Anesthésie volatile : les différents circuits respiratoires anesthésiques - Ma revue n° 111 du 13/07/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 111 du 13/07/2017

DOSSIER

Auteur(s) : PAR  ELISE LIPP REGISTERED VETERINARY NURSE AU QUEEN MOTHER HOSPITAL FOR SMALL ANIMALS DU ROYAL VETERINARY COLLEGE DE LONDRES (ROYAUME-UNI). 

Certains dispositifs recyclent l’air expiré, d’autres pas. Le circuit respiratoire anesthésique est surtout choisi selon le format de l’animal et son besoin de ventilation. Tour d’horizon des systèmes existants.

Il existe différents circuits respiratoires anesthésiques, clés de voûte de l’anesthésie volatile. Ce mode d’anesthésie (dite aussi “gazeuse”) est une technique d’anesthésie générale qui consiste à faire respirer à l’animal un agent anesthésique sous forme gazeuse (vapeur) mélangé à un gaz vecteur (oxygène). Il nécessite un appareil spécifique, comportant notamment un évaporateur (où se produit le mélange de gaz).

Le rôle du circuit respiratoire anesthésique est d’apporter l’anesthésique de l’évaporateur à l’animal pour qu’il l’inspire, via une sonde (endo)trachéale ou un masque, puis d’évacuer le gaz qu’il expire. Le circuit doit empêcher de réinhaler ces gaz expirés, tout en étant étanches !

Réinhalatoire ou non

Les différentes sortes de circuits existants ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients pour un animal donné, dans une situation donnée. Il est primordial que la personne en charge de l’anesthésie maîtrise à la fois la machine et le système anesthésique qu’elle utilise.

Deux grandes catégories peuvent être distinguées :

- les circuits réinhalatoires ou circulaires, tels que le circle ;

- les circuits non réinhalatoires, classés selon le physicien Mapleson de A à E en fonction de leur efficacité et de leur consommation en gaz frais.

Chaque circuit est à tester avant chaque utilisation afin de vérifier son bon fonctionnement et son étanchéité. En effet, un mauvais branchement peut être fatal pour l’animal, et une fuite de gaz anesthésique peut être dangereuse pour le personnel présent dans la salle.

L’animal est examiné avant d’être anesthésié afin de connaître quelques paramètres qui aideront à régler le système respiratoire (encadré page 8).

Le recyclage est économique

Les systèmes réinhalatoires permettent de réutiliser les gaz expirés, après les avoir recyclés en absorbant le gaz carbonique (CO2). Ils sont économiques car il suffit de renouveler l’oxygène métabolique à apporter à l’animal. Le flux de gaz frais (FGF) et le volume d’agent anesthésique consommé sont réduits. Les circuits réinhalatoires diminuent aussi les déperditions de chaleur. En effet, l’animal a besoin de moins réchauffer les gaz inhalés.

Ajuster la concentration en agent anesthésique peut prendre plus de temps, il est ainsi plus difficile de contrôler la profondeur de l’anesthésie. Les valves de non-retour et l’absorbant créent de la résistance au flux d’air, ce qui rend ce genre de système inadapté à certains cas en difficulté respiratoire. L’entretien de ces circuits est primordial : il importe de savoir déceler lorsque l’absorbant est usé afin de le changer.

Trois principaux types de circuits réinhalatoires sont disponibles.

> Le circle (photo 1). Plusieurs modèles existent, mais les principales différences se situent au niveau de la taille et de la forme du contenant à chaux sodée ( canister ) et des tubes. Ces éléments déterminent la résistance au gaz et donc le format de l’animal pour lequel le système peut être utilisé. Les petits circles sont adaptés à des animaux de plus de 10 kg. Malaisés à remplir et/ou à nettoyer et propices aux fuites, les canisters sont souvent la source de difficultés. Ces systèmes sont à éviter en cas de risque d’hyperthermie, par exemple chez les chiens de grand format à poil long. Avant de procéder à l’induction de l’anesthésie, il est important de remplir le circuit d’oxygène (valve ouverte ou semi-ouverte), après le test de fuite. Après l’intervention, il ne faut pas oublier de faire sécher les tuyaux pour éliminer la condensation des gaz qui peut s’y former.

