Dossier
Auteur(s) : Lorenza Richard
Fonctions : Docteur vétérinaire.
Chacun s’accorde pour considérer que l’euthanasie d’un animal est une épreuve douloureuse pour le propriétaire, et que l’auxiliaire vétérinaire doit être à ses côtés pour l’accompagner. Toutefois, il convient pour l’ASV de se préserver de ses propres émotions afin d’éviter qu’elles n’envahissent son travail au quotidien.
À chaque étape de l’euthanasie d’un animal, l’auxiliaire vétérinaire doit faire preuve de beaucoup de compréhension et de professionnalisme avec le propriétaire. Mais cela peut lui coûter sur le plan émotionnel. Retirer la vie à un animal est, en effet, à l’opposé du but recherché dans une clinique vétérinaire. Et ce paradoxe vécu lors de ce moment délicat peut devenir une source d’angoisse et de tristesse, contre lesquelles il convient de se protéger.
L’affection qui est portée à l’animal de compagnie, souvent considéré comme un membre de la famille à part entière, est à l’origine d’un véritable processus de deuil lors de sa mort. Les propriétaires ont besoin de se sentir soutenus pour la prise de cette décision, vécue comme une épreuve difficile, pour s’assurer qu’elle est la meilleure. Les rassurer et les conforter dans leur choix fait alors partie du travail de l’ASV. La situation impose parfois de calmer leur angoisse ou d’affronter leur colère, réactions liées à des émotions exacerbées. L’ASV doit ensuite expliquer le déroulement de l’acte et garantir que l’animal ne souffrira pas.
Alors que le vétérinaire est davantage concentré sur le geste technique ou la discussion avec le propriétaire, l’ASV s’assure du confort de l’animal par une contention douce, veille à sa dignité (en nettoyant les souillures) et le réconforte en lui parlant d’une voix calme et en le caressant. Cette attitude, à la fois respectueuse pour l’animal et empathique avec le propriétaire, est attendue comme un gage de professionnalisme. Là encore, l’auxiliaire doit montrer sa compréhension, en expliquant au propriétaire que son chagrin est normal et qu’il peut l’exprimer. Il lui proposera éventuellement de rester seul un moment avec l’animal après l’euthanasie pour lui faire ses adieux.
C’est également souvent à l’ASV qu’est déléguée la phase suivante : le choix du devenir du corps. Il est chargé d’expliquer les modalités d’incinération, le cas échéant, et de faire régler la facture. L’auxiliaire restera à l’écoute de la tristesse des propriétaires, comme au moment de la récupération de l’urne funéraire lors d’incinération individuelle. Enfin, les propriétaires peuvent revenir ou téléphoner pour reparler de leur animal décédé ou pour demander des conseils en vue d’en reprendre un autre.
En clinique mixte ou rurale, un propriétaire de chevaux ou un éleveur peut être amené à discuter avec l’ASV et à lui faire part de ses soucis ou de sa peine. À nouveau, ce dernier doit les respecter et montrer son professionnalisme.
Toutefois, cette compassion permanente et le temps passé à soutenir les clients deviennent parfois difficiles à supporter pour l’auxiliaire vétérinaire. Du stress est éprouvé face à la nécessité d’offrir une grande qualité de service. En outre, cet acte n’est jamais anodin. La première euthanasie peut être marquante, et ressentie comme une sorte de choc émotionnel. D’autres peuvent s’avérer également très perturbantes. Il arrive que l’ASV soit affecté de façon profonde par le chagrin d’un client ou par la mort d’un animal dont il suit l’évolution depuis plusieurs années, ou encore par l’histoire particulièrement touchante qui lie un propriétaire à son compagnon. De plus, l’attention portée à l’animal mourant et le contact rapproché lors de l’acte peuvent bouleverser dans certains cas. La peine ressentie de façon chronique est susceptible de conduire l’auxiliaire à appréhender ce moment, voire à le redouter. Car il peut devenir douloureux, et même mener à une démotivation ou à de l’angoisse.
