La polykystose rénale du chat - Ma revue n° 1662 du 01/02/2016 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 1662 du 01/02/2016

MÉDECINE FÉLINE

Formation

Auteur(s) : Élodie Goffart

Fonctions : Docteur vétérinaire,
praticienne dans l’Essonne

La polykystose rénale est la maladie génétique féline la plus fréquente. Elle est d’évolution progressive. Sa transmission héréditaire et l’absence de traitement justifient un dépistage précoce dans les races concernées.

La polykystose rénale du chat ou polykystic kidney disease (PKD), en anglais, est une maladie génétique. Véritable catastrophe si elle survient en élevage, son diagnostic chez le chat d’un particulier est toujours une très mauvaise nouvelle, car l’espérance de vie de l’animal est alors réduite.

Quelques races touchées

La polykystose rénale n’atteint que certaines races de chat. C’est la maladie génétique féline la plus fréquente sur tous les continents (encadré 1). Historiquement connue par les vétérinaires chez le persan, elle a été remise sur le devant de la scène par la mode récente des nouvelles races félines (comme le maine coon ou le ragdoll).

La PKD touche environ 38 % des persans dans le monde. Mais elle se rencontre également dans les races apparentées (exotic shorthair, himalayen, british shorthair) et chez d’autres qui ont reçu du sang persan, comme le maine coon et le domestic shorthair.

Une maladie héréditaire

La PKD est une maladie génétique héréditaire (encadré 2). Son mode de transmission est autosomique dominant. Tout animal possède deux copies du gène qui peut porter l’affection. Si le chat est homozygote normal (deux gènes normaux), il n’est pas malade et ne transmet pas l’affection à sa descendance. Mais s’il est hétérozygote (un gène normal et un gène muté), il présente une chance sur deux de transmettre la maladie à ses petits.

Il n’existe pas de chat homozygote muté (deux gènes anormaux), car cette condition génétique n’est pas viable.

La proportion de félins atteints dans une portée varie en fonction du statut des reproducteurs :

– un croisement entre deux chats sains donne 100 % de chatons sains qui ne transmettront pas la maladie ;

– un croisement entre un chat atteint et un chat sain procure 50 % de chatons sains et 50 % de malades ;

– un croisement entre deux chats atteints donne 33 % de chatons sains et 67 % de malades.

Une évolution lente

La PKD est une maladie du rein. Les chatons atteints de cette défaillance génétique ne présentent pas de symptômes à la naissance, même si des kystes rénaux de très petite taille sont parfois déjà observés (à l’échographie). Les signes cliniques apparaissent progressivement, entre 3 et 10 ans en moyenne.

L’affection est généralement bilatérale, mais il arrive qu’un seul rein soit touché. Au début de l’évolution, les reins sont hypertrophiés et conservent un contour lisse. Puis ils deviennent bosselés, irréguliers, et sont très souvent marqués par des foyers fibreux. Les kystes envahissent peu à peu le parenchyme rénal (cortex et médulla) en le détruisant.

Lorsqu’ils ne sont pas vides, ces kystes contiennent typiquement un liquide séreux jaune clair. Il est parfois possible de recueillir une substance séro-hémorragique ou trouble, de la fibrine et même du pus lorsqu’ils sont infectés. En revanche, aucune autre lésion n’est habituellement détectée au niveau des uretères, de la vessie ou de l’urètre. Chez certains animaux, des kystes sur le foie sont présents, mais cette atteinte hépatique n’est pas systématique.

Pour un chaton génétiquement atteint, il est impossible de prévoir la date de déclenchement de la maladie rénale, ni sa progression, ni l’espérance de vie de l’animal. Ces éléments vont dépendre de facteurs environnementaux et individuels. L’évolution de l’affection est fonction du degré de dégradation des reins, selon le nombre et la taille des kystes rénaux. Le pronostic semble toutefois plus sombre lors de détection chez de très jeunes chats, qui meurent généralement dans les semaines qui suivent le diagnostic. Si celui-ci est établi chez un animal plus âgé (entre 8 et 11 ans), quelques années de vie peuvent être espérées.

