Formation
MÉDECINE BOVINE
Auteur(s) : Anne Barbier
Fonctions : Vét’el
– Les avortements en élevage bovin constituent un problème bien connu des vétérinaires et font partie des symptômes rencontrés dans certaines maladies récentes (fièvre catarrhale, virus de Schmallenberg) ou dont l’impact économique est élevé (rhinotrachéite infectieuse bovine [IBR], maladie des muqueuses [BVD], néosporose), voire transmissibles à l’homme. Ils peuvent précéder ou révéler la présence d’une maladie contagieuse dans le cheptel, qu’il convient d’identifier – ou d’infirmer – et de maîtriser dans les meilleurs délais.
Au sens large, toute interruption de la gestation avant son terme est un avortement. Légalement, celui-ci est défini comme l’expulsion d’un fœtus ou d’un veau soit mort-né, soit mourant dans les 48 heures après sa naissance. Cette définition inclut les fœtus de plus de 42 jours nés avant terme, viables ou non. Avant, il s’agit de résorption de l’embryon (voir photo 1), laquelle relève souvent de la même problématique.
→ Déclaration obligatoire.
Selon la loi, tout avortement d’un bovin est à déclarer au vétérinaire sanitaire de l’élevage, afin qu’il recueille les commémoratifs pour analyser la situation épidémiologique et réalise des prélèvements à la recherche de la brucellose uniquement (prise de sang au minimum, parfois écouvillon du col). Cette visite doit être réalisée rapidement. Elle est totalement gratuite pour l’éleveur. Pourtant, aujourd’hui, seul un tiers environ des avortements seraient déclarés et, paradoxalement, encore moins en élevage allaitant !
Les raisons de cette sous-déclaration sont nombreuses, parfois combinées entre elles : la recherche sérologique brucellique revient – presque – toujours négative (heureusement !) ; la brucellose est réputée être une maladie du passé ou se manifester par des avortements en série ; la prophylaxie annuelle suffit ; l’éleveur n’a pas le temps ; la vache a subi un choc (transport, coup de corne, bousculade, chute) supposé expliquer l’avortement ; le vêlage a été dystocique ; un avortement sporadique n’est pas inquiétant et fait partie des accidents banals de la reproduction, etc. Finalement, il est courant que l’éleveur pense à déclarer enfin les avortements lorsque leur nombre lui semble anormal ou que plusieurs se produisent en fin de gestation sur une courte période.
En pratique, plus de deux avortements mensuels, trois dans l’année ou une proportion qui dépasse 4 % dans un troupeau de plus de 100 vaches constituent les seuils d’alerte au-delà desquels il devient urgent de s’intéresser au problème.
→ Sensibilisation des éleveurs. En 2014, le thème de la visite sanitaire bovine (VSB), obligatoire pour les élevages qui comprennent au minimum cinq femelles de plus de 2 ans et désormais annuelle, porte justement sur la déclaration des avortements. Son but n’est pas de contrôler le respect de la loi qui impose aux éleveurs de les déclarer à leur vétérinaire sanitaire, mais d’obtenir des informations de terrain afin d’améliorer le système actuel et de sensibiliser ceux-ci à l’importance d’y avoir recours.
Ce dispositif de surveillance a prouvé son efficacité en 2012, lorsqu’un cas de brucellose bovine a été confirmé en Haute-Savoie grâce à l’analyse réalisée à la suite de la déclaration d’un avortement. Cette même année, un autre élevage français du Pas-de-Calais a été déclaré infecté par l’achat d’un bovin brucellique provenant de Belgique et a subi un abattage total.
→ Évolution de la maladie en France. Si, jusqu’en 1980, la brucellose était la première cause d’avortement en France, les nombreuses années de prophylaxie et le dispositif de surveillance mis en place en 1965 ont permis à notre pays d’acquérir un statut indemne vis-à-vis de cette maladie bactérienne depuis 2005. La perte de celui-ci, lors de foyers non maîtrisés ou non rapidement circonscrits, aurait de graves conséquences économiques, car cela perturberait les exportations d’animaux, de leur viande et des produits laitiers.
En plus de la détection de la brucellose, il est possible de demander des analyses de recherche d’autres maladies infectieuses abortives. En effet, l’origine des avortements peut être multifactorielle. Toutefois, lorsque la cause est connue, soit dans 20 à 40 % des cas seulement, ceux-ci sont majoritairement dus à des agents infectieux (voir encadré).
