Formation
MÉDECINE CANINE
Auteur(s) : Sophie Guiter
Fonctions : docteur vétérinaire, CES de diététique canine et féline
– Le système immunitaire d’un organisme est un système biologique de reconnaissance et de défense qui différencie le soi du non-soi.
Il protège l’organisme contre les agents extérieurs et tolère ses constituants. Les maladies auto-immunes surviennent lorsque cette tolérance au soi se rompt. Le système immunitaire devient alors pathogène.
Les maladies auto-immunes sont presque toujours des affections graves mais rares. Chez les carnivores domestiques, les sujets les plus fréquemment atteints sont jeunes (entre 2 et 7 ans).
En temps normal, les éléments étrangers qui pénètrent dans l’organisme sont reconnus comme tels et éliminés ou détruits. C’est le cas pour les virus, les bactéries, les parasites ou les champignons, mais aussi pour toute particule ou molécule (dont les “poisons”).
Sommairement, l’organisme fait appel à deux systèmes de défense qui agissent en synergie :
→ les mécanismes non spécifiques (ou innés), tels que la barrière cutanée et muqueuse, l’acidité gastrique, les larmes (qui évacuent mécaniquement les corps étrangers de l’œil) ou les cellules phagocytaires (macrophages) du système immunitaire ;
→ les mécanismes spécifiques du système immunitaire, à savoir l’action des lymphocytes et la production d’anticorps dirigés spécifiquement contre l’élément étranger.
Lorsque l’organisme se défend bien et survit à l’attaque, son système immunitaire garde en mémoire les caractéristiques de l’agresseur. Lors de nouvelle rencontre avec ce dernier, il répondra encore plus rapidement à l’agression, grâce à l’action de lymphocytes mémoires. Les vaccins fonctionnent sur ce principe.
La réponse immunitaire correspond à l’activation des mécanismes du système immunitaire à la suite de la reconnaissance de particules étrangères. Cette détection repose sur les récepteurs du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) situés sur la paroi des cellules immunitaires.
L’immunité humorale agit par l’intermédiaire d’immunoglobulines (ou anticorps) produites par les lymphocytes B et circulant dans le sang ou présentes localement dans diverses sécrétions.
L’immunité cellulaire fait intervenir des lymphocytes T qui ciblent les cellules atteintes (infectées ou cancéreuses, par exemple). Il en existe plusieurs types :
→ les lymphocytes T cytotoxiques détectent les cellules infectées via des récepteurs particuliers et les détruisent (avec l’agent pathogène qu’elles hébergent) ;
→ les lymphocytes T auxiliaires interagissent avec les macrophages qui phagocytent les substances étrangères et produisent des cytokines (interleukines) favorisant la multiplication des lymphocytes B et T.
→ Enfin, des cellules tueuses, les lymphocytes NK (natural killer), sont impliquées dans l’immunité spécifique ou non spécifique selon le cas.
Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), « les maladies auto-immunes résultent d’un dysfonctionnement du système immunitaire qui s’attaque aux constituants normaux de l’organisme ou “auto-antigènes” ».
Les principales maladies auto-immunes du chien et du chat se manifestent par un trouble sanguin (anémie hémolytique) ou cutané (pemphigus, lupus). Leur cause n’étant pas toujours établie, elles sont assez inquiétantes pour les propriétaires et nécessitent beaucoup d’investissement de leur part. Certaines races sont prédisposées. Toutefois, la plupart du temps, l’origine de ce dysfonctionnement grave reste inconnue.
Lors d’anémie hémolytique à médiation immune (AHMI), le système immunitaire ne reconnaît plus les hématies comme faisant partie de l’organisme et les détruit. Ces anémies touchent plutôt des animaux jeunes ou d’âge moyen. Elles sont plus fréquentes chez le chien que chez le chat. Certaines races sont prédisposées : le cocker, le caniche, le bobtail, le setter irlandais, le pinscher nain, le border collie.
Les anémies hémolytiques à médiation immune peuvent être primaires sans cause identifiée (idiopathiques) ou secondaires à une autre maladie (voir encadré). Dans ce cas, il convient de la diagnostiquer car l’élimination de la cause sous-jacente est essentielle pour un traitement efficace.
Les anémies sont des maladies très fréquentes, parfois dramatiques, dont il importe de caractériser la nature régénérative (cas le plus courant) ou arégénérative.
