La démodécie - Ma revue n° 112 du 22/09/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 112 du 22/09/2017

MÉDECINE CANINE ET FÉLINE

FORMATION

Assez courante chez le chiot, la démodécie est une maladie due à un parasite habituel de la peau. Sa prolifération anormale provoque des lésions cutanées non contagieuses, mais qui peuvent se généraliser ou s’aggraver.

La démodécie est une maladie cutanée parasitaire fréquente chez le chien, notamment le chiot. Elle est plus rare chez le chat. Bénigne la plupart du temps, elle peut cependant devenir grave et chronique chez certains animaux. Dans ces cas, la confiance et l’étroite collaboration entre le propriétaire et l’équipe soignante sont indispensables afin d’apporter, sinon la guérison définitive qui est impossible, au moins le soulagement durable de l’animal.

Un parasite au poil !

La démodécie est une maladie parasitaire due à la prolifération anormale d’un acarien vivant dans les follicules pileux et les glandes sébacées des mammifères : Demodex sp. En temps normal, ces tout petits parasites sont présents en faible nombre dans la peau et ils vivent en équilibre avec le système immunitaire de leur hôte. Lorsque l’équilibre est rompu, les parasites se multiplient de façon excessive. Ils sont alors responsables d’une inflammation, de la chute des poils et même d’infections bactériennes secondaires potentiellement graves.

La démodécie peut toucher toutes les espèces fréquentant les cliniques vétérinaires : chien surtout, mais aussi chat et petits mammifères (encadré). L’homme lui-même est porteur de Demodex !

Une parasitose qui ne “s’attrape” pas

En pratique quotidienne, c’est avant tout le chien qui est concerné. Et il est important de bien expliquer au propriétaire que son animal n’a pas “attrapé” la démodécie ! Il en était déjà porteur depuis la naissance. On estime qu’environ un chien sur deux est ainsi porteur du parasite Demodex canis : ces chiens sont dits porteurs sains. Le parasite est transmis par la mère à ses chiots durant les 3 premiers jours de la vie. Et ces parasites restent ensuite normalement sous le contrôle du système immunitaire de l’organisme.

Chez certains chiots, généralement entre l’âge de 2 et 10 mois, une déficience génétique empêche cependant le système immunitaire de limiter le développement des Demodex. La maladie va alors se déclarer et des symptômes apparaissent : des dépilations diffuses ou en taches rondes. Attention, ces lésions rondes peuvent être confondues avec des lésions de teigne. Cette confusion est parfois à l’origine de l’inquiétude du propriétaire, en raison du risque zoonotique de cette maladie, et de sa prise de rendez-vous à la clinique (notamment s’il a consulté Internet !).

La démodécie peut également toucher les adultes, voire les seniors. Chez ces individus, il convient de rechercher la cause sous-jacente ayant provoqué la défaillance du système immunitaire qui a permis l’expression de la maladie : parasitose interne généralisée, syndrome de Cushing, carences nutritionnelles, diabète, cancer, corticothérapie prolongée, chimiothérapie, etc. Le traitement de la maladie immunodépressive sera bien évidemment indispensable, en plus du traitement de la démodécie proprement dite.

Pas de risque pour l’homme ni pour les autres chiens

Ces caractéristiques expliquent qu’il n’existe donc pas de contagion directe entre chiens pour la démodécie. Le multipropriétaire de chiens peut être rassuré, ses autres animaux ne risquent rien. Il n’existe aucun risque non plus pour les enfants de la famille, même très jeunes. La démodécie n’est pas une zoonose, au contraire de la teigne, qui atteint souvent des animaux du même âge.

En revanche, il est utile de prévenir l’éleveur que sa femelle reproductrice est porteuse. C’est d’autant plus important si plusieurs chiots de la même portée sont atteints. Cela indique le caractère héréditaire de la défaillance génétique qui permet l’expression de la maladie. Il est alors recommandé de l’exclure de la reproduction à l’avenir, afin d’éviter la naissance de nouveaux chiots malades.

