La paratuberculose chez les bovins - Ma revue n° 109 du 29/05/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 109 du 29/05/2017

PATHOLOGIE

FORMATION

La paratuberculose est une maladie d’importance et d’actualité. Responsable de lourdes pertes économiques en élevage, son caractère chronique et le faible nombre d’animaux montrant des symptômes à un moment donné en font une affection souvent subie dans les exploitations.

La paratuberculose est une maladie infectieuse, contagieuse, incurable et d’incubation longue, due à une mycobactérie : Mycobacterium avium subspecies paratuberculosis (MAP) ou bacille de Johne. Connue depuis 1885, elle provoque une inflammation de l’intestin (entérite) chronique et hypertrophiante. Son symptôme principal chez les bovins adultes est une diarrhée chronique, d’abord intermittente puis constante et provoquant un amaigrissement extrême (cachexie), aboutissant à la mort. Elle porte le nom de paratuberculose à cause de l’analogie existant entre le bacille de Koch (responsable de la tuberculose) et le bacille de Johne. Elle est également nommée “maladie de Johne”, “entérite paratuberculeuse” ou encore “maladie du boyau blanc”.

Une maladie des ruminants

Les espèces affectées sont les ruminants domestiques, principalement les bovins : les vaches laitières, mais aussi les vaches allaitantes. Dans une moindre mesure, les ovins, les caprins et les cervidés d’élevage sont également touchés. Les ruminants sauvages (cerf, chevreuil, daim, bison, élan, buffle) et pseudo-ruminants (chameau, lama, yack) peuvent être des réservoirs de MAP ou être contaminés par les bovins.

Parmi les non-ruminants, le lapin de garenne, le lièvre, les prédateurs (renards, belettes, blaireaux), les rongeurs, les oiseaux charognards (corbeaux, corneilles, choucas), les primates (mandrills et macaques), le cheval, le cochon et la poule (de façon expérimentale) peuvent également être touchés, et des questions se posent quant à la sensibilité de l’homme à MAP (encadré).

Le risque de contamination par la faune sauvage, sujet hautement polémique, serait lié à l’excrétion fécale chez le lapin sauvage. Les bovins ingéreraient les crottes de lapin (petites et tombant dans l’herbe), alors qu’ils évitent la consommation de leurs propres bouses, ainsi que des fèces d’autres espèces.

Répandue et économiquement pénalisante

La paratuberculose existe dans le monde entier : elle toucherait environ 60 % des élevages bovins du globe. En Europe, elle est surtout connue dans la partie septentrionale du continent : Grande-Bretagne, Pays-Bas, Belgique, pays scandinaves.

Son impact économique est difficile à chiffrer en France, car la situation nationale est encore mal connue. L’absence de déclaration obligatoire, le degré de sensibilisation variable des vétérinaires et des éleveurs face à cette maladie et son aspect “honteux” pouvant empêcher les échanges commerciaux font que les données collectées lors des dernières enquêtes sont partielles. Elles ne permettent de quantifier ni la prévalence de l’expression clinique ni celle de l’infection, mais MAP a été retrouvé dans tous les départements du pays.

Les pertes liées à la paratuberculose se répartissent en pertes directes (augmentation de la sensibilité aux maladies, infertilité, diminution de l’espérance de vie des animaux, coûts des moyens de lutte) et indirectes (restriction des échanges commerciaux, tests de contrôle pour les exportations, moyens de prévention).

La maladie subclinique (avant apparition des symptômes) a pour principales conséquences économiques une importante diminution de la production laitière (de - 500 à - 1 300 kg de lait par lactation en fonction du stade) et une diminution de la qualité du lait produit (chute des taux butyreux et protéique). La maladie clinique aboutit à une non-valeur économique : la vache ne produit plus rien, est cachectique et finira par mourir.

Contamination par l’environnement

L’infection s’effectue par voie orale à partir de bouses contaminées. Un bovin malade excrète jusqu’à 100 millions de bacilles par gramme de bouse. Dans le milieu extérieur, MAP résiste plusieurs mois dans les pâtures et les marais, et jusqu’à 11 mois dans les matières fécales. Dans l’eau, elle peut survivre jusqu’à 1 an et demi, ce qui fait qu’il s’agit probablement d’une source d’infection fréquente. En revanche, la bactérie est sensible aux désinfectants usuels et à l’alcalinisation (d’où l’intérêt du chaulage ou de l’apport de craie sur les prés), au desséchement et, surtout, à la chaleur : il est ainsi souvent conseillé de stériliser les fumiers dans les plans de prévention.

Une excrétion est possible dans le lait, le colostrum et le sperme des taureaux infectés (avec une charge bactérienne a priori trop faible pour contaminer les femelles au moment de la saillie). Une transmission au veau pendant la gestation est possible avec une faible probabilité (5 à 25 %).