Les signes cliniques sont extrêmement variés : faiblesse et abattement, intolérance à l’exercice, collapsus, vomissements et diarrhée, pâleur des muqueuses, tachypnée, tachycardie, hépatite (jaunisse, urines foncées), rate et/ou foie de taille augmentée, hyperthermie, ganglions de taille accrue. Le bilan hématologique révèle une baisse du taux d’hémoglobine (Hb inférieur à 10 g/100 ml) et une diminution du nombre d’hématies. Le taux de réticulocytes (cellules précurseurs des globules rouges) permet d’évaluer si l’anémie est arégénérative (signe d’une maladie plutôt chronique) ou régénérative (anémie souvent aiguë, secondaire à une intoxication, une infection ou une autre maladie auto-immune).
Un test de Coombs peut être réalisé pour mettre en évidence l’implication du système immunitaire. Néanmoins, son résultat est à interpréter avec prudence à cause de l’existence de faux négatifs. Si une infection est suspectée, une sérologie ou une analyse par polymerase chain reaction (PCR) est pratiquée. Enfin, les examens d’imagerie médicale (radiographie, échographie thoracique et/ou abdominale) servent à écarter d’autres causes sous-jacentes ou maladies associées à l’AHMI : néoplasies, maladies inflammatoires ou cardiaques.
Lors d’anémie grave, il est parfois nécessaire de commencer par stabiliser l’animal : perfusion, transfusion lorsque l’hématocrite est très basse (inférieure à 10 %), antibiothérapie, etc.
Les anémies primaires requièrent un traitement immunodépresseur puissant : corticoïdes à dose immunosuppressive (prednisolone, dexaméthasone), et éventuellement azathioprine, cyclosporine, chlorambucil. Le traitement est généralement prescrit pendant trois semaines au minimum, puis poursuivi à dose décroissante pendant six semaines. Dans tous les cas, il est adapté selon les résultats des examens de contrôle (cliniques et sanguins). Un suivi régulier de l’animal est essentiel. Souvent, le traitement d’entretien est maintenu à la plus faible dose efficace.
Les anémies secondaires ne répondent pas bien au traitement tant que la cause sous-jacente n’est pas trouvée (parasites sanguins, néoplasie) et prise en charge.
Ces maladies résultent de la production d’anticorps dirigés contre les tissus ou les structures d’un organisme. D’un point de vue clinique, les maladies “bulleuses” (telles que les pemphigus) sont distinguées de celles non bulleuses (les lupus).
→ Le pemphigus foliacé, même s’il reste rare, est la maladie auto-immune à expression cutanée la plus fréquente chez les carnivores domestiques. Il touche en général les jeunes adultes, mais il peut survenir à tout âge. Aucune prédisposition raciale n’est connue chez le chat. En revanche, les akita, le chow-chow, le montagne des Pyrénées et les teckels sont des races canines prédisposées.
La cause du pemphigus foliacé demeure souvent inconnue. Il peut être consécutif à une dermatose chronique ou à un traitement médical, mais se manifeste aussi de façon spontanée.
La lésion primaire est une pustule large (pas toujours repérée par le propriétaire), qui évolue rapidement en croûte, sous laquelle se trouve une érosion. Dans la plupart des cas, les lésions se situent sur la face, mais elles se développent sur tout le corps en quelques semaines à quelques mois. Elles se caractérisent par leur aspect symétrique et bilatéral. Elles sont associées à un prurit dans la moitié des cas.
Chez le chat, le pemphigus foliacé est principalement facial (lésions sur le museau et les oreilles). Une localisation sur le bout des pattes et les mamelles renforce le diagnostic.
L’état général de l’animal, ainsi que sa démarche lors d’atteinte des coussinets plantaires, peuvent être altérés.
Pour confirmer le diagnostic, la cytologie se révèle parfois intéressante. Cependant, seule l’histologie offre un diagnostic de certitude, qui est éventuellement à compléter par un examen d’immunofluorescence.
Le traitement dépend de l’espèce et de la gravité des lésions. Il comprend généralement des corticoïdes (localement ou par voie générale) parfois associés à des immunosuppresseurs (azathioprine, chlorambucil), surtout chez le chien. Cette thérapie nécessite un suivi régulier et une forte implication de l’équipe soignante et du propriétaire.
Le pronostic est variable selon l’animal. Il n’est pas exclu, lors d’échec du traitement, d’envisager l’euthanasie.
→ Le pemphigus érythémateux est une maladie dermatologique rare qui affecte surtout le colley. Elle se manifeste par l’apparition de vésicules, de bulles, d’ulcérations et de croûtes au niveau des jonctions cutanéo-muqueuses. Le traitement associe des corticoïdes à des immunosuppresseurs.