Des signes cliniques non spécifiques

Les symptômes sont ceux d’une insuffisance rénale chronique, tels qu’une polyuro-polydipsie (PUPD), une anorexie, une déshydratation, un poil terne, une perte de poids, des nausées et une mauvaise odeur buccale.

À l’examen clinique, la palpation de reins irréguliers et de taille augmentée est un signe évocateur de la maladie. L’abdomen des chatons atteints peut alors être fortement distendu. Le diagnostic différentiel d’une telle hypertrophie rénale inclut de nombreuses affections : une hydronéphrose (présence de liquide dans le tissu rénal), une tumeur (lymphome), une infection (pyélonéphrite, abcès, néphrite granulomateuse due au virus de la péritonite infectieuse féline), une inflammation (vasculite, néphrite chronique, néphrite interstitielle aiguë), une nécrose tubulaire, une amyloïdose, des hématomes, des pseudokystes, des kystes congénitaux… et, bien sûr, une maladie polykystique des reins.

Échographie ou test génétique pour dépister la PKD

Le diagnostic peut être établi de trois façons différentes : à la radiographie, à l’échographie ou par des tests génétiques.

Dans les stades débutants de la maladie, l’apparence radiographique des reins est le plus souvent normale, étant donné la petite taille des kystes. En revanche, lorsque ceux-ci grossissent, il devient possible d’observer des reins de taille augmentée, à contour irrégulier, ainsi qu’un déplacement ventral des viscères abdominaux. Dans de rares cas, une calcification dystrophique du parenchyme rénal est aussi détectable. Néanmoins, cette technique d’imagerie, même si elle est disponible facilement chez les vétérinaires, ne permet pas d’établir un diagnostic de certitude, car de telles descriptions sont aussi rencontrées dans d’autres affections.

La réalisation précoce d’une échographie abdominale, autour de l’âge de 1 an pour les races à risque, permet de déceler la présence de kystes dans les reins. Cet examen est fiable dans la mesure où environ 95 % des chats atteints de PKD présenteraient des kystes visibles à l’échographie. Les animaux sont placés sur le dos ou sur le côté de telle sorte que l’examinateur puisse accéder aux faces ventrale et latérale de l’abdomen, en arrière de l’hypochondre. Chacun des reins est ensuite examiné dans son ensemble, par un balayage systématique suivant les axes longitudinaux, sagittaux et transversaux. L’échographie abdominale est de réalisation facile et rapide, sans qu’il soit nécessaire de tranquilliser l’animal, et le résultat est obtenu immédiatement. Elle a longtemps été la méthode de détection disponible la plus fiable.

Depuis, la découverte du gène et de sa mutation (appelée PKD1) responsable de la maladie a permis de développer un test génétique de dépistage. Ce dernier consiste à rechercher directement la présence de la mutation génétique dans l’ADN du chat. Il est réalisé à partir d’un prélèvement de cellules buccales, effectué à l’aide d’une petite brosse. Le matériel génétique est envoyé au laboratoire. Il est préférable de travailler avec des laboratoires dont la fiabilité et le sérieux sont avérés. Certains laboratoires étrangers proposent, en effet, des tarifs défiant toute concurrence, mais leur travail n’est pas toujours irréprochable. Le résultat du test est sans appel : soit le chat est homozygote sain, ce qui signifie qu’il ne développera pas la maladie, ni ne la transmettra à sa descendance, soit il est hétérozygote, ce qui implique qu’il développera l’affection et transmettra la mutation à la moitié de sa descendance, en moyenne.

Un traitement seulement palliatif

Il n’existe pas de thérapeutique particulière pour la PKD. Le seul traitement est palliatif, et consiste en une alimentation spécifique à faible teneur en phosphore et en protéines, et en l’administration d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et de chélateurs.

En outre, les propriétaires doivent veiller à ce que leur chat ait accès en permanence à une source d’eau fraîche. Si besoin est, ces mesures sont assorties d’une réhydratation par perfusion et d’une correction des troubles électrolytiques et/ou acido-basiques.

