Les inflammations intestinales chroniques - Ma revue n° 99 du 12/06/2016 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 99 du 12/06/2016

MÉDECINE CANINE ET FÉLINE

FORMATION

Auteur(s) : ÉLODIE GOFFART 

Parmi les entéropathies chroniques, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin se caractérisent par une diarrhée persistante, sans cause sous-jacente. Leur prise en charge combine alimentation diététique et corticothérapie au long cours, entre autres.

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont la première cause de troubles digestifs chroniques chez les carnivores domestiques. Elles regroupent de nombreuses pathologies. Comparées à leur équivalent chez l’homme, ces maladies sont décrites depuis environ 20 ans chez le chien et le chat, et sont de mieux en mieux connues à mesure que progresse la médicalisation des animaux de compagnie, ainsi que la généralisation de certains examens complémentaires comme l’endoscopie.

Les Mici

L’acronyme Mici, pour maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, est emprunté à la médecine humaine. Il désigne chez le chien ou le chat un groupe d’affections idiopathiques (sans cause sous-jacente) du tractus digestif se traduisant par des signes cliniques peu spécifiques (en particulier des diarrhées), associés à une infiltration inflammatoire de la muqueuse digestive (encadré p. 11).

Les Mici font partie des entéropathies chroniques. En effet, celles-ci sont actuellement classées en trois groupes, selon leur réponse aux traitements : changement alimentaire, antibiotiques ou immunosuppresseurs. Les entéropathies chroniques répondant aux immunosuppresseurs et sans perte de protéines sont les Mici proprement dites. Avec perte de protéines, on parle d’entéropathie exsudative (encadré p. 12).

Un désordre immunitaire

Les Mici sont provoquées par l’intervention d’un mécanisme immunitaire, c’est-à-dire une réaction d’hypersensibilité à des antigènes locaux d’origine alimentaire, bactériens ou parasitaires. Elles sont caractérisées par une infiltration de la paroi intestinale (de manière locale ou plus généralisée) par différentes cellules inflammatoires (globules blancs). Cette infiltration anormale perturbe le fonctionnement du système digestif, provoquant des troubles variés dont la composante principale est la diarrhée. L’hypothèse d’une Mici est évoquée lorsque ceux-ci persistent plus de 3 semaines.

Il n’existe pas de prédisposition sexuelle reconnue pour les Mici. Et toutes les tranches d’âge peuvent être représentées, chez le chien comme chez le chat.

Diarrhée et vomissements intermittents

Les manifestations cliniques des Mici sont caractérisées par un tableau clinique à prédominance digestive : diarrhée, vomissements chroniques ou intermittents (surtout chez le chat), altération de l’appétit, répercussions inconstantes sur l’état général. Ces signes cliniques peuvent évoluer sur une très longue période (plusieurs semaines, généralement plusieurs mois, voire des années).

Les vomissements sont le plus souvent des remontées de suc gastrique à distance des repas et le matin à jeun. Les vomissements alimentaires sont rares.

La diarrhée témoigne soit de lésions situées sur les segments de l’intestin grêle (diarrhée profuse, très liquide, l’animal pouvant être amaigri), soit d’une atteinte colique (ténesme, glaires et/ou sang, gangue de mucus enrobant les selles et faible atteinte de l’état général).

Des signes cliniques très atypiques sont parfois rapportés par les propriétaires : ingestion d’herbe, bâillements, léchage du sol, pica (consommation d’éléments non comestibles comme de la terre ou du plastique), coprophagie après un amaigrissement marqué, position du chien “prieur” (prosterné, le train arrière levé), voire modification de l’expression.

Éliminer les autres causes possibles

L’établissement du diagnostic de Mici n’est pas simple. Il est important de vérifier qu’il n’existe pas d’autres causes d’inflammation digestive : corps étrangers, tumeurs, parasitisme intestinal, causes extradigestives. D’autres maladies peuvent aussi être à l’origine des troubles, notamment l’hyperthyroïdie (chez le chat), les affections biliaires et hépatiques, l’insuffisance rénale chronique, les atteintes pancréatiques, l’insuffisance pancréatique exocrine. Chez le chat, l’hypothèse d’un lymphome digestif doit également être envisagée et un test de dépistage de la leucose effectué.

La première approche diagnostique pourra donc mettre en œuvre une série d’analyses biochimiques et hématologiques. La radiographie sans préparation en première intention est, la plupart du temps, de peu d’aide. Un transit baryté peut éventuellement mettre en évidence un épaississement de la muqueuse des anses digestives. Il est possible de réaliser une échographie, mais elle est souvent décevante car elle permet rarement de confirmer le diagnostic.

