MÉDECINE CANINE
Formation
Auteur(s) : Élodie Goffart
Fonctions : Docteur vétérinaire,
praticienne dans l’Essonne.
Les troubles de l’audition ne sont pas toujours faciles à diagnostiquer mais ils sont importants à déceler, par le propriétaire et le vétérinaire, du fait de leurs conséquences sur la vie de l’animal.
Les troubles de l’audition, pouvant aller jusqu’à la surdité, sont fréquents chez les carnivores domestiques. Des cinq sens, l’audition n’est pas le plus essentiel – l’odorat domine –, mais elle intervient dans les interactions sociales intra-espèce (entre chiens) et interespèces (avec l’homme en particulier ou les autres animaux de la maisonnée, le chat par exemple).
D’un point de vue anatomique, l’appareil auditif du chien est divisé en trois parties : l’oreille externe, moyenne et interne (photo 1). L’oreille externe est constituée du pavillon de l’oreille (oreille mobile) et du conduit auditif externe, qui est coudé et se finit par le tympan. L’oreille moyenne est composée de la cavité tympanique, qui comprend la bulle tympanique et la chaîne des osselets. L’oreille interne est un système complexe, composé de la cochlée (organe de l’audition) et des canaux semi-circulaires (organes de l’équilibre).
Du point de vue fonctionnel, entendre, c’est transformer l’énergie des ondes sonores captées par l’oreille externe en un influx nerveux formé dans l’oreille interne et décodé au niveau de l’aire auditive du cortex cérébral.
L’onde sonore est captée par le pavillon de l’oreille, emprunte le conduit auditif externe et gagne la membrane tympanique et l’oreille moyenne. Les vibrations sonores sont alors convoyées vers l’oreille interne : la chaîne des osselets les transmet dans la cochlée, ce qui crée un influx nerveux dans le nerf cochléaire, puis dans le nerf auditif, jusqu’au cerveau où l’information sera décryptée.
Le chien peut présenter deux types de désordres auditifs : les troubles congénitaux et les troubles acquis pendant la vie (maladie, traumatisme) ou la vieillesse (dégénérescence naturelle).
Dans les cas de surdité congénitale, le chien est sourd à 2 mois. L’atteinte est unilatérale (une seule oreille est touchée) ou bilatérale (les deux le sont).
Les chiens avec des manteaux blancs ou partiellement blancs sont souvent soumis à une forme congénitale de la surdité, liée à une insuffisance de pigmentation au niveau de certaines cellules de la cochlée (dans l’oreille interne). Celles-ci dégénèrent spontanément vers l’âge de 3 à 4 semaines. Chez certaines races, le problème est fréquent, par exemple chez le dalmatien, dont 5 % des individus naissent totalement sourds, d’après les estimations (photo 2). Le dogue argentin, le colley, le berger australien, l’american staffordshire terrier et le bull-terrier sont également des races prédisposées à ce problème d’origine génétique. Mais une surdité congénitale peut être diagnostiquée dans d’autres races (photo 3).
Lorsque la surdité est avérée chez l’un des parents, ou dans une race prédisposée, il est recommandé de faire tester les chiots chez l’éleveur avant leur adoption. En effet, il est important de pouvoir dire au futur propriétaire si son animal entend ou non.
Le réflexe de sursautement (dès la fin de la 4e semaine) peut être utilisé pour tester l’audition du chiot. Celui-ci est positionné en décubitus ventral, sur une surface molle et non froide. L’opérateur se place 5 ou 10 cm au-dessus de la tête de l’animal, puis tape dans les mains très fortement : un chiot entendant se soulève sur ses membres antérieurs, puis se laisse retomber (il sursaute).
Par ailleurs, un chiot totalement sourd adopte souvent un comportement particulier dans sa fratrie. Son sommeil est très profond, il s’isole des autres, ses séquences de jeu sont diminuées, la mobilité de ses oreilles est réduite, et il présente parfois une agressivité excessive à l’égard de ses congénères, dont il ne perçoit pas les plaintes durant les jeux.
Le seul test diagnostique fiable permettant de confirmer l’audition du chiot est l’enregistrement des potentiels évoqués auditifs (PEA). Il s’agit de l’enregistrement par sélection informatique de l’activité électrique de la cochlée, portion de l’oreille interne concernée par la surdité. Pratiqué facilement sous anesthésie à partir de l’âge de 6 semaines, ce test donne un résultat catégorique : l’oreille est sourde ou entendante (photo 4). L’appareil qui permet ce test n’est pas disponible chez tous les vétérinaires. Seuls les centres de référé réalisent généralement ce type d’examen pour un montant de quelques centaines d’euros.