De plus, il convient de traiter les symptômes associés à la défaillance rénale, tels les vomissements, l’hyperparathyroïdisme (prescription de chélateurs d’ions phosphates comme l’hydroxyde d’aluminium) ou l’anémie (contrôle des hémorragies digestives).

Cette prise en charge ne permet pas de guérir l’animal. En revanche, elle prolonge son espérance de vie, ainsi que sa qualité de vie. Cependant, l’issue de la maladie est toujours fatale.

Des mesures en élevage

En raison de l’impact économique de cette maladie dans les élevages des races concernées, il est recommandé de faire tester génétiquement, pour la mutation PKD1, tous les chats devant être mis à la reproduction.

Pour toutes les races présentant une fréquence de PKD inférieure à 10 %, il est impératif d’exclure de la reproduction les animaux atteints, car l’affection est dominante. En revanche, chez le persan et l’exotic shorthair, pour lesquels la prévalence de la maladie est très élevée, cette stratégie d’exclusion ne peut pas être adoptée. Une sélection trop drastique aurait pour conséquences une possible perte de certains caractères améliorateurs de la race et un appauvrissement de la diversité génétique indispensable à long terme. De plus, elle risquerait d’augmenter la consanguinité, ce qui pourrait favoriser l’émergence de nouvelles maladies génétiques.

Un chat porteur de la mutation pourra donc se reproduire avec un chat indemne. Les chatons seront tous testés et seuls les petits indemnes de PKD seront conservés pour la reproduction. À long terme, les éleveurs peuvent espérer que cette méthode de sélection entraînera, sur plusieurs générations, une diminution de la prévalence de la maladie dans la race, tout en gardant l’indispensable diversité génétique.

La connaissance de plus en plus précise du génome du chat autorise aujourd’hui le dépistage de nombreuses maladies génétiques, dont la PKD, et améliore ainsi les races félines en écartant progressivement de la reproduction les individus porteurs de défauts graves, potentiellement mortels.

1. Le génome du chat

Depuis la découverte de la structure de l’ADN par Watson et Crick en 1953, les scientifiques ont cherché à décrypter le génome des espèces humaine et animales, afin de faciliter le diagnostic, la prévention et le traitement des maladies génétiques.

La majeure partie de l’ADN d’une cellule est située dans son noyau. L’ADN se compose de deux brins (formés de nucléotides) qui s’enroulent pour former une double hélice. Chaque nucléotide est composé d’une base azotée (adénine, guanine, cytosine, thymine) associée à un sucre et à un groupement phosphate.

L’analyse du génome félin a commencé il y a une vingtaine d’années. Son séquençage est désormais complet. Le chat possède 19 paires de chromosomes et une paire de chromosomes sexuels, qui portent les gènes. Chaque gène est composé de deux allèles : l’un vient de la mère et l’autre du père.

Le terme “homozygote” désigne un animal dont les deux allèles sont identiques pour le même gène. Un chat hétérozygote, lui, possède deux allèles différents pour le même gène.

Un allèle est dit “dominant” s’il l’emporte sur l’autre (la présence d’un seul est suffisante pour exprimer le caractère). Il est dit récessif si c’est le contraire (le caractère doit être présent sur les deux allèles pour s’exprimer).

2. Les caractères et maladies génétiques

Une maladie génétique est une affection pour laquelle une anomalie du génome joue un rôle majeur dans son déclenchement. Cependant, les facteurs environnementaux et individuels interviennent dans l’âge d’apparition, les symptômes et l’évolution de la maladie.

Chez le chat domestique 278 maladies ou caractères d’intérêt (coloration du pelage, par exemple) d’origine héréditaire sont actuellement dénombrés.

La sélection mise en place dans les élevages afin de fixer certains caractères souhaités dans les races a abouti à des croisements consanguins qui ont involontairement révélé les maladies récessives présentes dans le génome de celles-ci. Ainsi, le nombre de maladies génétiques recensées chez le chat a augmenté d’environ une dizaine par an au cours des dernières décennies.

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