Le diagnostic de certitude de ces maladies repose sur l’histologie (observation au microscope d’un prélèvement de paroi intestinale). Pour cela, de nombreuses biopsies de l’ensemble du tractus digestif sont effectuées, par chirurgie (dite exploratrice) ou par fibroscopie (endoscopie haute et basse). Leur analyse montre une infiltration de la muqueuse par des cellules inflammatoires (lymphocytes, plasmocytes, éosinophiles, macrophages, neutrophiles), caractéristique de la maladie.

Diagnostic thérapeutique

En pratique, un traitement diététique, antibiotique et antiparasitaire est généralement instauré en première intention. Son inefficacité va permettre de renforcer la suspicion de Mici.

Le traitement antiparasitaire assure l’élimination de toute parasitose digestive passée inaperçue. Un vermifuge classique contre les vers ronds et les vers plats est souvent prescrit, complété par un traitement actif contre d’autres familles de parasites digestifs du chien et du chat (Tritrichomonas, Giardia).

Même si la cause des Mici n’est pas infectieuse, le traitement antibiotique permet d’assainir la flore microbienne du tractus digestif. Un traitement à base de métronidazole est souvent prescrit en première intention, pendant plusieurs semaines, chez le chien comme chez le chat. Une rechute peut être observée à l’arrêt du traitement, imposant de prolonger l’antibiothérapie au long cours.

Thérapeutique diététique

Un changement de régime alimentaire est également considéré comme un élément important de la prise en charge médicale des Mici. L’effet bénéfique de l’alimentation dans la gestion à long terme des entéropathies chroniques a été démontré chez le chat. L’aliment recommandé peut être hyperdigestible ou hypoallergénique. Le choix dépend des habitudes alimentaires actuelles et passées de l’animal, et de la préférence du propriétaire : ration ménagère ou produit du commerce.

Si une ration ménagère est choisie, elle ne doit contenir qu’une seule source de protéines, qui plus est à laquelle l’animal n’a jamais été exposé (protéines dites naïves). C’est pourquoi la viande de cheval est souvent proposée dans cet objectif. Le site internet Cuisine-a-crocs.com apporte des conseils pratiques pour l’élaboration de rations ménagères. Celles-ci sont mises au point par une vétérinaire nutritionniste et parfaitement équilibrées.

Si un produit du commerce est préféré, il convient de choisir un aliment dont la composition ne comprend qu’une seule source de protéines naïves ou des hydrolysats de protéines. La plupart des fabricants d’aliments vendus chez les vétérinaires en proposent dans leurs gammes ; ils sont très bien conçus et très utiles dans la gestion des Mici.

Lors d’atteinte inflammatoire spécifique du côlon, une alimentation riche en fibres peut se révéler bénéfique et montre souvent son efficacité.

Quelle que soit l’alimentation choisie, la transition alimentaire doit être réalisée correctement sur 4 à 7 jours, avec de petits, mais nombreux repas. Tous les extras (restes de table, friandises, lamelles antitartres, etc.) sont provisoirement interdits. Il est habituellement nécessaire d’attendre 2 à 4 semaines pour voir l’effet de ce changement.

Le recours aux immunosuppresseurs

La corticothérapie (prednisolone ou prednisone) à fort dosage pour un effet immunosuppresseur est le traitement recommandé en première intention. Son recours entraîne la régression des signes cliniques, mais sans amélioration à l’histologie (si des biopsies de contrôle sont effectuées). Cela permet donc non de guérir mais de contrôler la maladie. Une dose immunosuppressive est préconisée pendant plusieurs semaines, avant d’essayer de la diminuer sur plusieurs mois. Il est souvent impossible d’arrêter définitivement le traitement : une dose faible 1 jour sur 2 est généralement la solution à long terme.

Les effets secondaires des corticoïdes (polyuropolydipsie, polyphagie, faiblesse musculaire, distension abdominale, polypnée) constituent un inconvénient majeur de leur emploi au long cours, surtout chez le chien. Chez le chat, l’administration de glucocorticoïdes retard sous forme injectable peut constituer une alternative en cas de difficultés d’observance par le propriétaire.

Des essais sont en cours pour l’utilisation du budésonide (glucocorticoïde à forte activité topique, avec des effets systémiques limités) dans l’indication des Mici. Cette molécule semble prometteuse, mais les données disponibles sont actuellement insuffisantes. L’efficacité de la ciclosporine est aussi en cours d’évaluation pour le traitement des Mici chez le chien. Des résultats satisfaisants semblent rapportés, mais le frein principal à l’utilisation de cette molécule est son coût.