→ Le lupus érythémateux disséminé. Parmi les maladies non bulleuses, il existe cette forme de lupus grave, mais rare. Cette affection auto-immune multisystémique se caractérise par la formation d’anticorps dirigés contre de nombreux auto-antigènes différents, d’où la formation de complexes immuns (antigène-anticorps) qui circulent dans l’organisme. Tous les organes peuvent être touchés. Toutefois, les lésions affectent le plus souvent les articulations, les reins et la peau : autour des yeux, sur la truffe (ulcères), le chanfrein (dit en “ailes de papillon”) et la bouche.
La cause est non identifiée. Une aggravation est cependant observée lors d’exposition aux rayons ultraviolets. Certaines races de chiens sont prédisposées : le shetland, le berger allemand, le beagle, le setter, le caniche, le lévrier afghan, etc.
Le diagnostic est fondé sur l’expression clinique et des tests sérologiques (mais des résultats faussement négatifs sont fréquents). Le traitement repose sur des médicaments immunosuppresseurs et la mise au repos de l’animal lors des phases aiguës. La rémission est rarement obtenue.
→ Le lupus érythémateux discoïde est une forme moins grave, cantonnée à la face et au territoire cutané. Le traitement associe généralement l’application cutanée d’une pommade corticoïde, une protection contre les ultraviolets et, parfois, une corticothérapie par voie générale (comprimés).
→ La polyarthrite est une maladie inflammatoire chronique des articulations des membres d’origine auto-immune. Elle est susceptible d’apparaître chez des animaux de tout âge.
Elle débute souvent au niveau du tarse et du carpe, sans cause précise. Le propriétaire consulte car son chien présente des boiteries, qui touchent les membres en alternance, et une démarche raide. L’animal n’apprécie plus les promenades, ni les jeux, et rechigne à se déplacer. Une hyperthermie et des plaintes sont aussi susceptibles de survenir.
Initialement, la polyarthrite atteint la membrane synoviale de l’articulation. Mais après quelques semaines, d’autres structures peuvent être affectées : les gaines des tendons, le tissu sous-cutané, le péricarde, la plèvre, les artères de faible diamètre, etc.
Lors des phases aiguës, le vétérinaire prescrit des anti-infammatoires (AINS, corticoïdes), afin de diminuer la douleur et les gonflements. Des soins de physiothérapie peuvent aussi être proposés, pour soulager les articulations et éviter les déformations articulaires. Le traitement est long et le suivi de l’animal est indispensable (consultations mensuelles, au moins au début) afin de s’adapter à la réponse clinique.
→ La glomérulonéphrite d’origine auto-immune peut être primaire ou secondaire à une infection, un parasite (dirofilariose), un cancer, une autre maladie auto-immune. Cette affection est potentiellement mortelle.
Les chiens atteints présentent une léthargie, une perte de poids, une ascite (accumulation de liquide dans l’abdomen), des œdèmes. Lorsque les lésions des reins s’aggravent, l’animal manifeste des symptômes d’insuffisance rénale (polyuro-polydipsie, vomissements, etc.).
Le diagnostic est posé par l’exclusion des autres causes possibles d’affections rénales et, parfois, les résultats d’une biopsie. La glomérulonéphrite primaire peut être traitée par l’administration de médicaments et l’instauration d’un régime diététique (réduction des protéines alimentaires). Les soins, de longue durée encore une fois, nécessitent une réévaluation du cas tous les trois à six mois.
S’attaquer à son propre organisme est le propre des maladies auto-immunes. Quelle folie ! Cette déviance est d’autant plus énigmatique que les causes restent souvent inconnues, le traitement et le pronostic incertains. Tout cela fait beaucoup de “si” et demande au propriétaire un investissement affectif – et financier – important. À ses côtés, l’équipe soignante le soutient par sa réactivité et son niveau de compétence, et s’implique dans le suivi régulier et attentionné de l’animal. C’est l’enjeu de ces maladies et le défi à relever, afin de soulager, sinon guérir, et parfois sauver celui-ci.
Les anémies hémolytiques à médiation immune peuvent être secondaires à :
→ une autre maladie à médiation immune (lupus érythémateux systémique ou autre) ;
→ une maladie infectieuse ou parasitaire (ehrlichiose, anaplasmose, babésiose, hémobartonellose, leptospirose, parvovirose, pyomètre) ;
→ une néoplasie (lymphome, hémangiosarcome, leucémie, carcinome, sarcome) ;
→ une intolérance à un médicament (antibiotique, vaccin) ou à un aliment (oignon, ail) ;
→ un défaut intrinsèque des globules rouges (déficience de phosphofructokinase et pyruvate kinase, par exemple).
Source : Hernandez.
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