Les hernies discales chez le chien - Ma revue n° 1586 du 01/05/2014 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 1586 du 01/05/2014

Formation

MÉDECINE CANINE

Auteur(s) : Élodie Goffart

Fonctions : docteur vétérinaire

CONTEXTE

– Souvent brutaux, les symptômes d’une hernie discale doivent être reconnus par l’auxiliaire. La survenue de cette atteinte nécessite généralement une consultation et un traitement médical et/ou chirurgical en urgence. Si l’intervention tarde, le pronostic s’assombrit rapidement et les chances de récupération de l’animal diminuent fortement.

La hernie discale est une maladie neurologique souvent diagnostiquée chez les carnivores domestiques, en particulier les chiens. Tous sont susceptibles d’être touchés, mais certaines races sont plus exposées à ce risque en raison de leur morphologie spécifique.

QU’EST-CE QU’UNE HERNIE DISCALE

La colonne vertébrale est constituée de vertèbres séparées chacune d’un disque intervertébral, dont le but est d’absorber les chocs physiologiques subis (lors d’une course, d’un saut, etc.). Chaque disque se compose d’un anneau pulpeux gélatineux riche en protéoglycanes, entouré d’un anneau fibrocartilagineux relativement rigide. Le disque (dont l’épaisseur est de 2 à 3 mm en moyenne) est délimité cranialement et caudalement par des plateaux cartilagineux, et dorsalement et ventralement par les ligaments longitudinaux. Au-dessus, dans le canal vertébral, se trouve la moelle épinière, bien protégée et entourée du liquide céphalo-rachidien.

Le disque intervertébral est susceptible de subir deux types de dégénérescence, fibroïde ou chondroïde. Cela entraîne une extrusion du disque (hernie discale de type Hansen I) ou sa protrusion (hernie discale de type Hansen II).

→ La hernie discale par extrusion (Hansen I). Cette atteinte se manifeste lorsque l’anneau fibreux se rompt. L’anneau pulpeux se retrouve alors dans le canal vertébral où il comprime la moelle, ce qui provoque des symptômes majeurs.

La hernie par extrusion est généralement due à une dégénérescence chondroïde qui affecte préférentiellement les chiens de races chondrodystrophiques : le teckel, le caniche nain, le pékinois et le beagle le plus souvent, mais aussi le bouledogue français, le shih tzu et le lhassa apso.

→ La hernie discale par protrusion (Hansen II). Cet autre type de hernie se caractérise par un renflement de l’anneau fibreux dorsal dans le canal vertébral, qui comprime alors les racines nerveuses ou la moelle épinière. Fréquente chez les chiens de grande race (berger allemand, épagneul breton, labrador, griffon), elle est provoquée par une altération des propriétés mécaniques de l’anneau fibreux, qui peuvent commencer dès l’âge de 7 ans.

→ Les atteintes de la moelle épinière. Lorsque la moelle épinière subit un traumatisme en raison d’une hernie discale, deux catégories de symptômes peuvent être observées.

Les atteintes par compression, dont l’évolution est aiguë ou chronique, se manifestent par la succession des signes suivants : douleur puis perte de la proprioception, perte des mouvements moteurs et, enfin, celle de la sensibilité.

Lors d’une atteinte par commotion, des lésions vasculaires et nécrotiques s’ajoutent aux symptômes neurologiques. Elles sont susceptibles d’aboutir à la mort de l’animal par paralysie des muscles respiratoires.

LES HERNIES DISCALES CERVICALES

→ Épidémiologie. Ces atteintes ne représentent que 15 à 25 % environ de l’ensemble des hernies discales chez le chien, en raison de la solidité et de la largeur du ligament longitudinal dorsal dans cette région, qui limitent les risques. La hernie discale cervicale concerne une lésion localisée au niveau des vertèbres cervicales ou des deux premières vertèbres thoraciques.

Les chiens atteints appartiennent généralement à des races chondrodystrophiques. Les bouledogues français, les teckels, les caniches et les beagles représentent ainsi 80 % des cas. Il s’agit le plus souvent d’animaux jeunes (moins de 5 ans).

→ Diagnostic. Les symptômes se manifestent par une douleur parfois fort importante et une raideur cervicale. L’animal se déplace moins, garde la tête basse et peu mobile. Parfois, une boiterie du membre thoracique est associée. Dans les cas graves, une tétraplégie est possible.

Des examens d’imagerie médicale (scanner, imagerie par résonance magnétique ou myélographie) sont indispensables pour préciser la localisation de la lésion.

→ Traitement et pronostic. Le traitement médical peut se révéler efficace lorsqu’il n’y a pas de déficit neurologique, mais uniquement une douleur. Il consiste à associer des anti-inflammatoires et des analgésiques, ainsi que du repos. Dans 50 % des cas, cette prise en charge suffit.