Parfois encore, l’ASV n’est pas en accord total avec la décision d’euthanasie qui a été prise. Et cela peut soulever des questions sur la valeur de son travail : est-il acceptable d’aider le vétérinaire à pratiquer l’acte dans ce cas ? D’autre part, des propriétaires évoquent quelquefois des douleurs liées à des deuils ravivés par la mort de leur animal, ce qui pousse l’ASV à repenser malgré lui à la mort d’un proche ou à réfléchir sur le sens de sa vie. Cet acte peut ainsi résonner dans sa propre histoire, et ces différents questionnements ou remises en cause risquent de mener à un début de dépression.
Rester professionnel lors d’une euthanasie ne doit ainsi pas faire négliger ses propres émotions : il est indispensable pour l’ASV de se préserver. L’association Vétos-entraide propose sur son site internet des solutions pour les vétérinaires (encadré page 10). Les conseils qui y sont délivrés valent également pour les auxiliaires.
En premier lieu, l’ASV ne doit pas se laisser déborder par la peine ressentie par les propriétaires, en gardant une “distance” avec elle. Il ne convient pas d’être indifférent, mais il n’est pas nécessaire non plus d’être réellement affecté : compatir ne veut pas dire ressentir la souffrance du propriétaire mais lui montrer qu’elle est comprise. Garder une distance ne signifie pas non plus nier sa tristesse, “faire comme si” aucune peine n’était ressentie. Ne pas reconnaître ses émotions ne fait que repousser l’échéance du moment où elles vont prendre le dessus. L’ASV court alors le risque de se laisser submerger.
De plus, l’ASV ne doit pas être décontenancé par certaines remarques des clients, qui peuvent être débordés par leur émotion. Ces réflexions ne doivent pas être prises de façon personnelle par l’auxiliaire, car elles ne lui sont pas directement adressées.
C’est souvent à lui-même que le propriétaire en veut et il cherche avant tout à être rassuré. Ces réactions sont habituelles lors d’un deuil, comme le montre la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross. Cette dernière définit cinq phases du processus de deuil, dont l’ordre d’apparition est aléatoire : le déni (refus de la mort de l’animal), la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. L’ASV fera face à chacune de ces différentes phases en préparant des arguments afin de les gérer au mieux. Par exemple, il convient de ne pas répliquer, ni s’énerver lorsque le client exprime sa colère. Assurer à ce dernier que tous les soins possibles ont été mis en œuvre et que l’euthanasie reste la meilleure solution est l’attitude à adopter. De même, en cas de culpabilité exagérée du propriétaire, l’ASV peut lui manifester de l’empathie tout en lui expliquant qu’il n’est pas responsable de la maladie de son animal et que l’euthanasie est la bonne décision à prendre.
L’auxiliaire peut également se concentrer sur les différentes étapes de son travail afin de garder une forme de distance “professionnelle” avec le désarroi des propriétaires. En accord avec l’équipe, il est possible de mettre en place des procédures pour répartir les rôles lors des différentes étapes d’une euthanasie : conforter la décision, expliquer le déroulement de l’acte, réaliser une contention douce, proposer les différentes solutions d’incinération pour le corps, etc. Par exemple, pour l’accueil des propriétaires et la préparation de l’acte, un isolement dans une pièce à part de la salle de consultation peut être proposé, des mouchoirs sont mis à disposition, etc. Toute l’équipe se mobilise alors pour appliquer la procédure qui a été décidée.
La mise au point des modalités d’accompagnement du propriétaire est également une approche durant la réalisation de l’euthanasie en elle-même (selon qu’il assiste ou non à l’acte, que l’animal est anesthésié auparavant ou non, etc.) et après la mort de l’animal (isolement avec l’animal, soutien, offre de boisson, etc.). Enfin, le moment où les questions du devenir du corps sont abordées peut également être prévu, ainsi que celui de la présentation des tarifs et du paiement. En pratique mixte, il est aussi possible d’instaurer des procédures d’écoute pour les éleveurs.
Toutefois, ces règles de travail ne doivent pas rester figées, afin d’être adaptées à toute situation : une euthanasie en urgence ne sera pas gérée de la même façon qu’une autre, pratiquée pour soulager un animal atteint d’une maladie chronique, et pour lequel la décision a été longue à prendre.
