Les cardiomyopathies chez le chat - Ma revue n° 1577 du 01/03/2014 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 1577 du 01/03/2014

Formation

MÉDECINE FÉLINE

Auteur(s) : Valérie Delteil-Prévotat

Fonctions : docteur vétérinaire

CONTEXTE

– Les cardiomyopathies sont des affections difficiles à appréhender pour les propriétaires car elles font appel à des mécanismes anatomiques et physiologiques peu connus du grand public.

Il convient souvent de leur expliquer les causes et l’évolution de la maladie de leur chat afin qu’ils adhèrent au mieux au suivi et au traitement de celui-ci.

Les cardiopathies sont les maladies du cœur. Chez le chat, 70 à 80 % d’entre elles affectent le muscle cardiaque, le myocarde, d’où leur nom de cardiomyopathies.

LES TYPES DE CARDIOMYOPATHIES

Il existe cinq types de cardiomyopathies chez le chat.

Les cardiomyopathies hypertrophiques (CMH) sont de loin les plus courantes chez le chat. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une maladie mais d’un syndrome. Celui-ci peut donc avoir de nombreuses causes, mais ses symptômes sont relativement identiques et toujours associés à un épaississement de la paroi musculaire du cœur qui l’empêche alors de jouer son rôle de pompe correctement.

La cardiomyopathie restrictive (CMR) se définit comme une fibrose myocardique ou sous-endocardique diffuse ou localisée. Elle génère une baisse de l’élasticité musculaire responsable d’un dysfonctionnement diastolique, avec le maintien d’une fonction systolique normale.

La cardiomyopathie dilatée (CMD) est l’exemple type de dysfonction systolique. Elle se caractérise par une dilatation de l’un ou des deux ventricules, associée à un défaut de contractilité et à un amincissement du myocarde.

La cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit résulte de l’infiltration progressive fibro-adipeuse de ce dernier. Le tissu cardiaque est ainsi peu à peu remplacé, ce qui engendre des troubles de la conduction électrique intrinsèque. Cette infiltration altère gravement les capacités de contractilité du ventricule droit, ce qui induit une défaillance. Le ventricule et l’atrium droits se dilatent et la paroi du ventricule droit s’amincit.

Les cardiomyopathies non classées ou intermédiaires regroupent toutes les autres maladies du muscle cardiaque.

LES CAUSES

Les cardiomyopathies peuvent être primitives et, hormis quelques mutations génétiques mises en évidence, leur véritable cause n’est généralement pas connue. Mais le plus souvent, elles sont secondaires à une autre affection : hypertension artérielle, hyperthyroïdie, hyperadrénocorticisme, hyperaldostéronisme, carence en taurine, acromégalie, diabète, cancers, insuffisance rénale, causes inflammatoires et infectieuses, etc.

L’ÉPIDÉMIOLOGIE

Les cardiomyopathies peuvent survenir à tout âge, de deux mois à vingt ans. Depuis que l’alimentation des chats est supplémentée en taurine (dont la carence entraînait des CMD), les cardiomyopathies hypertrophiques sont de loin les plus fréquentes. Toutes les races, y compris l’européen, sont concernées. Le persan, le ragdoll et le maine coon sont majoritairement atteints.

LES SYMPTÔMES ET L’ÉVOLUTION

Près de la moitié des chats atteints de cardiomyopathie sont asymptomatiques. Ainsi, de nombreux félins qui souffrent d’une CMH majeure peuvent pendant longtemps ne présenter aucun symptôme, ni aucune modification lors d’une auscultation. Ces animaux sont donc des candidats à un “accident cardiaque” tout aussi brutal qu’imprévisible, à l’occasion d’une simple anesthésie par exemple.

Les symptômes cliniques, quand ils existent, sont ceux d’une insuffisance cardiaque. Ils sont peu spécifiques et d’intensité variable, d’autant plus que la décompensation peut être soudaine et sans signe d’appel. Dans les formes d’évolution plus progressive, les symptômes peuvent être de la fatigue, une perte d’appétit et un abattement.