Pour les autres, une aggravation ou une rechute est observée. Un traitement chirurgical est alors indiqué. Il consiste à enlever le disque hernié par une approche ventrale de la colonne : il s’agit d’une décompression ventrale par corpectomie.

Le pronostic postopératoire est d’autant meilleur que les symptômes étaient peu importants avant l’intervention. Le taux de guérison complète est estimé entre 55 et 60 %, et celui avec séquelles à 20 %. Malheureusement, 15 à 20 % des animaux meurent ou doivent être euthanasiés. Les chiens de petit format (qui pèsent moins de 15 kg) présentent de meilleures chances de récupération totale.

LES HERNIES DISCALES THORACO-LOMBAIRES

→ Épidémiologie. Les hernies discales situées en région thoraco-lombaire sont majoritaires (75 à 85 %) chez le chien. Elles constituent le premier motif de consultation en neurologie canine. Les races chondrodystrophiques sont les plus souvent atteintes. Ainsi, le teckel présente un risque 10 à 12 fois plus élevé que les autres races. Le bouledogue français est également fortement représenté parmi les animaux touchés. La plupart des chiens malades sont jeunes (entre 3 et 6 ans).

→ Les symptômes de la hernie thoraco-lombaire diffèrent de ceux de la hernie thoracique. La douleur est généralement modérée, mais les signes neurologiques, en particulier le déficit moteur, sont très marqués. Les membres postérieurs peuvent être rapidement paralysés.

L’intensité des symptômes neurologiques est évaluée sur une échelle de 1 à 5 :

– stade 1 : douleur de la colonne uniquement ;

– stade 2 : l’animal peut marcher, mais ses mouvements sont non coordonnés ;

– stade 3 : le chien ne peut plus marcher, mais il essaie de se lever ;

– stade 4 : l’animal est totalement paralysé, la douleur est toujours présente ;

– stade 5 : paralysie totale, plus de douleur.

→ Le diagnostic de certitude repose sur la réalisation d’un examen neurologique complet (voir encadré) et précis afin de localiser la lésion et d’éviter de confondre les symp­tômes avec ceux d’une atteinte orthopédique : une dysplasie coxofémorale ou la rupture simultanée des deux ligaments croisés.

Ensuite, les examens d’imagerie médicale permettent la localisation précise et la latéralisation de la lésion.

→ Traitement médical. Une prise en charge médicale ou chirurgicale peut être envisagée selon le stade neurologique, l’éventuelle non-réponse au traitement médical et la motivation des propriétaires. Les animaux au stade 1 ou 2 sont de bons candidats au traitement médical. Celui-ci consiste en un repos total pendant six semaines et en l’administration d’anti-inflammatoires, d’analgésiques et, si nécessaire, de relaxants musculaires.

Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) ou la prednisolone sont recommandés. La dexaméthasone présente davantage d’effets secondaires. Elle n’est donc pas indiquée dans ces cas.

Le tramadol (analgésique) peut être associé aux anti-inflammatoires pour le contrôle de la douleur.

Le taux de réussite du traitement médical se situe entre 55 et 100 % selon les cas. 15 % des animaux ne connaissent pas d’amélioration, et 30 à 50 % environ rechutent.

→ Traitement chirurgical. Pour les chiens dont les stades sont supérieurs à 3, et ceux qui présentent une récidive ou qui n’ont pas répondu au traitement médical, la dernière option est chirurgicale. Elle consiste à décomprimer la moelle épinière ou les racines nerveuses au niveau des espaces intervertébraux touchés.

La technique actuelle habituellement décrite est l’hémilaminectomie dorsale : le matériel hernié est retiré à l’aide d’instruments appropriés. La moelle reprend alors sa place habituelle.

→ Le pronostic définitif postchirurgical est fortement corrélé à la persistance de la sensation de douleur profonde chez le chien avant l’intervention. Selon la bibliographie, lorsque cette sensation demeure, la récupération est notée chez 80 à 90 % des animaux. En revanche, quand elle n’existe plus, seuls 25 à 75 % des chiens récupèrent. Si la lésion date de plus de deux jours, seuls 5 % des cas voient leur état s’améliorer après l’opération chirurgicale.

La rapidité d’apparition des signes neurologiques est également intéressante dans l’établissement du pronostic postopératoire. Ainsi, plus les lésions évoluent rapidement (en quelques heures), moins la récupération est bonne.

→ Suivi. En phase postopératoire, la prise en charge de la douleur par des morphiniques, des AINS et des corticoïdes est indispensable. Un repos total doit être strictement observé pendant un mois, si possible par un maintien en cage sur un matelas antiescarres. Ensuite, une rééducation progressive est mise en place, fondée sur des massages, des exercices de flexion-extension et, éventuellement, de marche assistée sur un tapis roulant immergé.