Le chlorambucil par voie orale est recommandé chez le chat, en association ou non avec la corticothérapie. L’utilisation de l’azathioprine est également citée chez les chiens atteints de Mici lors d’absence de réponse à la corticothérapie ou d’effets secondaires gênants des glucocorticoïdes.

Supplémentation en vitamine

Une hypocobalaminémie est fréquemment rencontrée chez le chien et surtout chez le chat atteint de Mici. Une supplémentation en vitamine B12 par voie injectable est alors indiquée, chaque semaine pendant 4 semaines, puis tous les mois pendant 3 mois. Un contrôle de la cobalaminémie doit être réalisé 1 mois après la dernière injection.

Demain les cellules souches ?

Les cellules souches semblent améliorer la cicatrisation ou favoriser l’intégrité de la muqueuse intestinale. C’est pourquoi des études sont en cours pour évaluer leur intérêt dans le traitement des Mici. Cette voie semble intéressante, mais de plus amples investigations sont nécessaires.

Motivation et accompagnement du propriétaire

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont des affections dont la gestion au long cours peut se révéler lourde, contraignante et fatigante pour le propriétaire. Ce dernier peut se décourager, avoir l’impression de ne jamais pouvoir entrevoir la guérison. En effet, comme dans les maladies équivalentes chez l’homme, ces pathologies ne se guérissent pas : elles se gèrent. La participation et la motivation du propriétaire doivent être entretenues par l’équipe soignante qui s’attache à mettre en évidence l’amélioration de la santé et de la qualité de vie de l’animal, ainsi que la prolongation de son espérance de vie.

ANATOMIE DU TRACTUS DIGESTIF

Le tractus digestif des chiens et des chats commence par l’œsophage, qui atterrit dans l’estomac. Suit l’intestin, qui est composé du petit intestin (ou intestin grêle) et du gros intestin, qui se termine par le côlon et, enfin, le rectum. Les fonctions de cet organe sont essentiellement de digérer et d’absorber les nutriments contenus dans l’alimentation. Le système gastro-intestinal présente l’écosystème le plus compliqué de l’organisme, avec une microflore bactérienne très riche.
Dans son ensemble, l’intestin est composé de quatre couches : une muqueuse (barrière entre l’extérieur et l’organisme), une sous-muqueuse (siège des vaisseaux et des nerfs), des couches musculeuses circulaires et longitudinales (qui permettent la progression du bol alimentaire) et une séreuse.

LES AUTRES ENTÉROPATHIES CHRONIQUES


•Les entéropathies répondant à un changement alimentaire
Une intolérance ou une allergie alimentaire est à l’origine de cette forme d’entéropathies chroniques. Il est à noter qu’un animal peut devenir allergique à un composé de son alimentation, alors qu’il bénéficie de ce régime (même marque d’aliment, même goût) depuis plusieurs années.
Le traitement consiste en l’administration d’une alimentation hypoallergénique. Le pronostic est favorable, les récidives étant rares.


•Les entéropathies répondant aux antibiotiques
Ces entéropathies se manifestent par une diarrhée qui rétrocède aux antibiotiques. Le diagnostic est établi par la mise en évidence d’une altération de la flore bactérienne, après un prélèvement et une mise en culture de la flore intestinale de l’intestin grêle ou la mise en évidence d’une hyperfolatémie (augmentation des folates dans le sang) et/ou d’une hypocobalaminémie (diminution de la vitamine B12 circulante).
L’administration d’antibiotiques (métronidazole, tylosine ou tétracycline) pendant plusieurs semaines permet généralement de faire disparaître les symptômes, avec un pronostic favorable.
Le berger allemand est fortement prédisposé à ces entéropathies. Une autre race, le boxer, est également victime d’une pathologie semblable. Autrefois appelée colite histiocytaire du boxer, elle se manifeste par la présence de bactéries pathogènes (Escherichia coli) dans la muqueuse de ces chiens ; un traitement à base d’enrofloxacine est alors instauré.Le bouledogue français peut également être atteint.


•Les entéropathies exsudatives
Ces entéropathies sont caractérisées par une perte de protéines au regard de l’intestin grêle. L’hypoalbuminémie associée (diminution des albumines dans le sang) permet souvent le diagnostic, même en l’absence de troubles digestifs. Ces maladies ont toujours une cause sous-jacente, qui doit être décelée. Elles sont malheureusement de moins bon pronostic que les Mici classiques.
Le yorkshire terrier et le rottweiler sont des races prédisposées.

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