La malpropreté chez le chien - Ma revue n° 1622 du 01/03/2015 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 1622 du 01/03/2015

Dossier

Auteur(s) : Gérard Muller

Fonctions : docteur vétérinaire, comportementaliste diplômé des ENV, diplomate ECBM-CA.

Posséder un animal malpropre génère souvent un sentiment de honte chez le propriétaire. Encourager celui-ci à en parler est une première étape dans la recherche de solutions. Selon l’origine du trouble, des réponses adaptées peuvent être apportées.

Avoir un chien malpropre est une situation beaucoup plus fréquente que ce que nous croyons. Pour­tant, la propreté reste un apprentissage indispensable. Pour les clients, un animal “incertain” quant à la propreté représente un échec global, honteux et insupportable. La relation maître-chien qui en découle est perturbée. Cette anomalie est à l’origine d’une dégradation de l’ensemble des conditions de vie de l’animal.

LA MALPROPRETÉ : UNE URGENCE

Face à un chien malpropre, l’auxiliaire vétérinaire doit imaginer d’emblée la détresse du propriétaire et l’inconfort de son animal. La prise en charge est souvent une urgence. Plus elle est rapide, meilleurs sont les résultats.

Dans ce domaine, il ne s’agit pas de commercialiser quelque chose mais de proposer une aide. Celle-ci comprend des moyens techniques. Cependant, cette technique ne doit pas être proposée avant que le propriétaire ait demandé de l’aide. L’auxiliaire doit préparer et initier cette requête. L’image de la clinique est en jeu.

La malpropreté peut avoir des causes organiques. Le praticien qui se penche sur ce problème devra donc effectuer un examen approfondi des structures urinaires et digestives. Mais, bien souvent, il s’agit de troubles liés à une mauvaise éducation, qui auraient pu être évités grâce à des conseils simples et judicieux, dispensés au début de la relation entre l’animal et son propriétaire.

Même avec de mauvaises méthodes, la plupart des chiens sont cependant capables de devenir propres. L’échec trouve son origine dans la combinaison d’anomalies fonctionnelles et psychiatriques, qui compliquent l’apprentissage et provoquent des réactions non souhaitées.

Le rôle de l’ASV est particulier, confronté aux propriétaires concernés. La honte de n’avoir pas réussi un dressage simple ne s’exprime pas facilement. Ce qui ne peut pas être dit au vétérinaire doit être entendu par l’auxiliaire, même si cet échec n’est qu’évoqué à demi-mot. C’est au comptoir que le client comprendra que la structure se préoccupe aussi de cet apprentissage indispensable.

LES FONDAMENTAUX DE L’APPRENTISSAGE

Pour un chiot adopté en bonne santé, à 2 mois, le principe de propreté doit être acquis rapidement. Avec une méthode adaptée, il peut être propre à 3 mois. Il n’est juste pas encore capable de se retenir, donc de différer l’élimination. Cela signifie que s’il est sorti toutes les quatre ou cinq heures, ses besoins seront tous faits en un lieu approprié.

La capacité à se retenir un peu survient habituellement au cours du quatrième mois. Avec elle, la propreté nocturne se met en place si les nuits ne sont pas trop longues. À cette période, l’entretien avec les propriétaires est susceptible de révéler une insuffisance d’investissement. Les mères savent combien de patience et d’attention sont nécessaires pour qu’un enfant accepte le principe de vivre sans couche. Il est impossible d’exiger d’un chiot qu’il n’urine que deux fois par jour. Les premières nuits doivent être ponctuées de sorties hygiéniques indispensables.

Pas de punition

Le principe d’apprentissage est simple. Il faut sortir le chiot, attendre qu’il se soulage et, immédiatement, le récompenser.

Toute punition pour une erreur retarde l’acquisition de la propreté. Dans ce cas, le message adressé au chien est qu’il ne doit pas éliminer devant son maître. La propreté est justement le fait inverse. Elle consiste à demander à son maître l’autorisation de faire ses besoins à côté de lui.