Une attention particulière est portée au problème de la vidange de la vessie. L’animal ne peut généralement pas uriner par lui-même. Il importe donc expliquer au propriétaire comment réaliser la vidange mécanique de la vessie. Des complications d’infections urinaires sont à prévoir et à surveiller.

IMAGERIE MÉDICALE

Le recours aux examens d’imagerie médicale est nécessaire lors de suspicion d’une hernie discale. En effet, leurs résultats permettent de confirmer le diagnostic, d’établir un pronostic et de fournir des indications précises indispensables à la réalisation d’une intervention chirurgicale ciblée et efficace.

Le choix de la technique dépend du cas clinique, de la disponibilité du matériel ou de la possibilité de référer, du coût et de la motivation du propriétaire.

→ La radiographie sans préparation est peu intéressante pour le diagnostic d’une hernie discale. Au mieux, elle permet de repérer une anomalie congénitale, une tumeur des vertèbres, une luxation ou fracture de la colonne.

→ La myélographie consiste à injecter, sous anesthésie, un produit de contraste dans la colonne, puis à réaliser des clichés radiographiques afin de localiser le ou les endroits anormaux. Des vues de face, de profil, voire obliques (chien à 45° sur la table) permettent de détecter et localiser une hernie dans 90 % des cas environ.

→ Le scanner, ou tomodensitométrie, repose sur l’utilisation de rayons X, à l’instar de la radiographie. Le traitement des images permet cependant une représentation en trois dimensions de l’animal.

Le scanner offre donc la possibilité d’observer les vertèbres, le canal vertébral et les disques intervertébraux. Une sédation poussée suffit pour cet examen, qui est particulièrement indiqué lors de hernie discale par extrusion.

La combinaison de la myélographie et du scanner, appelée myéloscanner, améliore les chances d’établir un diagnostic précis en termes de localisation et de latéralisation lorsque les examens précédents n’ont rien donné.

→ Imagerie par résonance magnétique. L’IRM est l’examen de choix pour l’observation du système nerveux central : une évaluation complète de la moelle et des différents tissus mous environnants permet le diagnostic des hernies, mais aussi de toute autre maladie. Une décision - opératoire ou non - est alors prise à partir du maximum d’éléments.

En outre, l’IRM offre la possibilité de mesurer l’œdème et l’inflammation de la moelle épinière, ce qui est intéressant en termes de pronostic postopératoire.

LA PRISE EN CHARGE D’UNE SUSPICION

L’auxiliaire vétérinaire joue un rôle extrêmement important dans la suspicion d’une hernie discale, notamment celle thoraco-lombaire, dont le pronostic est particulièrement lié à la vitesse de la prise en charge. La description par le propriétaire de symptômes neurologiques rapidement évolutifs, avec un animal qui ne peut plus se déplacer, doit être perçue comme une urgence absolue et conduire à une consultation immédiate. En effet, lorsqu’un traitement chirurgical est décidé, les résultats sont meilleurs si l’intervention est réalisée très rapidement.

Lors de suspicion, la prise en charge est rigoureuse. En pratique, l’auxiliaire doit avoir le bon réflexe, percevoir l’urgence, et faire venir l’animal en consultation le plus vite possible. Le vétérinaire, grâce aux examens clinique neurologiques et complémentaires qu’il effectue sur place, confirmera qu’une hernie discale est suspectée. Généralement, la nécessité de réaliser d’autres examens, très techniques et onéreux, implique de s’orienter vers des structures qui disposent de moyens sophistiqués. En fonction des résultats, la nécessité ou la possibilité d’une intervention chirurgicale est discutée avec les propriétaires au regard du pronostic de l’affection et des chances de récupération partielle ou totale du chien. Dans tous les cas, il s’agit de procédures lourdes, complexes, coûteuses, au suivi contraignant.

Cependant, en l’absence de traitement, la paralysie complète est à redouter. Mal vécue par l’animal comme par son propriétaire, en particulier en raison de l’incontinence fécale et urinaire qu’elle engendre, elle conduit généralement à l’euthanasie du chien dans les jours ou les semaines qui suivent le diagnostic.

EXAMEN CLINIQUE LORS DE HERNIE DISCALE THORACO-LOMBAIRE

Le diagnostic d’une hernie discale thoraco-lombaire s’établit selon les étapes suivantes :

→ l’observation des réactions posturales (placer proprioceptif, sautillement, déplacements latéraux, brouette) ;

→ la vérification de l’intégrité du cerveau, par l’exploration, entre autres, du niveau de conscience ;

→ la localisation de la lésion (hernie cervicale ou thoraco-lombaire) ;

→ la vérification des réflexes médullaires des membres postérieurs ;

→ la détermination du stade de l’atteinte neurologique (stade 1 à 5).

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