L’anesthésie générale des NAC - Ma revue n° 1593 du 01/07/2014 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 1593 du 01/07/2014

Dossier

Auteur(s) : Julien Goin

Fonctions : docteur vétérinaire, assistant hospitalier du service des animaux d’espèces inhabituelles d’Oniris (Nantes)

De nombreux examens ou interventions requièrent une anesthésie chez les NAC. La préparation, la procédure anesthésique, le positionnement et la surveillance de l’animal, jusqu’à son réveil, diffèrent parfois selon l’espèce.

L’anesthésie générale est un état temporaire et réversible d’inconscience, d’amnésie, d’analgésie et de myorelaxation, induit par l’administration d’une ou de plusieurs drogues par voie parentérale et/ou inhalatoire. Elle est réalisée dans un but diagnostique (tests, prélèvements) ou thérapeutique (soins, procédures chirurgicales). Elle fait l’objet d’une surveillance (monitoring), qui vise à limiter ses effets secondaires sur les fonctions vitales, donc le risque de complications. Elle est précédée d’un examen clinique destiné à vérifier l’identification (espèce, race, sexe, âge) et l’état général de l’animal, car ces données influencent le choix du protocole anesthésique. Cette étape permet également de rappeler au propriétaire qu’en anesthésie le risque zéro n’existe pas.

En raison de leur petite taille et du stress facilement ressenti par de nombreuses espèces de NAC, le recours à l’anesthésie générale est fréquent : examen clinique d’un animal vif (écureuil de Corée) ou difficile à manipuler (hérisson), examen et soins dentaires (lapin, rongeurs), réalisation d’une prise de sang ou d’un examen radiographique, chirurgie, etc.

LA DIÈTE PRÉANESTHÉSIQUE

Chez les petits mammifères, la diète préanesthésique est courte, de deux à quatre heures au maximum. Chez le furet, le transit digestif est rapide (trois à quatre heures en moyenne) et une diète trop longue prédispose au risque d’hypoglycémie, notamment si l’animal présente un insulinome pancréatique, tumeur fréquente dans cette espèce. Chez le lapin et les rongeurs, la conformation gastrique rend impossibles les vomissements, limitant les indications d’une diète prolongée. Dans les espèces herbivores (lapin, cobaye, chinchilla, octodon), une diète trop longue prédispose au risque d’arrêt du transit digestif.

Chez les oiseaux, dont le métabolisme énergétique est élevé, la diète doit également être brève (deux à trois heures au maximum), voire nulle pour ceux de poids inférieur à 100 g, tels que les petits passereaux (canaris, diamants, pinsons).

Chez les reptiles, dont le métabolisme énergétique est moins élevé et le transit digestif plus lent, la diète peut être longue, de plusieurs heures à plusieurs jours, sans effet néfaste. Les serpents sont nourris à intervalle de plusieurs jours ou de plusieurs semaines, selon l’espèce et la taille. En outre, ces animaux ne vomissent pas, bien qu’ils puissent régurgiter leur contenu gastrique. L’importance de la diète est donc relative chez ces espèces.

LES ÉTAPES DE L’ANESTHÉSIE

L’anesthésie gazeuse est privilégiée à celle par voie parentérale. En effet, elle présente une plus grande sécurité d’emploi (effets secondaires moins importants, modularité constante de la concentration en oxygène et en gaz anesthésique inhalés) et permet un réveil plus rapide et de meilleure qualité. Un circuit de Bain classique, en position non réinhalatoire, est utilisable.

→ Oxygénation, prémédication et induction anesthésique. L’animal reçoit d’abord une prémédication qui associe généralement un effet de sédation et de tranquillisation (benzodiazépine, sédatif analgésique, anesthésique dissociatif) et un autre analgésique (morphine, butorphanol, buprénorphine). Chez le lapin et les rongeurs, les doses utilisées en prémédication sont souvent beaucoup plus élevées que chez les carnivores domestiques. L’animal est ensuite oxygéné directement au masque ou, mieux, dans une boîte à induction hermétique (voir photo 1).

