Les doses requises chez les fauves sont inférieures à celles destinées aux félins domestiques - La Semaine Vétérinaire n° 1192 du 03/09/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1192 du 03/09/2005

Anesthésie des félins sauvages

Formation continue

Faune sauvage

Auteur(s) : Norin Chai

Dans la plupart des cas, l’immobilisation des moyens et des grands félins sauvages s’effectue par voie chimique. Une contention mécanique n’est envisageable que pour les espèces de petite taille.

Les félins de grande taille comme le tigre (Panthera tigris) et le lion (Panthera leo) sont à mettre à la diète pendant au moins vingt-quatre à quarante-huit heures avant l’anesthésie. Une diète de vingt-quatre heures est généralement suffisante pour les animaux de taille moyenne comme le léopard (Panthera pardus), douze heures pour des espèces plus petites. L’eau de boisson est aussi à retirer pendant les douze heures qui précèdent l’anesthésie, sauf si une déshydratation est suspectée.

Le site choisi pour placer l’animal doit être calme, chaud et sûr. Le bruit entraîne un stress inutile et peut diminuer la profondeur de l’endormissement. Si la phase d’induction se déroule en plein air, la météo est à prendre en considération. Il convient de drainer les flaques d’eau et de pallier le risque de chute si l’animal se réfugie dans un arbre. De même, la possibilité qu’il se cache hors de portée d’une flèche est à éliminer. Pour le transport de l’animal endormi, un brancard solide permet de déplacer les individus de grande taille. Il est également possible d’utiliser des filets. Si la distance à parcourir est grande, il est plus prudent de recourir à une cage.

L’association de kétamine et de médétomidine est bien adaptée aux fauves

Pour les grands félins, l’association de kétamine et de médétomidine produit une anesthésie sûre et efficace, avec peu d’effets secondaires. Chez les animaux excités ou agressifs, les doses sont à augmenter. Les convulsions, rares avec cette association, ont toutefois été décrites chez des lions lors de l’induction.

La relaxation des muscles squelettiques est bonne, les réflexes pharyngé et laryngé sont partiellement conservés. L’hypersalivation est d’autant moins observée que la dose de kétamine est faible. Un ralentissement de la fréquence cardiaque, après une période stable d’anesthésie, peut indiquer le début du réveil, en raison des effets de la kétamine qui disparaissent et laissent la place à la bradycardie induite par la médétomidine.

Chez les grands fauves, les posologies requises sont inférieures à celles utilisées pour les félins domestiques. Les félins de taille moyenne ou grande, y compris le guépard, peuvent être anesthésiés avec 2 à 4 mg/kg de kétamine et 2 à 3 mg/kg de xylazine. Les tigres nécessitent des doses moins importantes de xylazine. Chez cette espèce, l’association de 5 mg/kg de kétamine et de 0,3 mg/kg de xylazine est suffi-sante pour des procédures simples. La xylazine seule, à des doses de 1 à 3 mg/kg, peut immobiliser des félins avec néanmoins le risque d’un réveil rapide dû à un stimulus auditif, visuel ou physique.

Pour une simple contention et des procédures mineures, de faibles doses de tilétamine/zolazépam peuvent être utilisées. L’éventail des posologies indiquées dans la littérature reflète la grande marge de sécurité des composants. L’injection intramusculaire entraîne une immobilisation rapide et calme. Le principal inconvénient apparaît lors du réveil, qui peut parfois être violent ou long. En outre, des cas mortels sont décrits chez le tigre (voir bibliographie 1).

Une induction de 5 à 10 minutes pour une anesthésie de 15 à 20 minutes

D’une façon générale, il est préférable de surestimer le poids des félins sauvages pour le calcul de la dose anesthésique. Cela permet d’éviter une immobilisation incomplète. Avec ces posologies, le temps moyen d’induction est de cinq à dix minutes pour une durée d’endormissement de quinze à vingt minutes.