La recherche de ces maladies infectieuses s’effectue à partir du sang de la mère ou du fœtus, de mucus vaginal, d’un prélèvement de placenta, des organes de l’avorton ou, idéalement, de l’avorton entier. Le laboratoire cherche à isoler le germe ou une fraction, ou met en évidence son matériel génétique (polymerase chain reaction). La présence d’anticorps dans le sang des femelles avortées est également facilement dosée. Elle nécessite cependant une interprétation : elle est parfois négative en début d’infection ou seulement la trace d’un contact antérieur avec l’agent infectieux, sans lien avec l’avortement actuel.
Les chances d’identifier le micro-organisme responsable sont d’autant plus grandes que le vétérinaire est intervenu précocement et que l’avorton est en bon état de conservation. À la clinique, les prélèvements doivent être conservés au frais et parvenir rapidement au laboratoire, sous couvert du froid. Seuls les prélèvements pour PCR peuvent être congelés, sous réserve d’arriver au laboratoire non décongelés, ce qui est rarement réalisable en pratique. Des sérologies sur d’autres vaches du troupeau, elles-mêmes avortées ou ayant des problèmes de fécondité, sont aussi susceptibles d’orienter le diagnostic. Attention, la recherche de certains agents abortifs n’est effectuée que par quelques laboratoires. Plusieurs groupements de défense sanitaire (GDS) prennent en charge tout ou partie du diagnostic différentiel des avortements, ce qui incite fortement l’éleveur à avoir recours aux analyses de laboratoire.
→ Les traitements. Au premier rang des avortements non infectieux se trouvent les traitements abusifs par méconnaissance des effets du médicament, du protocole de soins ou de l’état de gestation de la femelle. Certains produits peuvent faire avorter une vache (et sont utilisés à cet effet pour les deux premiers) : les prostaglandines, les corticoïdes dans le dernier tiers de la gestation, la xylazine (anesthésique) dans le dernier mois de gestation.
→ Les facteurs environnementaux. Toutes les sources de stress, telles que les interventions douloureuses ou les manipulations brutales, les coups, les bousculades, les glissades, le transport, la prophylaxie (!), voire les fortes chaleurs, sont souvent évoquées sans réelle preuve par les éleveurs comme causes des avortements qu’ils observent. Ces facteurs augmenteraient les contractions utérines. Le plus souvent, ils ont surtout pour effet d’occulter l’origine infectieuse ou d’en différer la recherche, ce qui n’est pas idéal ! En revanche, c’est un argument supplémentaire qu’il est utile de saisir pour insister sur l’importance des moyens de contention, le calme et la formation des opérateurs amenés à intervenir sur les animaux.
→ L’alimentation. En France, où la nutrition des bovins est assez bien maîtrisée par les éleveurs, les avortements dus à des carences énergétiques, en vitamines, en minéraux et en oligo-éléments ne sont pas décrits. En revanche, un déficit énergétique en début de lactation, ainsi que les excès azotés autour de l’insémination sont susceptibles d’accroître la mortalité embryonnaire.
Certaines plantes toxiques, telles que les aiguilles de pin, certains genêts, le cyprès, l’astragale, etc., sont connues pour leur propriété abortive. Elles ne sont pas consommées spontanément par les bovins, ou en trop faible quantité pour provoquer un avortement. Des légumineuses – telles que le soja, la luzerne ou le trèfle – présentes dans la ration produisent naturellement des phyto-œstrogènes qui, ingérés en grande quantité, conduisent à des troubles de la reproduction. Des toxines produites par les moisissures des fourrages mal conservés (voir photo 2) ou par des bactéries en cas de maladies (mammites, acidose), du plomb, des nitrates ou des produits phytosanitaires contaminant l’eau de boisson ou la nourriture des bovins peuvent faire avorter. Une forte fièvre de la mère, quelle que soit son origine, est parfois responsable d’avortement à n’importe quel stade de gestation.
Si l’auxiliaire est informé de la survenue d’un avortement, cela sous-entend que l’éleveur a respecté l’obligation d’appeler son vétérinaire sanitaire et qu’il n’est plus nécessaire de l’y sensibiliser ! Des mesures sanitaires seront idéalement mises en place dès la suspicion d’une maladie infectieuse afin de limiter la contamination au sein du troupeau et vers les cheptels voisins.