L’induction anesthésique peut être réalisée par injection intraveineuse, lorsqu’une voie veineuse est accessible, ou par inhalation de gaz au masque ou en boîte à induction. Dans tous les cas, la pose d’un cathéter intraveineux est recommandée, notamment si des pertes liquidiennes sont redoutées durant l’anesthésie (une hémorragie lors d’une intervention chirurgicale, par exemple). En raison de la fragilité et de la taille des veines, des cathéters de petit diamètre, 24 G (jaune) ou 26 G (violet), sont préférés.

La pose d’un cathéter intraveineux est réalisable en routine chez le furet et le lapin. Chez le premier, la veine céphalique est utilisable, comme chez le chien et le chat (voir photo 2). Chez le second, les veines marginale de l’oreille, céphalique et saphène externe peuvent être choisies (voir photo 3). Chez les rongeurs, la pose de cathéter est peu réalisable en pratique du fait de la petite taille des animaux. Chez le cobaye, la veine céphalique est utilisable, mais la pose du cathéter demeure difficile.

Chez les oiseaux, les cathéters peuvent être mis en place aux veines jugulaire (en privilégiant la droite, plus volumineuse que la gauche), alaire (si l’animal est déjà anesthésié, car la fixation du cathéter est délicate à cet endroit) et métatarsienne médiale (voir photo 4).

Chez les reptiles, le tégument épais et la présence d’écailles kératinisées empêchent la visualisation des structures vasculaires. La pose d’un cathéter nécessite donc l’utilisation de repères anatomiques précis. Chez les serpents, le cathéter peut être mis en place à la veine jugulaire (après dissection cutanée), dans le ventricule cardiaque ou dans la veine coccygienne ventrale. Chez les lézards, il est susceptible d’être positionné aux veines céphalique (après dissection cutanée) ou coccygienne ventrale. La perfusion par voie intra-osseuse (crête tibiale) est également envisageable (voir photo 5). Chez les tortues, le cathéter peut être placé à la veine jugulaire droite (après dissection cutanée).

→ Intubation et entretien anesthésique. Lorsqu’elle est possible, l’intubation est réalisée afin de maximiser l’inhalation du gaz anesthésique et d’éviter le risque de fausse déglutition lors de vomissements (furet) ou de régurgitation (oiseaux, reptiles).

Parmi les petits mammifères, le furet et le lapin peuvent être intubés en routine. L’intubation du furet est semblable à celle du chien et du chat, réalisable à l’aide d’une sonde de diamètre de 1,5 à 2 mm en moyenne (voir photo en page 12). Celle du lapin est rendue difficile par la présence d’un long voile du palais qui recouvre l’épiglotte et la faible capacité d’ouverture buccale. L’utilisation d’un laryngoscope est donc conseillée, et l’intubation est susceptible d’être remplacée par la pose d’un masque laryngé, plus rapide à mettre en place. L’intubation des rongeurs n’est pas effectuée en pratique courante du fait de l’étroitesse de la cavité buccale et des voies respiratoires.

Chez les oiseaux et les reptiles, l’absence d’épiglotte et la position craniale de l’orifice trachéal (situé à la base de la langue) facilitent l’intubation. La trachée est constituée d’anneaux cartilagineux complets et rigides. L’intubation s’effectue à l’aide de sondes sans ballonnets, dont le diamètre est équivalent à celui interne de la trachée de l’animal (voir photos 6 et 7). Pour les très petits animaux, l’emploi d’un cathéter souple ou d’une sonde urinaire pour chat coupée à la longueur adaptée est possible. Chez les tortues, la bifurcation trachéale est souvent craniale. L’enfoncement de la sonde d’intubation ne doit pas être réalisé trop profondément.

Lorsque l’intubation est impossible, l’entretien anesthésique est réalisé directement à l’aide d’un masque de taille adapté, dont l’étanchéité peut être optimisée par la mise en place de compresses ou d’un pansement adhésif (voir photo 8).

LE POSITIONNEMENT DE L’ANIMAL

En raison de la petite taille des NAC, toute chose lourde ou inutilement placée sur le thorax (mains d’un manipulateur ou d’un anesthésiste, matériel de soins ou chirurgical) est à éviter. Les globes oculaires sont à protéger par l’application d’un gel hydrique, notamment chez le lapin et les rongeurs en raison de leur proéminence (voir photo 9). Chez les serpents et les vrais geckos, cette précaution est inutile, car ils ne possèdent pas de paupière, mais une écaille transparente qui protège le globe oculaire.

