L’hibernation des tortues terrestres - Ma revue n° 1618 du 01/02/2015 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 1618 du 01/02/2015

Dossier

Auteur(s) : Julien Goin

Fonctions : docteur vétérinaire

Cet état d’engourdissement chez la tortue terrestre est naturel et souhaitable. La préparation de l’hibernation, son suivi, puis la gestion du réveil peuvent nécessiter de délivrer des conseils aux propriétaires.

L’hibernation est une période délicate, qui fait partie intégrante du cycle biologique de nombreuses espèces de tortues terrestres. Bien conduite, elle permet de respecter ce cycle, et est indispensable pour assurer la croissance, la longévité, ainsi que pour la bonne reproduction de l’animal. Si elle se déroule mal, notamment chez certaines espèces fragiles, elle présente un risque important de morbidité et de mortalité. Pour ces raisons, l’hibernation en captivité est un sujet fréquent de discussion et de polémique entre les propriétaires et les éleveurs de tortues.

L’HIBERNATION EN FRANCE MÉTROPOLITAINE

Il s’agit d’un état léthargique et hypothermique qui permet à certains animaux (amphibiens, reptiles, mammifères) de subsister aux conditions environnementales défavorables de l’hiver (diminution de la température, raréfaction des aliments). Pendant l’hibernation, le métabolisme et les fonctions organiques sont réduits au minimum (diminution de la température interne, des fréquences cardiaque et respiratoire, etc.), ce qui permet à l’animal d’économiser au maximum, et jusqu’au printemps, les réserves énergétiques accumulées au préalable.

En France métropolitaine, parmi les espèces de nouveaux animaux de compagnie (NAC) élevées en captivité, l’hibernation concerne essentiellement les tortues terrestres.

→ La température optimale de l’hibernation. En France métropolitaine, l’hibernation dure en moyenne quatre à six mois, de fin octobre à début mars, période pendant laquelle les tortues terrestres s’enterrent dans le sol de façon à résister au gel et au froid hivernal. L’intervalle de température optimal pour une bonne hibernation est compris entre 0 et 10 °C, idéalement 4 à 8 °C, afin d’assurer une léthargie suffisante à l’économie des réserves énergétiques. Une tortue maintenue à une température supérieure à 10 °C, mais inférieure à sa température moyenne préférentielle (TMP) assurant un métabolisme optimal (28-32 °C pour la plupart des espèces), va entrer en semi-léthargie, ne plus se nourrir, consommer petit à petit ses réserves, s’amaigrir et s’affaiblir. C’est le cas, par exemple, des tortues élevées en maison ou en appartement, sans équipement de chauffage et d’éclairage adéquat. À l’inverse, une tortue placée directement à une température égale ou inférieure à 0 °C est exposée au risque de gel et donc de lésions cellulaires graves.

→ Les espèces concernées. En captivité, les espèces les plus souvent rencontrées sont la tortue d’Hermann occidentale (Testudo hermanni hermanni ou Eurotestudo hermanni), la tortue d’Hermann orientale (Testudo hermanni boettgeri ou Eurotestudo boettgeri), la tortue bordée (Testudo marginata), la tortue grecque (Testudo graeca) et la tortue des steppes (Testudo horsfieldii ou Agrionemys horsfieldii). Les deux dernières sont les plus fragiles et les plus délicates à faire hiberner, en raison de leur origine géographique extra-européenne (le Maghreb pour une majeure partie des tortues grecques ; l’Afghanistan, le Pakistan ou encore le Kazakhstan pour la tortue des steppes). Concernant la tortue grecque, les avis des éleveurs sont toutefois très partagés sur la nécessité d’une hibernation, notamment parce qu’il existe de nombreuses sous-espèces aux origines géographiques très différentes.

LES AVANTAGES DE L’HIBERNATION

L’hibernation fait partie intégrante du cycle biologique et métabolique de nombreuses espèces de tortues terrestres. Pour plusieurs d’entre elles (Testudo hermanni et certaines sous-espèces de Testudo graeca), il a été démontré que cette période était essentielle, même en captivité.

En premier lieu, il a été constaté que certains spécimens, bien que volontairement élevés en terrarium chauffé pendant l’hiver pour éviter leur entrée en hibernation, présentaient tout de même une période de semi-léthargie et de dysorexie, signe que l’hibernation fait partie intégrante du cycle métabolique, et que d’autres facteurs environnementaux (photopériode) et hormonaux semblent intervenir dans son déclenchement.