Toutes les races de chiens sont sensibles à la démodécie. Cependant, en clinique, la maladie est surtout rencontrée chez des races très à la mode : bouledogue français, carlin, bouledogue anglais, berger allemand. D’autres races à poil court sont également victimes de démodécie : american staffordshire terrier, boston terrier, boxer, whippet, braques, doberman.

L’atteinte est localisée ou se généralise

Les lésions de démodécie sont souvent localisées au niveau de l’extrémité des membres (antérieurs surtout) et sur la face. On parle parfois de “lunettes démodéciques” concernant celles situées autour des yeux, car la peau devient alors marron, sèche et sans poils. Le pourtour de la bouche peut également être touché par des marques du même genre. Lorsque l’atteinte est ainsi limitée, on parle de démodécie localisée.

Parfois, l’ensemble du corps peut toutefois être touché. Le poil prend alors un aspect mité et, souvent, la peau devient grisâtre avec des comédons. À ce stade, aucun prurit n’est généralement observé. Cette forme est appelée démodécie généralisée.

Attention au risque d’infection

En l’absence de traitement ou parfois d’emblée, une surinfection bactérienne peut survenir. On parle alors de pyo-démodécie, ou de podo-démodécie si l’infection est circonscrite aux extrémités des membres.

Le chien commence cette fois à se gratter frénétiquement. La maladie devient grave, voire potentiellement mortelle, en raison du risque de septicémie. C’est la forme la plus grave de la maladie.

Confirmation au microscope

Les signes d’appel de la démodécie sont relativement faciles à identifier. Il convient d’y penser lors de toute affection cutanée, avec ou sans prurit, localisée ou non, sur un chiot de moins de 1 an. Dans son diagnostic différentiel, le vétérinaire pourra envisager d’autres pathologies cutanées du chien jeune que sont la teigne et la gale.

Le diagnostic de certitude est effectué grâce à des raclages cutanés : ceux-ci se réalisent en frottant la peau au niveau des lésions avec le plat d’une lame de bistouri jusqu’à atteindre la rosée sanguine, puis en récupérant ce qui suinte sur une lame. L’idéal est de faire des prélèvements à plusieurs endroits, même si cet acte est un peu douloureux pour l’animal. L’observation au microscope mettra en évidence les parasites, de forme allongée, très caractéristiques et en grand nombre. Dans de très rares cas, chez des chiens à épiderme très épais (basset hound, sharpeï), les raclages sont insuffisants et des biopsies cutanées peuvent alors être proposées.

Plusieurs thérapeutiques envisageables

En fonction de l’aspect et de la répartition des lésions, ainsi que de l’état général de l’animal, trois types de traitements peuvent être proposés. Il existe des pipettes spot on à base de moxidectine à appliquer sur la peau, et qui sont indiquées contre la démodécie. Dans les phases aiguës de la maladie, les pipettes sont à appliquer tous les 15 jours, puis tous les mois en prévention.

Un autre traitement disponible est l’amitraze, à diluer dans l’eau et à appliquer en frictions sur l’ensemble du corps du chien. Ce traitement est très efficace et peu onéreux. Il doit cependant être appliqué avec précaution par le propriétaire : en raison de sa toxicité pour l’homme, il faut recommander de se munir d’un tablier étanche, de gants ainsi que de lunettes pour éviter les projections dans l’œil. Ces précautions indispensables peuvent parfois effrayer le propriétaire et il demandera alors un autre type de traitement.

Il est aussi possible de réaliser un traitement par voie orale à base d’oxime de milbémycine. Il reste cependant plus onéreux, surtout pour les chiens de grand format.

En cas de surinfection bactérienne, le traitement acaricide est complété par un traitement antibiotique pendant parfois plusieurs semaines, ainsi que par des shampooings réguliers et/ou des bains de pattes. La réalisation d’un antibiogramme, lorsque possible, est un plus afin de choisir la molécule antibiotique la plus adaptée à ce traitement long.

Après la mise en place du traitement, l’amélioration s’obtient en quelques semaines (15 à 20 jours en général). Mais le traitement doit ensuite être prolongé sur une longue période : au moins 4 mois. Le traitement sera interrompu lorsque deux raclages à 1 mois d’intervalle se seront révélés négatifs.