Chez le lapin et les rongeurs, l’incurvation de la trachée incite à éviter de mettre le cou de l’animal en hyperextension, position qui empêche une ventilation efficace.

Chez les oiseaux, les poumons sont inextensibles. La circulation de l’air s’effectue par un système de sacs aériens, dont le remplissage et la vidange sont assurés par les mouvements respiratoires. La position en décubitus sternal, qui prévient l’écrasement de ces sacs par les viscères, est à privilégier.

LA SURVEILLANCE DE L’ANESTHÉSIE

Le monitoring anesthésique comprend notamment la surveillance des réflexes, de la température corporelle, des fonctions cardiaque et respiratoire.

→ Les réflexes qui peuvent être testés pour évaluer la profondeur de l’anesthésie sont moins fiables que ceux du chien et du chat, ou différents. Le réflexe palpébral est utilisable, sauf chez les serpents et les vrais geckos pour les raisons évoquées précédemment. Le réflexe à un stimulus douloureux (pincement d’un membre ou de l’extrémité de la queue) est également exploitable. Celui de retournement (retournement de l’animal après le placement en décubitus dorsal) est possible chez les reptiles.

→  La température corporelle. Chez les petits mammifères et les oiseaux, dont le métabolisme énergétique et le ratio surface/volume sont élevés, le risque d’hypothermie est important. L’animal anesthésié est placé sur un tapis chauffant, et sa température surveillée régulièrement. À défaut de tapis chauffant, il est possible de recourir à des bouillottes (gants ou bouteilles remplis d’eau chaude). Cette mesure est essentielle chez les oiseaux, dont la température corporelle est naturellement élevée (40 à 42 °C en moyenne).

Chez les reptiles, dont le métabolisme est thermodépendant, il est primordial de réchauffer l’animal avant, pendant et après l’anesthésie. En effet, ces animaux sont ectothermes, ce qui signifie que leur température corporelle varie et dépend du milieu extérieur. La métabolisation correcte des molécules administrées nécessite de placer le reptile à sa température moyenne préférentielle (TMP), qui est comprise entre 28 et 35 °C pour la plupart des espèces rencontrées.

→ La fonction cardiaque. Le suivi de la fréquence et du rythme cardiaques s’effectue simplement par la mise en place d’un doppler en région cardiaque. Chez les tortues, en raison de la présence de la carapace, cet appareil est posé au niveau de la fosse axillaire d’un membre antérieur. L’utilisation d’un dispositif électrocardiographique (ECG) est également possible.

→ La fonction respiratoire. Le suivi de la fréquence respiratoire peut être réalisé visuellement. Pour cela, l’emploi d’un champ opératoire transparent est à privilégier. Chez les reptiles, cette surveillance visuelle est souvent difficile (fréquence respiratoire basse et mouvements peu marqués), voire irréalisable chez les tortues en raison de la présence de la carapace. Les appareils de monitoring respiratoire habituels sont également exploitables : capnomètre et détecteur d’apnée lors d’intubation, oxymètre.

LE RÉVEIL ET LE SUIVI POSTANESTHÉSIQUE

L’animal est laissé sous oxygène jusqu’à ce que son état de conscience soit suffisant pour un transfert en salle de réveil. Celui-ci se déroule dans une pièce calme, à l’écart de tout facteur de stress (bruits, forte lumière, présence de chiens ou de chats). Les petits mammifères et les oiseaux sont placés en couveuse, les reptiles dans un terrarium chauffé. Le réveil peut être long chez ces derniers, notamment pour les tortues (de plusieurs heures à un jour).

Chez les petits mammifères et les oiseaux, la reprise alimentaire doit être rapide. En effet, en raison de leur métabolisme énergétique élevé, le risque d’amaigrissement et de lipidose hépatique secondaire est important. En outre, dans les espèces herbivores (lapin, cobaye, chinchilla, octodon), une reprise alimentaire tardive favorise l’arrêt du transit digestif, potentiellement mortel s’il n’est pas pris en charge à temps.

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