Dans les races prédisposées à la surdité d’origine génétique, il est recommandé aux éleveurs de tester tous les reproducteurs et de ne faire reproduire que les chiens entendants bilatéraux. En effet, les gènes responsables de la surdité étant récessifs, un animal entendant n’est pas forcément sain ! Il peut quand même transmettre le gène défaillant à sa descendance. En outre, il n’existe pas actuellement de test génétique qui permette d’identifier de manière fiable un animal porteur, car l’expression des gènes reste complexe. C’est pour cette raison qu’il n’a pas été possible, jusqu’à présent et malgré les efforts des clubs de race, d’éradiquer ce problème dans les races concernées.
La vie d’un chien sourd de naissance, et celle de son propriétaire, sont compliquées. En effet, les règles habituelles d’éducation ne peuvent pas être appliquées et il est nécessaire d’adapter les méthodes d’apprentissage au chiot. Il est possible de trouver sur Internet des techniques de dressage efficaces pour chien sourd, qui utilisent les signes et les effets lumineux. Autre problème, le chien n’entendra pas ses congénères, ce qui peut poser des soucis relationnels importants – surtout entre les mâles – pouvant aller jusqu’à l’agressivité. C’est pourquoi il est recommandé aux éleveurs de ne pas conserver de chiens sourds bilatéraux, mais aussi aux propriétaires de ne pas adopter de chiots sourds.
Il peut être tentant d’adopter ce type d’animal en raison du rabais financier qui est parfois accordé par certains éleveurs sur le prix d’achat en compensation du handicap. Qui plus est, certains propriétaires en situation de handicap eux-mêmes (ou une personne de leur entourage) auront le sentiment de faire une « bonne action ». Il est important de bien les sensibiliser au fait que leur animal ne mènera jamais une vie normale, qu’il pourra présenter des problèmes relationnels avec ses congénères, et qu’il faudra adapter toutes les règles de vie de la maison à cet état de fait. Une telle décision d’adoption ne doit pas être prise à la légère, même si elle est encouragée par un éleveur ou une association de protection animale, qui va avoir tendance à minimiser les difficultés.
En revanche, un chien sourd d’une seule oreille pourra mener une vie quasi-normale. Un très léger retard à la localisation de certains bruits est parfois noté. Cela est possiblement gênant pour des chiens de travail ou de chasse, mais pas pour le chien de compagnie qui vit en famille.
Les troubles de l’audition peuvent aussi apparaître après la naissance, à la suite d’une maladie ou d’un traumatisme. Ils surviennent, cette fois, dans n’importe quelle race, chez des chiens mâles ou femelles de tous âges.
En cas de suspicion de surdité, il est important de s’assurer que le conduit auditif est bien vide et non lésé. En effet, l’accumulation de poils, de cérumen, la présence d’épillets, de pus ou de sang dans le conduit amènent à une surdité provisoire (comme si le chien portait des boules Quies® !). Un simple nettoyage ou le traitement d’une otite sont alors suffisants pour faire revenir « miraculeusement » l’audition. Pour élémentaire qu’elle paraisse, cette hypothèse ne doit jamais être négligée. Par ailleurs, un examen complet de l’oreille à l’otoscope est indispensable lors de l’examen clinique général d’un chien présenté pour suspicion de troubles de l’audition.
Le recueil des commémoratifs est également important : l’exposition à des bruits forts (tirs de fusils pour les chiens de chasse, pétards ou feux d’artifice) ou à des explosions (chez les chiens des douanes et de l’armée) peut également expliquer l’apparition d’une surdité temporaire ou définitive due à la destruction du tympan comme à l’arrachement de la cochlée de ses attaches. Dans ces cas, elle est généralement immédiate et brutale.
Enfin, de nombreuses maladies provoquent une surdité : otites externes chroniques, otites moyennes ou internes, bactériennes ou virales, troubles neurologiques affectant l’oreille interne, le nerf auditif ou la face, traumatismes crâniens accidentels, néoplasies, etc.
Chez le chien adulte aussi, la mesure des PEA confirme le diagnostic de surdité, mais elle n’en donne ni la cause ni le pronostic.
Dans beaucoup de cas, un traitement classique (antibiotiques, anti-inflammatoires) permet de traiter la cause de la surdité et donc de restaurer la fonction auditive, complètement ou partiellement. Parfois, ce n’est malheureusement pas le cas, et le propriétaire comme l’animal vont devoir s’adapter à ce handicap.
Le vieillissement peut aussi entraîner une perte progressive des capacités auditives (encadré page 12).