> Le to-and-fro. Ce système est désormais rarement utilisé car il présente de nombreux inconvénients : le canister est proche de l’animal qu’il rend difficile à ventiler, et il comporte plusieurs risques (extubation accidentelle, brûlures caustiques au niveau pulmonaire, etc.).

> Le Humphrey ADE-circle (photo 2). Le système Humphrey est une unité qui permet de connecter quatre circuits anesthésiques différents : trois non réinhalatoires et un réinhalatoire. Il est de forme similaire à celle d’un circle standard.

Petits formats : plutôt un circuit non réinhalatoire

Les circuits non réinhalatoires ne recyclent pas l’air expiré. Il est donc nécessaire de fournir davantage de gaz frais et d’anesthésique. L’ajustement de la profondeur de l’anesthésie est cependant plus facile. Les six principaux types de circuits sont les suivants :

> le circuit à pièce en T ou T-piece (photo 3). Il en existe de différentes sortes, comportant ou non un ballon et une valve APL (adjustable pressure-limiting valve ou valve à pression d’ouverture ajustable). Tous fonctionnent de la même manière : le gaz frais parvient directement à l’animal par la barre horizontale du T et les gaz expirés sont évacués par sa barre verticale. Ce type de circuit nécessite donc un flux de gaz frais élevé pour éviter la réinhalation de l’air expiré. Celui-ci est établi en prenant un facteur 3 pour les animaux de moins de 5 kg, et 2,5 pour les plus grands.

Présentant peu de résistance et d’espace mort, ces circuits sont bien adaptés pour les animaux de moins de 10 kg. Ils sont évités chez les chiens de moyenne à grande taille car le flux de gaz frais élevé les rend onéreux à l’usage et leurs tubes fins créent trop de résistance. Ils sont idéals pour ventiler un animal !

> le bain (photo 4). Similaire au circuit à pièce en T, il se présente de manière coaxiale ou parallèle, avec un ballon et une valve APL, sans valve unidirectionnelle. L’animal inhale donc les gaz des tubes expiratoires et inhalatoires. En raison de la pression constante du flux de gaz frais, les gaz expirés n’ont cependant pas d’autre choix que d’emprunter le tube expiratoire qui mène au ballon et à la valve APL. Ce genre de circuit peut être utilisé sur des chiens jusqu’à 20 kg, en adaptant la taille du ballon réservoir. Chez des chiens plus grands, le flux élevé le rend coûteux. Il est idéal en ventilation. En cas de ventilation manuelle toutefois, il est impératif de bien réouvrir la valve APL, car un flux de gaz frais élevé risquerait d’endommager les poumons de l’animal.

> le lack (photo 5). Ce système peut être parallèle (le plus répandu) ou coaxial. Il comporte une valve APL sur le tube expirateur et un ballon sur le tube inhalateur. De ce fait, le flux de gaz frais est moins élevé que pour un bain ou un T-piece. Ce genre de circuit est donc plus adapté aux grands chiens (plus de 10 kg), mais n’est pas idéal pour une ventilation prolongée car sa forme amène l’animal à réinhaler les gaz expirés. Si aucun autre circuit n’est disponible, il est préférable d’augmenter le flux.

> le mini -lack (photo 6). Ce circuit est identique au précédent, mais avec des tubes plus fins qui le rendent utilisable sur des chiens de moins de 10 kg. Les inconvénients restent les mêmes : il n’est pas idéal pour les ventilations prolongées.

> le magill (photo 7). Rarement utilisé, ce modèle se compose d’un ballon à proximité de l’arrivée de gaz frais, d’un tube large et d’une valve APL à proximité de l’animal, donc du tube endotrachéal. Ce genre de système requiert un flux de gaz frais peu élevé. Il génère peu de résistance puisque les gaz expirés sont directement expulsés. Il est donc bien adapté aux animaux de petit et moyen format. Néanmoins, à cause de la position de la valve APL, des extubations accidentelles sont à redouter. La ventilation artificielle est compromise, de même qu’une chirurgie des zones dentaires ou de la sphère ORL.