Il importe également de s’intéresser au moment de la récompense. De nombreux maîtres racontent qu’ils ouvrent la porte du jardin et récompensent le chien “à son retour” s’il a fait ses besoins. Ce faisant, ils apprennent au chiot à revenir, sans traîner au jardin. La récompense doit être distribuée précisément lorsque le chien termine son acte, en principe au moment où celui-ci se retourne pour regarder son œuvre. Cela signifie que le maître doit accompagner son animal au jardin (même s’il pleut) afin de lui donner sa récompense au bon moment.

Des récompenses “exceptionnelles”

Le troisième élément essentiel à connaître est l’importance de la nature de la récompense. Celle-ci doit être exceptionnelle : une caresse ou une croquette ne suffit pas. Le chiot ne doit pas être perturbé pendant qu’il s’exécute et le maître ne doit pas montrer la récompense.

Enfin, il ne faut pas oublier que si, pour le maître, le chien qui urine à l’intérieur est malpropre, il s’agit, en fait, souvent d’un animal propre qui exprime sa position sociale en marquant. Ce chien a sans doute été propre avant la puberté. Il convient de bien cerner cette malpropreté. Est-elle uniquement nocturne ? Uniquement en l’absence des maîtres ? Depuis toujours ? Ces questions permettent de souligner un éventuel trouble psychiatrique.

L’ORIGINE DE LA MALPROPRETÉ

Pour orienter la discussion, l’auxiliaire interroge le propriétaire dans trois domaines différents. Il n’est pas rare de trouver des réponses utiles dans chacun d’entre eux !

Repérer une anomalie physiologique

Face à un chien malpropre, il convient de commencer par repérer l’existence d’une éventuelle anomalie physiologique. Si le nombre de séquences d’élimination est augmenté, il devient difficile pour le chien d’acquérir la propreté. Les bons principes éducatifs sont alors souvent remplacés par du découragement, voire des punitions.

Des questions simples aident à évaluer ce point : combien le chien produit-il de fèces par jour ? Quelle quantité de croquettes ingère-t-il (calculer préalablement celle que cet animal doit manger) ? La nourriture est-elle adaptée ? Existe-t-il une urgence fécale ? Les fèces sont-elles molles ? Il convient également d’interroger le client sur le nombre de mictions successives effectuées lorsque le chien est dehors (sans compter les marquages) et de demander si une analyse d’urine a été réalisée.

Repérer des fautes d’éducation

Quelle attitude le chien adopte-t-il lorsque son propriétaire entre dans une pièce où il a fait ses besoins ? Si l’animal prend un air coupable, cela signifie inévitablement que le propriétaire a, lui, une expression fâchée. Cela correspond à une punition, même si le maître dit ne pas punir. La bonne attitude est un chien qui reste indifférent et se comporte de la même façon, qu’il y ait ou non des mictions.

Le chien réclame-t-il sa récompense quand il a fait ses besoins dehors ? Si la réponse est non, il convient de revoir la séquence. Peut-être la récompense est-elle mauvaise ou décalée dans le temps. L’association entre l’acte et celle-ci est indispensable dans l’apprentissage.

Combien de fois l’animal est-il sorti par jour ? Cette question reçoit parfois des réponses incroyables. Il importe de la poser pour ne pas découvrir tardivement que le chien n’est pas sorti assez souvent.

À quel moment le maître donne-t-il la récompense ? Cette question permet de découvrir que certains chiens ne s’arrêtent pas en fin d’élimination (ceux présentant un syndrome d’hypersensibilité-hyperactivité dit HS-HA), que d’autres se cachent loin du maître ou sont si mal à l’aise dehors qu’ils ne peuvent y faire leurs besoins.

Quelle est l’attitude du chien à l’extérieur ? Est-il craintif ? Aime-t-il sortir ? Ces dernières questions conviennent également à la recherche d’anomalies comportementales.