Puis, lors de décompensation brutale, ce sont souvent des troubles respiratoires, tels qu’une dyspnée, une discordance ou une détresse respiratoire, qui alertent le propriétaire.

Les CMH peuvent aussi être responsables de thrombo-embolie. Elles se manifestent en particulier par une paralysie brutale et douloureuse, le plus souvent au niveau des pattes arrière qui deviennent alors froides et présentent une décoloration des coussinets.

Contrairement au chien, le chat insuffisant cardiaque ne présente qu’exceptionnellement de la toux. L’évolution de l’affection dépend de la cause primaire et des modifications du myocarde déjà présentes lors du diagnostic. Dans certains cas, lorsqu’un traitement spécifique et efficace permet de supprimer la cause, une guérison totale peut être obtenue. En revanche, chez de nombreux animaux, les cardio-myopathies évoluent plus ou moins rapidement mais inéluctablement vers la mort.

LE DIAGNOSTIC

Des examens complémentaires sont effectués lorsqu’un chat présente des symptômes évocateurs d’une cardiopathie. Ils visent à affiner le diagnostic, proposer le traitement le plus approprié et évaluer l’évolution probable pour cet animal en particulier.

L’examen clinique d’un chat atteint de cardiomyopathie peut révéler différentes anomalies. Les muqueuses peuvent être bleues, ce qui signe une cyanose, ou bien rouge brique lors de congestion périphérique. Le temps de remplissage capillaire est augmenté en cas de chute du débit cardiaque. Une hypothermie est notée lors de choc cardiogénique. L’hyperthermie, à l’inverse, est associée aux maladies infectieuses telles que la péritonite infectieuse féline et, parfois, aux processus tumoraux comme le lymphosarcome.

L’observation des veines jugulaires permet de mettre en évidence une éventuelle stase des veines périphériques, qui signe une insuffisance cardiaque congestive droite. Pour cela, le chat est maintenu par l’auxiliaire dans la position de la prise de sang à la veine jugulaire et les poils sont humidifiés. Lors de stase veineuse, un battement anormal des veines jugulaires (“pouls veineux”) est observé.

L’inspection de la région du cou inclut ensuite obligatoirement la palpation des glandes thyroïdes afin de rechercher une hypertrophie ou un nodule évocateur d’une hyperthyroïdie, source de nombreuses cardiomyopathies secondaires.

L’examen clinique sert enfin à détecter les signes d’une thrombo-embolie. En effet, à l’examen nécroscopique, 48 % des chats atteints de CMH, 25 % des félins souffrant de CMD et 14 % de ceux atteints de CMR présentent des lésions de thrombo-embolie.

L’auscultation cardiaque permet de déceler trois anomalies principales : les souffles, les bruits de galop et les arythmies (voir encadré en page 16).

Les radiographies du thorax sont susceptibles de mettre en évidence des modifications (le plus souvent non spécifiques) de la silhouette cardiaque. Elles sont particulièrement utiles pour rechercher certaines complications, telles qu’un épanchement pleural ou un œdème pulmonaire.

Un électrocardiogramme (ECG) est à effectuer si un trouble du rythme cardiaque est suspecté. En cas d’arythmie détectée à l’auscultation, un ECG standard à six dérivations est indiqué pour la caractériser, afin d’en établir le diagnostic et l’importance. Bien que le décubitus latéral droit soit conseillé pour un ECG standard chez le chien, les chats préfèrent souvent le décubitus sternal, qui limite leur stress. Cette position sera donc privilégiée, car elle influence peu les mesures de l’examen.

L’échocardiographie et le Doppler sont les examens de choix. Cependant, ils sont souvent délicats à réaliser et à interpréter. Il est possible de mesurer les différentes parois et les cavités du cœur, d’analyser les flux sanguins entre les cavités cardiaques, voire de mettre en évidence des caillots de sang (thrombus) à l’intérieur du cœur. L’échographie est actuellement le meilleur examen complémentaire pour reconnaître les CMH asymptomatiques. Le doppler tissulaire est une technique d’imagerie récente qui complète l’échocardiographie en analysant les mouvements du myocarde. Il permet la détection des CMH avant l’apparition de l’hypertrophie myocardique.