En second lieu, un impact bénéfique a été observé sur la croissance, la longévité et la reproduction. A contrario, les tortues juvéniles qui n’hibernent pas et sont élevées en terrarium chauffé connaissent une croissance plus rapide, potentiellement responsable de déformations de la carapace (photo 1). Il est donc recommandé de faire hiberner les tortues terrestres, et ce, dès leur première année de vie si celles-ci sont nées suffisamment tôt dans la saison, en août, soit dès l’âge de 3 mois environ (photo 2). Toutefois, beaucoup d’éleveurs restent réticents et ne pratiquent pas d’hibernation la première voire la seconde année, ou bien elle est réduite à une courte durée (un à deux mois par exemple). Les positions divergent beaucoup sur le sujet.

LA PRÉPARATION DE L’HIBERNATION

→ Les précautions à prendre. L’hibernation ne doit être pratiquée que sur des animaux en bon état d’embonpoint et de santé. Ils doivent avoir été bien nourris pendant les six semaines qui précèdent.

Le propriétaire s’assure du bon état d’embonpoint de la tortue en la pesant et en comparant son poids réel à son poids théorique. Ce dernier (P, en grammes) est calculé selon la formule suivante (équation de Donoghue) : P = 0,191 x L3, où L est la distance entre les écailles intergulaires (extrémité antérieure du plastron, la partie inférieure de la carapace) et l’écaille supracaudale (extrémité postérieure de la dossière, la partie supérieure de la carapace, photo 3). Une tortue dont le poids réel est inférieur à 90 % du poids théorique ne doit pas hiberner. Par exemple, si ce dernier est de 100 gr, l’animal devra peser plus de 90 gr. De plus, une tortue ne doit pas perdre plus de 1 % de son poids vif par mois d’hibernation, et plus de 10 % pendant toute l’hibernation.

Il convient ensuite de s’assurer du bon état de santé de la tortue, en l’examinant et en recherchant d’éventuels signes de maladie infectieuse (jetage nasal, gonflement palpébral, etc.) ou parasitaire. Une vermifugation peut être indiquée quelques semaines avant l’hibernation (photo 4). Une tortue présentant des signes de maladie infectieuse ou parasitaire ne doit pas hiberner.

Enfin, il existe d’autres contre-indications : chez les femelles tortues gravides (ce cas est peu fréquent, car la ponte a généralement lieu bien plus tôt dans l’année), les bébés issus de naissances tardives, entre la deuxième quinzaine de septembre et début octobre (car ils n’ont pas le temps de constituer des réserves suffisamment importantes pour hiberner dans de bonnes conditions, ce qui n’est pas le cas des spécimens nés en août), et pour les juvéniles nés malformés ou ayant mal “démarré” (poids et croissance trop limités pour leur âge). Il est important également de garder à l’esprit que cette étape se prépare à l’avance : une hibernation mal réalisée est pire que l’absence d’hibernation.

→ L’entrée en hibernation. Chez les animaux ectothermes (amphibiens, reptiles), dont la température corporelle est identique à celle du milieu extérieur, l’entrée en hibernation est principalement déclenchée par la chute progressive de la température extérieure. Environ dix jours avant de plonger dans cet état, les tortues entrent d’elle-même en période d’anorexie, ce qui évite la persistance d’aliments non digérés au sein du tube digestif, qui pourraient être à l’origine d’une putréfaction et d’une intoxication pendant l’hibernation. Ainsi, durant cette période, il est conseillé de ne plus proposer de nourriture et de réaliser un bain d’eau tiède quotidien, qui stimulera la défécation et permettra de surveiller la bonne élimination des dernières selles.

Chez les reptiles, et donc chez les tortues, le métabolisme lent et la capacité d’extraction de l’oxygène et à supporter de fortes concentrations sanguines d’acide lactique leur permettent de vivre en anaérobiose (milieu pauvre en oxygène) pendant plusieurs mois. Les espèces originaires de régions tropicales n’hibernent pas, mais peuvent présenter une période d’estivation, pendant laquelle elles s’enterrent dans le sol pour résister aux fortes températures estivales.

LES MODES D’HIBERNATION

Il existe deux modes possibles d’hibernation : naturelle (en extérieur) et artificielle (en intérieur).

→ L’hibernation naturelle. Plus proche des conditions de vie naturelle, l’hibernation en extérieur est à privilégier autant que possible. Elle consiste à laisser la tortue dans son enclos extérieur, en mettant à sa disposition un abri hermétique et étanche (l’hibernaculum, voir encadré). Cet abri lui assure une protection contre le gel, l’humidité, les courants d’air et les prédateurs, principalement représentés par les rongeurs, pouvant être responsables de morsures des pattes et de la carapace. Durant les beaux jours, la tortue va s’habituer à utiliser cet abri pour se cacher pendant la nuit, et s’en servira ainsi ensuite pour hiberner à l’arrivée de l’hiver.

L’absence d’abri expose l’animal au risque de s’enterrer trop superficiellement à la base d’une haie, d’une plante ou d’un arbuste, et de ne pas être suffisamment protégée contre le gel. Pour l’inciter à utiliser son abri, la coupe régulière de la base des haies et des arbustes est nécessaire.