Si possible, il est préférable de tirer la flèche anesthésique sur un animal debout et immobile. En effet, les plis de peau lâches, présents lorsqu’il est assis ou couché, risquent d’absorber la force d’impact des flèches. Cela peut induire une administration sous-cutanée ou même une absence totale de pénétration de l’aiguille dans la peau. Lors de suspicion de fléchage incorrect, il est conseillé d’attendre vingt minutes avant l’administration d’une dose supplémentaire.

Si une anesthésie gazeuse est impossible, la kétamine est la molécule la plus sûre pour pousser l’anesthésie, dans la plupart des cas (1,5 mg/kg par voie intraveineuse, dans la perfusion, ou 2 mg/kg en intramusculaire). Il ne faut jamais pousser l’anesthésie avec de la xylazine ou de la médétomidine seule, mais toujours les associer avec de la kétamine. En outre, le Zoletil® est à proscrire chez les tigres et les jaguars.

La fréquence cardiaque traduit la profondeur de l’endormissement

Comme chez les carnivores domestiques, les paramètres à surveiller sont la fréquence respiratoire, l’amplitude de la respiration, la couleur des muqueuses, le temps de remplissage capillaire, la fréquence et le rythme cardiaques. Le pouls périphérique peut être apprécié chez la plupart des individus au niveau de l’artère linguale ou métatarsienne dorsale. L’artère fémorale, facilement palpable, est idéale pour contrôler la force et la fréquence du pouls.

Les félins de grande taille ont une fréquence cardiaque d’environ 40 à 50 bpm. Une fréquence respiratoire inférieure à dix inspirations par minute doit alerter l’anesthésiste. La fréquence cardiaque tend à augmenter lorsque la profondeur de l’anesthésie diminue ; cette hausse est l’un des signes de réveil les plus précoces. Cependant, lors de l’utilisation de la combi-naison médétomidine/kétamine, l’inverse est vrai, étant donné que les effets de la médétomidine persistent plus longtemps que ceux de la kétamine. Bien que de nombreuses autres causes puissent entraîner un ralentissement de la fréquence cardiaque, il convient de garder en mémoire qu’un ralentissement peut être le signe d’un réveil imminent lors de l’emploi de cette association. Chez les animaux de taille moyenne ou grande, cet effet survient trente à soixante minutes après l’induction. Le temps de remplissage capillaire est habituellement compris entre deux et trois secondes. En pratique, sauf lors de l’utilisation d’a2 agonistes, la cyanose des muqueuses est rarement observée pendant l’anesthésie. Les fréquences cardiaque et respiratoire sont à surveiller toutes les cinq minutes.

Il faut penser à éviter le dessèchement des cornées, à l’aide d’Ocrygel® ou à défaut d’un torchon humide placé sur les yeux.

La période de réveil est généralement plus longue chez les grands félins. Il s’agit d’une phase critique à surveiller. Les animaux doivent pouvoir se réveiller dans un endroit calme, peu éclairé et sûr. En captivité, l’accès aux plates-formes et autres structures situées en hauteur doit être supprimé avant le réveil complet. Une tanière interne vide convient parfaitement. En milieu naturel, mieux vaut limiter l’accès aux plans d’eau ou aux terrains en pente. Si possible, les animaux sont à placer et à surveiller dans une grande cage ou dans une aire restreinte, au moins jusqu’à ce qu’ils soient capables de se maintenir en décubitus sternal.

BIBLIOGRAPHIE

  • D. Armstrong : « Adverse reactions to telazol in tigers », 1990, Tiger Beat, vol. 3, p. 11.
  • W.J. Boever, J. Holden et K.K. Kane : « Use of telazol for chemical restraint and anesthesia in wild and exotic carnivores », Vet. Med./Small Animal Clinician, 1977, pp. 1722-1725.
  • N. Chai : Félidés. In : Capture et anesthésie des animaux sauvages et exotiques, 2005, eds Yaboumba, 160 p.
  • P.J. Morris : « Chemical immobilization of felids, ursids and small ungulates », Vet. Clin. North Am. (Exotic. Anim. Pract.), 2001, vol. 4, n° 1, pp. 267-298.
  • L. Nielsen : Species specific recommandation, birds. In : Chemical immobilisation of wild and exotic animals, eds L. Nielsen, Iowa state press, 1999, pp. 275-279.
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