur rentabilité sera possible.

Echangeons et agissons !

Je suis raisonnablement optimiste pour l'avenir

Jean-Yves Roux, praticien à Pont-de-Vaux (Ain).

Le monde rural montre une diversité importante et est en profonde mutation. Il en est de même pour la pratique vétérinaire rurale. Dans les régions d'élevage, par exemple dans la plaine de Bresse, l'avenir passe par une réorientation vers des interventions de prévention et d'anticipation des problèmes sanitaires. La proposition de visite ponctuelle ou de suivi régulier des troupeaux reçoit un écho relativement favorable et semble correspondre aux besoins actuels des éleveurs.

Cela implique un investissement non négligeable en temps (formation, réalisation de visites d'audit ou de conseil, rédaction des comptes rendus, etc.). Cela ne peut se faire que si les visites du quotidien sont réalisées avec le plus grand soin (éventuellement par des salariés ou des collaborateurs libéraux) afin d'établir un climat de confiance avec l'éleveur. Elles sontdes portes d'entrée incontournables à la mise en place de visites d'audit.

La réalisation de visites d'élevage implique aussi de maîtriserl'ensemble des facteurs de risque de l'exploitation, notammentl'alimentation et la nutrition oligo-minérale, le parasitisme, les conditions d'élevage, etc. Les vétérinaires sont certainement les mieux placés parmi les intervenants de l'élevage pour réaliser la synthèse entre la maladie observée, les résultats de production, de reproduction et la conduite alimentaire. Avec un investissement suffisant dans l'appréhension et la gestion de l'alimentation, le vétérinaire a toutes les chances de devenir un intervenant majeur et incontournable de l'élevage, ce qui permet d'être raisonnablement optimiste quant à l'avenir des praticiens ruraux, sous réserve qu'ils sachent s'adapter à la mutation du monde de l'élevage.

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