Au final, la voie de contamination la plus fréquente reste la voie orale par contact direct avec des éléments souillés (mamelle de la mère, matériel d’élevage, aliment, eau de boisson).

La sensibilité à l’infection dépend de l’espèce, mais aussi de la race. Chez les bovins, les élevages laitiers sont les plus touchés, cependant, la maladie est aussi présente dans les races allaitantes, la blonde d’Aquitaine étant considérée plus sensible que les autres races. L’état général du troupeau (déséquilibres alimentaires, maladies intercurrentes, atteinte de l’immunité) prédispose à l’infection.

Le point le plus important concerne la réceptivité liée à l’âge. Les jeunes individus sont les plus sensibles : les contaminations après l’âge de 6 mois sont rarissimes.

Une maladie “iceberg”

Après sa pénétration dans l’organisme, la bactérie gagne les plaques de Peyer, structures de défense de l’intestin, puis s’étend progressivement dans tout l’intestin grêle et jusqu’au colon. Son passage dans le sang est possible (bactériémie), ainsi qu’une localisation secondaire dans le foie, la mamelle (présence de MAP dans le lait chez 35 % des malades et 10 % des infectés), le placenta et le fœtus, les testicules.

La bactérie présente une résistance à la destruction par les globules blancs, autorisant une multiplication bactérienne soutenue et le maintien de l’infection dans l’organisme. L’accumulation de ces globules blancs dans l’intestin provoque son hypertrophie et l’altération de son fonctionnement. Au stade terminal de l’infection surviennent donc une diarrhée par malabsorption, ainsi qu’une perte importante des réserves protéiques. La vache est très amaigrie, elle excrète des MAP en quantité élevée dans les fèces, le lait et le colostrum. L’infection s’étant disséminée dans tout son organisme, la viande se trouve contaminée.

Au final, MAP est une bactérie peu pathogène : sa pénétration et sa multiplication dans l’organisme ne déclenchent pas toujours des symptômes. L’apparition de ceux-ci est corrélée à la santé globale des animaux. Les symptômes se déclenchent souvent après un épisode de stress, un vêlage ou un changement alimentaire, par exemple.

Au niveau du troupeau, quatre groupes d’animaux coexistent : les infectés cliniques, tous excréteurs de la bactérie ; des infectés asymptomatiques excréteurs ; des infectés asymptomatiques non excréteurs ; et des animaux sains. Le nombre d’individus présentant des symptômes est très inférieur au nombre d’animaux infectés. Pour 1 à 2 animaux cliniquement atteints, il y a 6 à 8 adultes porteurs inapparents, excréteurs ou non, et 10 à 15 jeunes bovins en incubation. La paratuberculose est ainsi une maladie “iceberg” : les cas cliniques n’en représentent que la partie émergée (figure).

Symptômes peu spécifiques

Les signes d’appel de la paratuberculose clinique sont une diarrhée chronique et cachectisante associée à une altération de l’état général, une perte de production et l’émergence de maladies intercurrentes inexplicables. L’absence de fièvre est la règle. Classiquement, l’affection touche des vaches jeunes (entre 3 et 5 ans) en élevage laitier, un peu plus âgées en élevage allaitant (entre 8 et 10 ans).

L’évolution de la maladie s’effectue en trois étapes.

Phase de début : on observe une diarrhée intermittente, un poil sec et décoloré, avec une perte de souplesse de la peau, associée à un amaigrissement progressif. Ces symptômes provoquent une diminution de la production laitière, mais l’appétit est conservé. Cette étape dure quelques mois, avec des phases de rémission transitoire. L’excrétion bacillaire est importante.

Phase d’état : elle se caractérise par une diarrhée intense et continuelle (émission de fèces en jets très liquides, sans épreintes, ni ténesme, ni sang, ni fibrine). L’animal présente un abdomen levretté, ainsi que des borborygmes, alors que son appétit est encore conservé. Il montre également une polydipsie et une perte musculaire intense et rapide au niveau de la croupe, des fesses et des cuisses. Cette étape dure 2 à 6 mois pendant lesquels l’excrétion est intense.

Phase terminale : pendant cette étape d’une durée de 12 à 18 mois s’observe une diarrhée incoercible induisant l’épuisement de l’animal, qui souffre alors de cachexie extrême (photo), d’anémie, d’œdèmes et d’épanchements par perte protéique. Elle s’achève par la mort de l’animal, car aucun traitement n’est efficace.

Les symptômes de la paratuberculose sont peu spécifiques, communs à de nombreuses autres affections se manifestant par des diarrhées chroniques, qu’elles soient d’origine purement digestive (infestation parasitaire, infection, tumeur, carence nutritionnelle) ou extradigestive (insuffisance rénale chronique, péritonite chronique, corps étranger). Le recours à des examens complémentaires est donc systématique.