> le Humphrey ADE. Rarement utilisé, ce système offre une combinaison de trois circuits non réinhalatoires. Sa manipulation est réservée à un opérateur qui maîtrise son fonctionnement en détail. Un levier permet d’activer la ventilation mécanique. S’il est placé vers le haut, le système fonctionne comme un lack (mode A, selon la classification Mapleson, photo 8). S’il est vers le bas, le système fonctionne comme un bain ou un circuit à pièce en T (mode D ou E, photo 9).

Incontournable test de fuite

Pour écarter tout risque de contamination du gaz, il est recommandé de tester le circuit anesthésique et de vérifier l’absence de fuite avant chaque utilisation. Cela permet d’éviter les mauvaises surprises ! La procédure suit 10 étapes.

1. Brancher le circuit : arrivée d’oxygène et sortie de gaz expiré aux tuyaux correspondants (photo 10).

2. Vérifier que la valve APL est ouverte.

3. Ouvrir l’oxygène (bouteille, vis ou flush d’urgence, photo 11).

4. Obstruer l’embout du circuit qui sera connecté à l’animal (photo 12).

5. Fermer la valve APL.

6. Le ballon réservoir doit se gonfler. Si ce n’est pas le cas, il y a un problème de valve APL défectueuse, de ballon percé, et/ou de flux trop bas (photo 13).

7. Presser le ballon : il doit rester gonflé.

8. Ouvrir la valve APL et presser à nouveau le ballon.

9. Il doit se dégonfler facilement. Si ce n’est pas le cas, il y a sans doute un problème de valve APL (photo 14).

10. Relâcher l’embout !

En cas d’usage d’un circuit de type bain : les deux tubes, extérieur et intérieur, doivent être testés.

LES PARAMÈTRES DU CAS À ÉTABLIR

Trois données individuelles sont calculées pour le cas à anesthésier.

Volume tidal (VT) : volume de gaz expirés au repos, en un mouvement respiratoire. Ce volume varie de 10 à 15 ml/kg en fonction de la race et de la taille de l’animal. Il est ainsi d’environ 15 ml/kg pour les chats et les petits chiens ou les races fines comme le lévrier, de 10 ml/kg environ pour les chiens moyens et grands.
Le volume tidal se calcule selon la formule : VT (ml) = 10 ou 15 x poids (kg).

Volume minute (VM) : volume de gaz expirés au repos, en une minute. Il se calcule en multipliant le volume tidal par la fréquence respiratoire au repos. Si l’animal halète, il est nécessaire de faire une estimation de la fréquence respiratoire au repos.
La formule de calcul est ainsi : VM (ml/min) = VT (ml) x fréquence respiratoire (mouvement/min).

Flux de gaz frais (FGF) : volume à délivrer pour éviter la réinhalation des gaz expirés.
En système non réinhalatoire, la formule s’appuie sur la quantité de gaz expirés au repos et une variable (facteur) qui dépend du circuit utilisé : FGF (ml/min) = VM (ml/min) x facteur du circuit (tableau)
En système semi-fermé, FGF = 100 ml/kg à l’induction, puis 50 ml/kg en maintenance.

EXEMPLES PRATIQUES

 Un chien de 25 kg est anesthésié pour des radiographies de dysplasie. Il présente au repos une fréquence respiratoire de 15 mouvements par minute.
Pour un tel animal, en apparente bonne santé sans nécessité de ventiler, un système anesthésique de type circle est bien adapté. Son volume tidal est de 250 ml (10 x 25) ; son volume minute de 3 750 ml/min (250 x 15), soit 3,75 l/min. Le flux de gaz frais (FGF) est de 2 500 ml/min à l’induction (100 x 25), soit 2,5 l/min, puis de 1 250 ml/min en maintenance (100 ml/kg), soit 1,25 l/min.

 Un chat de 4 kg est anesthésié pour soigner une hernie diaphragmatique. Sa fréquence respiratoire au repos est de 30 mouvements par minute.
Un circuit à pièce en T est préférable ici, pour un animal de moins de 10 kg et qui aura probablement besoin de ventilation assistée. Son volume tidal est de 60 ml (15 x 4) ; son volume minute de 1 800 ml/min (60 x 30), soit 1,8 l/min. Le FGF est de 4 500 à 5 400 ml/min (1 800 x 2,5 à 3), soit 4,5 à 5,4 l/min.
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