→ Isoler la vache avortée. Si les avortements sont sous-déclarés, l’isolement de la femelle concernée en attendant les résultats de laboratoire est encore plus rare. Pourtant, il est essentiel pour limiter les risques de contamination éventuelle des autres animaux, voire des hommes. En effet, la brucellose, la listériose, les salmonelloses, la fièvre Q et la chlamydiose sont des zoonoses, transmissibles à l’homme par contact direct avec les animaux atteints ou par la consommation de leur lait ou viande. La plupart du temps, ces maladies zoonotiques sont rares, bénignes ou guérissent bien, sauf chez les personnes dont le système immunitaire est immature ou défaillant : les jeunes enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes (susceptibles, elles aussi, d’avorter) et les immunodéprimés (malades du sida, greffés sous traitement immunosuppresseur, patients qui reçoivent des corticoïdes à haute dose ou qui souffrent de maladies intercurrentes les affaiblissant).
→ Écarter le lait et la viande de la consommation. Le lait des vaches avortées ne doit pas être livré avant la fin des écoulements vaginaux et jusqu’au retour du résultat négatif de recherche de la brucellose. De même, si l’animal présente des signes cliniques, c’est-à-dire s’il est malade, il ne doit pas être présenté à l’abattoir. Lors de salmonellose ou de listériose avérée dans un élevage, l’éleveur renseigne le verso de l’attestation sanitaire (carte verte) de toutes les bêtes du cheptel envoyées à l’abattoir et informe sa laiterie s’il produit du lait cru.
→ Prendre des mesures d’hygiène. L’éleveur ou tout intervenant dans le troupeau doit prendre les précautions d’hygiène qui s’imposent et porter des gants pour aider la vache à mettre bas, la délivrer ou manipuler l’avorton. S’il n’utilise pas de casaque de vêlage jetable, ses vêtements sont lavés à haute température et le matériel utilisé est soit jeté soit lavé et désinfecté, ainsi que le local de vêlage. L’avorton et la délivrance sont à conserver, par exemple dans une vieille glacière réservée à cet usage, en attendant le passage du vétérinaire qui procédera à des prélèvements ou à l’autopsie du fœtus. Puis ils seront détruits (brûlés ou enfouis profondément) ou mis à l’équarrissage, et non pas déposés sur le fumier où les chiens, les chats et les oiseaux peuvent accéder (voir photo 3). Il est à noter que les avortons de plus de 7 mois sont à identifier par une boucle auriculaire.
→ Surveiller la vache et la traiter. La vache est à surveiller afin de détecter d’autres troubles de santé et de soigner une éventuelle métrite consécutive à la rétention placentaire, courante lors d’avortement. Lorsque la cause est bactérienne ou supposée l’être, le vétérinaire peut instaurer un traitement antibiotique. Des vaccins sont commercialisés pour lutter contre un certain nombre de maladies susceptibles de se traduire par des avortements : fièvre Q, BVD, IBR, fièvre catarrhale ovine (FCO), maladie de Schmallenberg, chlamydiose, salmonellose. Enfin, comme pour toute maladie ou tout trouble de santé des animaux, l’éleveur doit penser à enregistrer les avortements dans son carnet sanitaire.
L’auxiliaire vétérinaire intervient donc à différents niveaux, pour renforcer le message des praticiens sur la déclaration des avortements et promouvoir les visites “avortements ou problèmes de fécondité” en connaissant les éventuelles modalités de prise en charge par le groupement de défense sanitaire. Il conseille aussi l’éleveur sur la conduite à tenir lors d’avortement, en insistant sur l’isolement des femelles qui ont avorté et sur les précautions d’hygiène essentielles, et veille à la confection, à la conservation et à l’acheminement dans de bonnes conditions des colis qui contiennent les prélèvements.
Divers agents infectieux sont responsables d’avortements chez les bovins. Parmi les maladies les plus importantes figurent :
→ des bactéries : brucellose, fièvre Q, salmonellose, listériose, chlamydophilose, leptospirose, campylobactériose, erhlichiose (transmise par les tiques) ;
→ des virus : BVD, IBR, herpèsvirus, fièvre catarrhale bovine (FCO), maladie de Schmallenberg ;
→ des parasites (protozoaires) : néosporose, plus rarement toxoplasmose ;
→ des champignons : aspergillose, candidose.
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