Le chien ne sera pas “blanchi”

Les rechutes sont possibles. Il est nécessaire de prévenir le propriétaire que la guérison totale et définitive est utopique. Le traitement ne pourra pas éliminer complètement les Demodex. L’animal en restera porteur toute sa vie. Cependant, les rechutes seront plus fréquentes en cas d’épisode d’immunodépression de l’animal, par exemple lors de parasitose digestive ou externe importante, ou en cas de mauvais état global de la peau dû à une alimentation de qualité insuffisante. Le propriétaire devra donc veiller à respecter strictement le programme de prévention anti-parasitaire interne et externe mis en place par le vétérinaire, ainsi qu’à fournir une alimentation premium à son animal. Pour ces raisons, ainsi que pour leurs visites fréquentes dans les cliniques vétérinaires afin de suivre l’évolution de la maladie, ces chiens sont souvent qualifiés de “chiens de luxe” par leur propriétaire !

Les Demodex du chat

La démodécie est plus rare chez le chat que chez le chien, mais son aspect est comparable. Elle est due à Demodex cati. Il existe des formes localisées bénignes, se traduisant par des lésions surtout autour de l’œil, sur la face et le cou, et des formes généralisées plus graves. Les symptômes cutanés sont des dépilations avec rougeurs, squames, croûtes, pustules et ulcères.

La maladie est plus fréquente chez les jeunes chats de moins de 3 ans. Comme chez le chien, chez le chat âgé, la maladie apparaît à la suite d’une baisse des défenses immunitaires en raison d’une autre maladie : leucose, FIV1, cancer, diabète, trouble hormonal, etc.

Il existe une autre forme de démodécie chez le chat : celle à Demodex gatoi. Ce parasite vit dans la couche cornée et il se comporte de manière différente. En effet, la maladie est généralisée d’emblée, sans intervention de maladie sous-jacente, et se traduit par des rougeurs et un léchage intensif. De plus, cette forme de démodécie est contagieuse et se transmet aux autres chats par contact direct.

Les races de chat prédisposées à la démodécie sont le siamois et le burmese.

Le diagnostic de certitude est effectué par les raclages cutanés. Le traitement acaricide est exclusivement possible par pipettes, car l’amitraze est toxique pour les chats, et il n’est donc pas possible de l’utiliser. De manière générale, l’application de soins locaux par bains de pattes ou shampoings est moins facile dans cette espèce, car elle est généralement nettement moins coopérative ! Les traitements simples et faciles à donner sont donc privilégiés.

Encourager le propriétaire

En règle générale, la démodécie est une pathologie cutanée, fréquente chez le jeune chien, et qui doit être traitée rapidement et énergiquement. Pour les cas les plus graves et les plus chroniques, où la fatigue et le découragement peuvent gagner le propriétaire en raison de la lourdeur des traitements, l’accompagnement par l’équipe soignante est indispensable.

1 Virus de l’immunodéficience féline.

LA DÉMODÉCIE CHEZ LES NAC

Les parasites du genre Demodex sont présents chez tous les mammifères. Dans certains pays chauds, ils ont été retrouvés chez la vache et la chèvre. Ils ne sont cependant pas décrits en France dans ces espèces.
Parmi les nouveaux animaux de compagnie (NAC), l’espèce la plus exposée est le hamster. Les autres petits rongeurs (cobaye, rat, souris) et les lagomorphes (lapin) peuvent également être atteints, mais beaucoup plus rarement. La maladie se caractérise par l’apparition de lésions érythémateuses (rouges) et alopéciques (sans poils) rondes, qui se surinfectent rapidement.
Au contraire du chien, la démodécie clinique ne touche jamais les hamsters jeunes. C’est une pathologie des animaux âgés, généralement souffrant de maladies ou de traitements immunodépresseurs (Cushing, tumeur, corticothérapie). La mise en évidence du parasite se fait par raclage ici encore. Les traitements sont locaux (pipettes à base de moxidectine ou solution d’amitraze) ou généraux (injections d’ivermectine).
Élodie Goffart Docteur vétérinaire, praticienne dans l’Essonne. Art1_51-Encadre-Auteur-Image_E1.jpg
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