→ L’hibernation artificielle. Elle consiste à faire hiberner la tortue dans une boîte ou une caisse hermétique et étanche (hibernaculum) dès son entrée en léthargie. Celle-ci est ensuite mise dans une pièce calme, sombre, dont la température est comprise entre 0 et 10 °C (idéalement 4 à 8 °C), à l’abri du gel, de l’humidité, des courants d’air et des rongeurs : abri de jardin, cellier, garage, grenier, sous-sol, cave à vin, vide sanitaire, etc.

L’hibernation en intérieur est à réserver à certains cas particuliers : pour les tortues élevées dans des régions du nord de la France où l’hiver est rigoureux et/ou très humide, notamment dans le cas des espèces réputées fragiles (Testudo graeca, Testudo horsfieldii), lors de période de gel importante, et pour les tortues juvéniles d’âge inférieur ou égal à 3 ans. Ce mode présente l’avantage de faciliter la surveillance hebdomadaire des animaux : vérification de la température de l’hibernaculum, du bon état de léthargie, du poids, etc.

LA SORTIE D’HIBERNATION

La sortie d’hibernation, ou réveil, a lieu au printemps, en général au début du mois de mars. En raison de la remontée de la température, les tortues sortent progressivement de leur léthargie et reprennent peu à peu une activité et une alimentation normale. Pour les tortues ayant hiberné en intérieur, la remontée des températures est réalisée en réchauffant progressivement l’animal sur une période de quinze jours, de façon à éviter tout choc thermique. Son poids est contrôlé : la perte ne doit pas excéder plus de 10 % du poids avant hibernation. Un bain d’eau tiède de quinze minutes permet ensuite de réhydrater l’animal, par voie percloacale (la vessie des tortues jouant le rôle de réserve d’eau et d’électrolytes) et en stimulant la prise de boisson spontanée. Un examen clinique est enfin réalisé pour dépister tout signe de maladie infectieuse.

En cas de redoux (remontée précoce et transitoire de la température en hiver, pouvant précéder une nouvelle phase de froid et de gel), il arrive que les tortues sortent prématurément d’hibernation. Dans ce cas, il est utile de les rentrer et de les réchauffer progressivement par palier, pour éviter qu’elles ne subissent un coup de froid par la suite.

L’HIBERNACULUM

L’hibernaculum est le refuge qui sert à l’hibernation d’un animal. Par extension, ce terme désigne également la boîte dans laquelle l’hibernation artificielle est réalisée.

→ Lors d’hibernation en extérieur, l’hibernaculum doit être placé à l’abri du vent et de l’ensoleillement, afin d’éviter un réveil prématuré des tortues en cas de redoux transitoire pendant l’hiver. Il est indispensable de le construire en surélévation par rapport au sol, pour empêcher les infiltrations d’eau de pluie. Une surface de 1 m2 peut abriter six à huit tortues adultes, et une hauteur minimale de 30 cm est nécessaire. Le refuge peut être construit en bois (planches épaisses, traitées contre l’humidité) ou en dur (béton, briques, parpaings). Les fondations, en béton ou en grillage solide, permettent d’éviter l’entrée de rongeurs. Le toit doit être incliné, pour permettre l’évacuation de la pluie (tuiles, tôle ondulée), avec une ouverture (trappe, toit amovible) pour contrôler l’état de santé des tortues. L’aération est assurée par des trous grillagés aménagés dans les côtés de l’abri. L’accès doit être protégé contre les courants d’air (positionnement sur le côté de l’abri, utilisation de bandes plastiques pour chambre froide) et il peut être fermé afin d’empêcher l’intrusion de rongeurs. Le substrat sera constitué d’une couche de 15 à 20 cm de terre, de terreau ou de tourbe légère et meuble permettant aux tortues de s’enfouir. Le sable, trop compact et granuleux, est à éviter. L’espace restant est comblé par du foin, de la paille ou des feuilles sèches, changés une à deux fois par an, qui joueront un rôle d’isolant thermique. Les feuilles de noyer sont, par leur forte odeur, un répulsif naturel contre les rongeurs.

→ Pour l’hibernation en intérieur, l’hibernaculum peut être une caisse en bois ou une boîte en polystyrène. La surface doit être de quatre à cinq fois la taille de la tortue, soit en moyenne 40 à 50 cm de côté, pour une hauteur moyenne de 70 cm. Une isolation est possible en périphérie par du polystyrène ou de la mousse polyuré thane. L’aération est assurée par la présence de trous percés sur les côtés ou dans le couvercle. Le substrat est identique à celui utilisé pour l’hibernation naturelle. La présence d’un thermomètre affichant les maxima et minima est utile pour surveiller la bonne température de l’ensemble dans le temps. Idéalement, un hibernaculum par tortue est conseillé pour limiter le stress.

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