La mesure de la pression artérielle est utile pour rechercher l’origine éventuelle de la cardiomyopathie. Elle s’effectue grâce à un Doppler et est réalisée chez le chat vigile, immobile, installé en décubitus sternal ou latéral au niveau des membres ou de la base de la queue par une personne entraînée à la fois à la technique et à l’équipement. L’examen se déroule dans le calme, dans une pièce isolée dont la température ambiante n’est pas trop basse afin d’éviter une vasoconstriction périphérique. Il s’effectue de préférence en présence du propriétaire et à l’aide d’un brassard de taille adaptée. Le vétérinaire élimine toujours les premières valeurs mesurées, puis réalise trois à cinq mesures consécutives, espacées si possible de 30 secondes à une minute, afin de calculer la moyenne.

Un bilan biologique est susceptible de mettre en évidence la cause de la myocardiopathie qui peut être une maladie rénale ou thyroïdienne, un diabète, etc.

LA DÉMARCHE

THÉRAPEUTIQUE

Le traitement idéal est celui de la maladie responsable de l’hypertrophie du myocarde, si elle est connue. Pour les autres formes, la littérature est riche en recommandations variées, mais il existe peu d’études réellement documentées. Le résultat des différents examens complémentaires et l’expérience du vétérinaire permettent de mettre en place un plan thérapeutique adéquat.

En phase aiguë, la myocardiopathie féline constitue une urgence, qui implique une hospitalisation. Les signes d’insuffisance cardiaque sont alors traités de façon intensive et adaptée à chaque cas : réanimation, oxygénothérapie, ponction pleurale, etc. Ensuite, un traitement destiné à améliorer la qualité de vie de l’animal et à prévenir d’éventuelles complications est instauré. Il n’y a pas, à ce jour, de consensus sur un protocole thérapeutique donné mais celui-ci est généralement composé de médicaments inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), d’antagonistes de l’aldostérone (spironolactone), d’inhibiteurs de phosphodiestérases (pimobendane), de diurétiques, de compléments alimentaires et/ou d’une alimentation diététique à visée cardiaque.

LES ANOMALIES À L’AUSCULTATION CARDIAQUE

> Le souffle est un bruit supplémentaire, anormal, dû au passage du sang dans un orifice étroit. Le sang vibre et provoque ainsi un son supplémentaire susceptible de masquer les bruits cardiaques normaux. En cas de cardiomyopathie, le souffle est généralement gauche mais cela n’est pas pathognomonique, car un souffle cardiaque gauche peut aussi s’entendre lors de modifications liées à l’âge, d’atteinte mitrale, de modification des structures thoraciques, de sténose subaortique ou de sténose pulmonaire.

> Le bruit de galop est un bruit supplémentaire diastolique semblable à un galop de cheval. Chez le chat, l’entendre est anormal et toujours caractéristique de cardiomyopathies. Il n’est toutefois spécifique à aucune cardiomyopathie particulière.

> Une arythmie (ou dysrythmie) est un trouble du rythme cardiaque. Chez le chat, elle est souvent le signe d’une cardiomyopathie, mais peut aussi être due à d’autres maladies systémiques. Une cardiomyopathie est souvent asymptomatique et sans anomalie décelable à l’auscultation.

LES MOYENS DE DÉPISTAGE

> Les examens complémentaires menés habituellement pour le diagnostic peuvent aussi être effectués en routine chez des chats asymptomatiques, mais de race prédisposée à la cardiomyopathie hypertrophique, par exemple. Ce dépistage permet aux particuliers de connaître le statut de leur chat ou aux éleveurs d’écarter de la reproduction les animaux atteints.

> Des tests de dépistage génétique sont disponibles pour le maine coon et le ragdoll. Seules ces deux races possèdent un tel examen (distinct pour chacune) qui met directement en évidence la mutation responsable de la cardiomyopathie hypertrophique. Le test s’effectue à partir d’un frottis buccal dès le plus jeune âge des chatons.

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