Diagnostic de laboratoire généralement tardif

Les outils diagnostiques disponibles pour identifier un bovin infecté s’avèrent tardifs, car ils révèlent soit l’excrétion de germes, soit la formation d’anticorps, qui n’apparaissent qu’après une phase d’évolution minimum de 18 mois à 2 ans (schéma).

Diverses techniques sont employées. Elles consistent à rechercher la bactérie (diagnostic direct par bactérioscopie ou PCR1) ou à mettre en évidence la production d’anticorps (diagnostic indirect par sérologie).

La bactérioscopie consiste à visualiser les MAP dans les matières fécales en utilisant la coloration de Ziehl-Neelsen. Manquant de sensibilité et de spécificité, cette technique n’est utilisée que pour des animaux présentant des signes cliniques et en association avec une sérologie ou une PCR. Elle ne doit en aucun cas être employée pour le dépistage des animaux asymptomatiques, pour lesquels elle a de fortes chances de se révéler négative.

La PCR constitue la technique de diagnostic direct la plus utilisée aujourd’hui. Elle se réalise à partir de fèces ou de tissus (intestins ou ganglions). Elle permet le dépistage et l’élimination des animaux excréteurs, de 2 ans (excrétion importante) jusqu’à 4 ans (très faible excrétion), avant l’apparition des signes cliniques. La PCR peut être employée pour démontrer l’absence d’animaux excréteurs dans un cheptel ou pour les détecter dans le cadre d’un programme d’assainissement.

L’intradermotuberculination ne peut pas être considérée comme un test de diagnostic de la paratuberculose, en raison de sa faible spécificité et de son caractère aléatoire. Elle repose sur la capacité de MAP à déclencher une réaction allergique de l’organisme lorsque de la tuberculine est injectée au bovin. Mais l’infection par le bacille paratuberculeux peut, du coup, interférer avec le dépistage de la tuberculose bovine due à une autre mycobactérie (Mycobacterium bovis).

La sérologie Elisa détecte la présence d’anticorps. Ceux-ci n’étant détectés au plus tôt que 15 à 17 mois après l’infection, il est inutile de réaliser une sérologie sur des animaux de moins de 18 mois.

Prévention efficace mais contraignante

Les plans de prévention de la maladie, généralement pilotés par les groupements de défense sanitaire départementaux, reposent sur la maîtrise de points critiques :

- agir sur la source du germe : en éliminant les individus porteurs identifiés par sérologie ou PCR ;

- diminuer les risques de contamination du jeune : séparation mère-veau, veaux nés de mères excrétrices à ne pas conserver pour le renouvellement du troupeau, ne pas congeler de colostrum prélevé sur des mères connues infectées ;

- agir sur l’environnement : par amélioration de l’ambiance des bâtiments (paillage régulier pour éviter l’humidité de la litière, raclage du couloir) et la gestion des fumiers, pâtures et points d’eau. Par exemple, il est préférable de réserver fumier et lisier aux cultures et de chauler les terres acides (pH < 6) régulièrement, ou de stériliser les fumiers par la chaleur ;

- maîtriser les facteurs favorisants : contrôler l’alimentation et le parasitisme (douve, strongle).

Un vaccin est disponible depuis peu en France. Son utilisation est à réserver aux élevages très impactés par la clinique, car elle ne permet que de réduire la probabilité d’apparition des symptômes et l’intensité de l’excrétion. Le vaccin possède, en outre, l’inconvénient majeur d’interférer avec la sérologie Elisa et le diagnostic de la tuberculose par tuberculination. Son utilisation n’est d’ailleurs pas libre, mais soumise à autorisation au cas par cas par les services départementaux (DDPP).

1 Polymerase chain reaction.

MALADIE DE CROHN DUE À MAP : HYPOTHÈSE PERSISTANTE ET REVISITÉE

La maladie de Crohn est une maladie humaine qui affecte les sujets jeunes (15-30 ans). Elle est chronique, évolue par poussées et se caractérise par une inflammation granulomateuse pouvant atteindre tout le tube digestif, de la bouche à l’anus, contrairement à la paratuberculose bovine.
Au cours des années 1980, le bacille paratuberculeux a été identifié dans des lésions digestives de patients atteints de maladie de Crohn. Le raccourci était alors facile d’affirmer l’implication de MAP dans la genèse de cette affection.
Cependant, les données actuelles sont insuffisantes pour faire de MAP l’agent causal de la maladie de Crohn. Il s’agit soit d’un agent infectant véritable, soit d’un contaminant accidentel sans conséquence pour les tissus lésés. La contamination pourrait être due au lait, à la faveur de contaminations pendant la traite (une étude a montré que la pasteurisation ne détruit pas 100 % des MAP), à la viande (bactériémie ou à la suite d’une contamination à l’abattoir), ou à l’eau de boisson, si des épandages ont abouti à une diffusion des bactéries dans les nappes phréatiques, entre autres.

Laurent Ghyselinck Docteur vétérinaire, praticien dans l’Aisne.

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