Repérer une anomalie psychiatrique

Les principaux motifs de malpropreté d’origine psychiatrique sont les difficultés d’apprentissage (chez les hyperactifs), l’anxiété (toutes les affections conduisant à cette dernière et, notamment, la privation), les phobies de l’extérieur (syndrome de privation de stade 1) et les troubles relationnels (dont la sociopathie).

LA CONDUITE DE L’ENTRETIEN AU COMPTOIR

Les trois groupes de questions précédentes soulignent combien l’examen du chien malpropre devient rapidement compliqué. Il n’est pas question pour l’auxiliaire d’établir le diagnostic. Au comptoir, le but de ce questionnement se limite à la sensibilisation du propriétaire et à sa déculpabilisation. Souvent, le maître d’un chien malpropre n’imagine même pas qu’il peut s’agir d’une anomalie fonctionnelle. Ce questionnement permet d’amener le propriétaire à accepter une investigation poussée susceptible de comprendre des examens complémentaires.

S’investir, déculpabiliser, préparer

Le premier objectif de la discussion est de démontrer que l’équipe vétérinaire est concernée et qu’elle est la mieux placée pour réunir les conseils en éducation, les examens nécessaires pour s’assurer que le chien n’est pas dysfonctionnel et les examens comportementaux permettant d’établir l’existence d’une éventuelle maladie psychiatrique.

Le deuxième objectif est de déculpabiliser le propriétaire. Celui qui a échoué se croit responsable et il est parfois honteux. Il faut lui faire comprendre qu’il se trouve face à un cas particulier. Il convient de souligner que, même avec de mauvaises méthodes, un chien normal acquiert la propreté. Sa situation correspond donc à un cas médical.

Le troisième objectif, enfin, est de préparer le maître à une recherche étiologique qui peut se révéler importante. Pour le praticien lui-même, ce travail est complexe. L’exemple que nous connaissons le mieux – l’abord du chat malpropre – est une bonne illustration. Nous savons que celui-ci peut être victime de calculs urinaires, de cystite, de cystite idiopathique, que l’origine du trouble est souvent multifactorielle et que notre intervention se fera dans plusieurs domaines (alimentaire, vésical, comportemental). Il est utile de se préparer à des investigations de même type pour le chien.

Et après ?

L’entretien avec l’ASV doit se terminer modestement. Il est rare que la demande de consultation en découle directement. Suggérer une petite modification et essayer d’en évaluer l’impact est souvent une première étape.

Lorsqu’un trouble éducatif est soupçonné, proposer un changement de la récompense et de sa distribution peut se révéler bénéfique.

Si un trouble fonctionnel est suspecté, suggérer une modification du régime alimentaire, ou simplement faire estimer le nombre de mictions ou de fèces, correspond à un début de prise en charge qui favorise la prise de conscience de l’existence d’une anomalie.

Enfin, si l’auxiliaire soupçonne un trouble comportemental, un traitement léger peut constituer une étape. Proposer un collier antistress, par exemple, est susceptible d’aider le maître à progresser vers une demande de thérapie plus importante.

Dans les trois cas, le discours est semblable : « Voilà ce que je propose. Si cette mesure n’apporte pas dans x jours une amélioration, alors je demanderai au vétérinaire de me donner son avis et s’il pense que d’autres examens sont nécessaires. Les mesures que je suggère doivent suffire si nous ne sommes pas devant un cas pathologique. Commençons par vérifier qu’elles résolvent simplement le souci. »

Le rôle de l’ASV peut aller jusqu’à recontacter le propriétaire après le délai écoulé (par téléphone, par exemple) pour vérifier le résultat. Le maître ne doit surtout pas avoir l’impression que la solution proposée était une façon de se débarrasser d’un interlocuteur difficile. Il doit sentir que l’équipe vétérinaire est impliquée et préoccupée par la situation.