L’ASV peut avoir le sentiment d’être seul à être autant atteint par l’euthanasie et ne pas oser faire part de son affectation. En fait, cet acte ne laisse personne indifférent. Évoquer ses difficultés avec sa famille ou des amis, qui peuvent aider à prendre du recul, est utile. Mais communiquer sur ses émotions avec l’équipe de la clinique est également primordial.
Parler avec les autres auxiliaires vétérinaires permet notamment de partager ses expériences, aussi bien dans le ressenti que sur la façon de se comporter en cas de situation difficile ou face à certaines réactions des propriétaires, sans se laisser surprendre ou déstabiliser. Cela permet de se sentir à son tour compris et soutenu, ce qui est important sur le lieu de son travail.
L’ASV peut également s’entretenir avec le vétérinaire, lui demander de quelle façon lui-même perçoit cet acte, et dans quelles conditions il prend la décision de le proposer aux propriétaires. Cet échange peut être l’occasion de revoir certains points concernant la réglementation qui entoure l’euthanasie, et pose les limites de ce qui est acceptable. A contrario, cela permet d’évoquer dans quels cas l’euthanasie n’est pas proposée ou pourrait être refusée à un propriétaire qui la demande.
Cette démarche est également l’opportunité de confier ses valeurs, de les inscrire dans celles de l’équipe. Enfin, discuter est une solution pour trouver des réponses aux questions que l’euthanasie soulève concernant sa propre vie, questions parfois difficiles et qui peuvent mener à des moments de doute.
En cas de problèmes de communication au sein de l’équipe ou pour se confier à des proches, garder tout pour soi est fortement déconseillé. Des forums de discussion existent sur plusieurs sites internet dédiés aux ASV.
Y participer est le moyen de trouver des solutions sans rester seul.
Lors d’une euthanasie, il ne convient pas seulement de rassurer le propriétaire, mais de se rassurer soi-même, en donnant du sens à l’acte : cette démarche est nommée la “rationalisation”. Il peut être bon, par exemple, de rediscuter avec le vétérinaire des raisons pour lesquelles une euthanasie qui ne semblait pas totalement nécessaire a été réalisée. Cela évite de remettre en question sa légitimité ou de rester dans l’incompréhension et de culpabiliser.
Par ailleurs, l’ASV ne doit pas douter de ses compétences si une euthanasie ne se passe pas comme prévu, si un propriétaire change d’avis ou réagit vivement. Lorsqu’une étape se passe mal, plutôt que de voir le mauvais côté des choses, l’ASV doit rester positif. Sans se laisser abattre, il convient de voir ce qui “fonctionne”, c’est-à-dire reconnaître les points qui ont permis de trouver la bonne façon de gérer le problème. Cette attitude permettra aussi de l’anticiper s’il se présente de nouveau, et de prendre ou de reprendre confiance en soi.
Un échec peut être porteur d’expérience et, sans tout remettre en question, chacun à la possibilité de s’en servir pour progresser. Dans tous les cas, il ne convient pas de rechercher la perfection mais de faire ce qu’il est possible de faire, de la meilleure façon, suivant la situation.
Accepter les remerciements et les compliments des propriétaires ou des personnes de l’équipe ne doit pas être négligé, car c’est une façon de reconnaître sa compétence et sa valeur. Agir de la sorte permet d’augmenter l’estime de soi et de garder sa motivation dans une situation compliquée.
Enfin, en plus de la rationalisation, l’une des manières de passer outre les émotions ressenties lors d’une euthanasie est de la “sublimer”, c’est-à-dire de la transformer en quelque chose de positif. Cela peut paraître difficile, voire impossible. Pourtant il faut se souvenir qu’une euthanasie est le plus souvent un acte d’amour de la part du propriétaire, et qu’elle reste à prendre avant tout comme tel.
• L’équipe de travail Anubis de Vétos-entraide a rédigé un dossier sur l’euthanasie. Il est consultable en libre accès sur le site internet de l’association, Vetos-entraide.com, à la rubrique “Nos dossiers”.
• Le guide Phénix sur l’euthanasie délivre des conseils concernant la réglementation autour de l’acte d’euthanasie. Il est consultable en ligne par les praticiens (http://phenix-qualitevet.org), avec leur numéro d’inscription à l’Ordre des vétérinaires. Par Lorenza Richard
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