L’une des conséquences possibles de la surdité est l’aboiement intempestif, car le chien ne reconnaît pas les bruits de sa maison. Dans ce cas, la réaction du propriétaire doit être d’interdire gentiment à l’animal d’aboyer.
L’équipe vétérinaire peut également lui recommander, surtout quand de jeunes enfants sont présents au domicile, de ne jamais surprendre l’animal, par exemple, l’approcher par-derrière pour le caresser. En effet, le chien pourrait mordre. Cette réaction correspond à une agression par peur, normale dans l’éthogramme du chien, et qui ne constitue pas un trouble du comportement.
Attention également lors des promenades : le chien ne perçoit plus les éventuels dangers, comme les voitures, les vélos et les motos, ni les autres animaux. Il n’entend pas non plus si son maître le rappelle ! Il peut être intéressant, dans ce cas, d’utiliser un sifflet. En effet, parfois, certains sons ne sont plus audibles, mais les fréquences élevées ou basses sont encore perçues. Si cette méthode ne fonctionne pas, la seule solution est la promenade en laisse, à la fois pour la sécurité de l’animal et pour celle des autres. C’est souvent un crève-cœur pour les propriétaires de chiens âgés de les promener en laisse quand ils n’en ont jamais eu l’habitude. Mais il est nécessaire de leur rappeler qu’ils sont responsables des dommages que pourrait involontairement causer leur animal et que sa vie est désormais potentiellement en danger en raison de son handicap.
Comme chez le chien, les troubles auditifs du chat sont congénitaux ou acquis. La surdité congénitale d’origine génétique est, là encore, liée au blanc. Les chats blancs peuvent être sourds, quelle que soit la couleur de leurs yeux. Cependant, statistiquement, les chats blancs aux yeux bleus sont deux fois plus souvent sourds que leurs congénères aux yeux vairons, eux-mêmes deux fois plus souvent atteints que leurs homologues aux yeux colorés. Faire reproduire des animaux sourds est à éviter.
Les surdités brutales ou progressives peuvent également être d’origine traumatique, bactérienne, fongique, inflammatoire ou neurologique. Les otites externes parasitaires (gale non soignée en particulier) sont fréquemment une cause de surdité partielle temporaire dans cette espèce. L’examen otoscopique devra être rigoureux en cas de consultation d’un chat sourd.
Par ailleurs, chez le chat aussi, la vieillesse s’accompagne souvent d’une surdité partielle ou totale.
Les problèmes auditifs chez les chats peuvent avoir un impact sur leur relation avec leur propriétaire, surtout quand ils surviennent tardivement dans la vie. Mais ils sont surtout dangereux pour les animaux qui sortent. En effet, le chat n’entendra pas arriver les voitures, ses congénères ou un chien et se mettra donc en danger. C’est pourquoi il n’est pas recommandé de laisser sortir un chat qui n’entend pas. En revanche, le chat étant un animal territorial (et non social comme le chien), ce handicap sera assez facilement compensé par les autres sens, à l’intérieur de la maison (vue, odorat, perception des vibrations par les vibrisses et les coussinets). Ainsi, la vie quotidienne avec un chat sourd reste souvent aisée. Il convient cependant de faire attention à ne pas surprendre l’animal, ni dans son sommeil ni en le touchant par l’arrière, sous peine de se faire griffer.
Aujourd’hui, les troubles de l’audition chez le chien demeurent des problèmes fréquemment évoqués chez le vétérinaire. Une sélection sérieuse par les éleveurs dans les races prédisposées à la surdité d’origine génétique pourrait les réduire.
Chez l’animal adulte, la détermination de la cause de la surdité et son traitement sont les meilleures chances de redonner à l’animal une audition, même partielle. Dans les cas où ce n’est pas possible, le propriétaire doit apprendre à vivre avec un animal sourd. Aux États-Unis, des appareillages auditifs pour chiens malentendants (similaires à ceux des personnes) existent. Bientôt en France ?
Souvent, chez les chiens âgés, une surdité s’installe progressivement. Mais le propriétaire ne s’en rend pas nécessairement compte tout de suite, les animaux s’adaptant assez bien à une évolution lente.
Lors de la consultation vaccinale, le propriétaire signale, par exemple, que son animal ne réagit plus à son nom sauf si l’on crie, qu’il n’identifie plus certains bruits familiers (la porte du garage, le bruit de la sonnette, celui du sac de friandises !).
Il est possible de mesurer le degré de surdité. Mais, malheureusement, celle-ci est incurable et il va falloir apprendre à vivre aux côtés de son chien devenu sourd.
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