Son organisation passe par la tenue d’un agenda des appels à effectuer. Sitôt l’entretien terminé, l’ASV concerné inscrit à la date convenue : « Joindre M. X, pour vérifier l’efficacité du traitement » en précisant la nature de ce dernier. Pensez à confirmer le numéro de téléphone de la personne, ainsi que sa disponibilité.

MALPROPRETÉ ET AFFECTIONS PSYCHIATRIQUES

Quatre causes de malpropreté peuvent être distinguées en psychiatrie vétérinaire, en plus des troubles de l’éducation.

L’hyperactivité

Le chien hyperactif est malpropre pour trois raisons. Tout d’abord, il ne s’arrête pas. Sa séquence comportementale, incomplète, ne se termine pas. L’apprentissage, l’association entre l’événement et la récompense se font en fin de séquence, pendant la phase de retour à l’équilibre. Celle-ci est absente chez l’hyperactif. Le maître décrit un chien qui part courir derrière les feuilles avant même la fin de la miction. Comment le récompenser dans ces circonstances ?

À cette particularité s’ajoute une distraction permanente. Une fois à l’extérieur, l’animal est distrait par mille sollicitations et il oublie de se concentrer sur lui-même. Ce n’est qu’au retour, lorsqu’il se trouve dans un univers moins stimulant, qu’il prend conscience de sa vessie pleine.

Enfin, la plupart des hyperactifs dorment peu. Même s’ils restent sages dans leur panier, ils sont souvent éveillés. Ils ont alors tout le temps de sentir leur vessie pleine et peinent à se retenir.

Le syndrome de privation

Il s’agit également d’une maladie acquise à la suite de mauvaises conditions de développement. Pour le chien atteint, l’environnement est hostile. De nombreuses stimulations déclenchent la peur. Or, l’élimination est un instant de vulnérabilité. À l’extérieur, l’animal est davantage préoccupé par sa survie et se poser tranquillement est impossible. L’acquisition de la propreté pour ces chiens passe par une diminution de la peur.

L’anxiété

Il ne s’agit pas ici d’une maladie, mais d’un état susceptible de s’observer lors de nombreuses maladies. Des réponses de peur intense apparaissent à différents moments de la vie du chien anxieux. À l’inverse des troubles précédents, la peur est ici suffisamment importante pour provoquer la malpropreté. Ce n’est plus une peur du milieu hostile qui empêche de se positionner, mais une autre, intense, d’origine interne qui provoque le relâchement des sphincters.

La sociopathie

Cette maladie est liée aux relations sociales au sein du groupe de vie du chien. Parce qu’il existe, à l’intérieur de ce groupe, des incohérences dans le respect des règles de vie, le chien manifeste parfois sa position sociale devenue incertaine, en marquant son lieu de vie. L’objectif est de souligner sa position sociale pour faire comprendre à son entourage qu’en dépit des apparences, il existe et qu’il faut tenir compte de son rôle dans le groupe.

Ces marques, le plus souvent urinaires, irritent le maître et, souvent, aggravent l’incohérence de la relation. Parmi ces incohérences, des confusions dans le positionnement sexuel se retrouvent fréquemment. Pour ces raisons, la castration a une certaine efficacité contre les mictions de marquage. Malheureusement, en première intention, avant une profonde modification du fonctionnement du groupe, cette intervention fixe le comportement de marquage en le rendant incurable. La castration ne doit donc intervenir qu’à la fin de la thérapie.

LES SORTIES PRÉCOCES RECOMMANDÉES

L’acquisition de la propreté débute dès l’adoption du chiot. Sa sortie régulière est donc recommandée. Le risque d’infection ne saurait constituer une raison pour conseiller de limiter les sorties d’un jeune animal. L’association Zoopsy a récemment publié un article relatif aux “sorties précoces” expliquant l’inutilité, voire la dangerosité, de différer les sorties des chiots (une copie peut être obtenue sur demande sur le site internet www.zoopsy.com).

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