Les corps étrangers digestifs chez les animaux de compagnie - Ma revue n° 106 du 02/03/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 106 du 02/03/2017

MÉDECINE CANINE

FORMATION

Auteur(s) : ÉLODIE GOFFART . 

L’ingestion de corps étrangers par les animaux de compagnie est relativement fréquente. Les jeunes animaux, curieux et joueurs, sont les plus concernés. Cependant, les adultes, surtout les chiens et les furets, peuvent également être victimes de leur intérêt pour toutes sortes d’objets de leur environnement, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’habitation. La fréquence de ces problèmes est moindre chez les chats.

Ces éléments non comestibles, qui se retrouvent dans le système digestif, peuvent n’avoir aucune répercussion sur l’état de santé de l’animal, en particulier s’ils sont régurgités peu après leur ingestion ou s’ils parviennent à transiter tout le long du tube digestif pour être éliminés dans les selles. Le danger est présent lorsque, en raison de sa taille ou de sa forme, le corps étranger n’est pas éliminé naturellement. Il est alors responsable d’occlusion digestive, voire de perforation, potentiellement mortelle.

Ingestion accidentelle ou comportementale

Le corps étranger peut être avalé par accident, au cours d’un jeu. Les chiots, en particulier, adorent explorer leur milieu et portent tout nouvel objet rencontré à la gueule. Parfois, en voulant lui retirer ce qu’il a dans la gueule, le propriétaire incite involontairement le chiot à avaler l’objet pour en éviter la confiscation. Les chats, eux, aiment jouer avec toutes sortes d’objets longs (ficelle, pelote de laine, etc.). Ces activités peuvent aboutir à l’ingestion d’un corps étranger linéaire ou, pire, de l’aiguille qui est attachée au bout du fil de couture ! Le comportement du furet est également à risque, ces animaux passant leur temps à mordiller et déchiqueter tout ce qui est laissé à leur portée : ficelle, tissu, serpillière, tapis, morceaux de plastique, joints en caoutchouc, etc.

Chez les chats, surtout ceux à poils longs, l’accumulation de poils dans le tube digestif est susceptible de se comporter comme un corps étranger. Ce phénomène se rencontre chez les animaux présentant un comportement de toilettage très marqué, ou des troubles cutanés provoquant une forte chute des poils. Les chats les ingèrent alors en grande quantité en se léchant. Ces trichobézoards, ou boules de poils compactés dans l’estomac, sont généralement régurgités. Mais s’ils progressent dans le tube digestif, ils provoquent des troubles du transit.

Enfin, certains troubles du comportement favorisent l’ingurgitation de corps étrangers. C’est le cas des animaux hyperactifs ou souffrant d’anxiété de séparation qui, lorsqu’ils sont seuls, mâchouillent divers objets. Chez certains chiens âgés dont la santé se détériore, des comportements infantiles réapparaissent et ils se remettent à porter à la gueule et à manger des éléments non comestibles.

Bonne tolérance le plus souvent

Dans la majorité des cas, l’objet ingéré est régurgité ou transite sans encombre dans le tube digestif. Les propriétaires, qui, parfois, ne se sont même pas rendu compte que l’objet avait disparu, retrouvent de petits morceaux colorés dans les selles de leur animal pendant plusieurs jours… Malheureusement, le corps étranger reste parfois bloqué dans une région du tube digestif.

Les troubles provoqués varient selon le type d’objet avalé et la zone dans laquelle il est situé. Les corps étrangers bloqués dans la gueule ou le pharynx sont souvent facilement mis en évidence. Ils s’accompagnent d’une gêne pour s’alimenter, d’un comportement de mâchouillement (comme si l’animal mangeait un chewing-gum) et d’une importante salivation. Ceux localisés dans l’estomac sont parfois relativement bien tolérés, au moins au début : ils entraînent une inflammation chronique (gastrite), une perte d’appétit, des vomissements réguliers.

L’occlusion intestinale est plus grave

Lorsqu’un corps étranger vient se loger au niveau des intestins, les troubles apparaissent, en général brutalement. Le transit est arrêté par le corps étranger : c’est l’occlusion. Les symptômes sont d’autant plus sévères que l’objet se situe dans les premiers segments du tube digestif. L’animal ne mange plus, ne boit plus ou régurgite toute l’eau et la nourriture. Il n’émet généralement plus de selles, ou alors sous forme de diarrhées sanguinolentes. Il se déshydrate très rapidement et son état général se dégrade brusquement. La palpation de son abdomen est douloureuse, et il prend des positions anormales, allant parfois jusqu’à se mettre dans la position du prieur (croupe en l’air, comme pour jouer). Si rien n’est fait, la persistance du corps étranger dans le tube digestif provoque une nécrose des tissus, qui aboutit à une perforation intestinale et à la libération du contenu digestif dans l’abdomen : c’est la péritonite. À ce stade, le pronostic est sombre. Cependant, le diagnostic de l’occlusion, généralement aisé, évite l’évolution vers la perforation.

Ce n’est pas le cas lors de l’ingestion de corps étrangers linéaires chez le chat, où les symptômes sont beaucoup plus frustes. Le fil de pêche, de couture, de guirlande, de rideau ou le lien de sac-poubelle constitue un jouet prisé des chats, involontairement avalé. Les symptômes associés à ce type de corps étrangers sont, au départ, beaucoup moins marqués que lors d’une occlusion intestinale classique, car le transit n’est pas totalement interrompu. Cependant, avec le temps, les intestins souffrent de la présence du fil, entraînant une occlusion vraie, voire une perforation intestinale, car le fil cisaille l’intestin. En outre, les symptômes sont moins évidents à détecter chez le chat. Le diagnostic est malaisé en raison de signes peu spécifiques et du manque d’informations apportées par le propriétaire en lien avec le caractère indépendant de son chat : a-t-il ingéré quelque chose d’anormal ? Mange-t-il ses croquettes ? Fait-il des selles ?

L’imagerie est utile au diagnostic

Le diagnostic de corps étranger digestif, d’occlusion ou de perforation intestinale repose tout d’abord sur le recueil des commémoratifs de la part du propriétaire. Si ce dernier rapporte avoir vu le chien, le chat ou le furet manger quelque chose qu’il n’aurait pas dû, c’est plus simple ! Il s’agit même parfois du motif de consultation : « Mon animal a mangé un truc, est-ce dangereux ? ». Par la suite, une description précise des troubles observés est importante : modifications éventuelles du comportement, des positions adoptées, apathie, refus de s’alimenter, vomissements, constipation.

En consultation, la palpation abdominale révèle très souvent une importante douleur, faisant supposer une occlusion. Cependant, pour obtenir un diagnostic de certitude, le recours à l’imagerie médicale est généralement nécessaire. Certains corps étrangers peuvent être détectés par une radiographie simple. C’est le cas des objets radio-opaques, tels que les os ou les morceaux de métal. L’endoscopie peut être utilisée pour mettre en évidence et retirer en même temps des corps étrangers situés dans l’œsophage, l’estomac ou le tout début de l’intestin. Pour la recherche d’objets non radio-opaques (jouet, ballon, chaussette, etc.), le vétérinaire effectue plusieurs radiographies sur quelques heures ou jours, après absorption par l’animal d’un produit de contraste. L’échographie est également envisageable : les corps étrangers créent des images anormales avec des ombres portées.

Traitement chirurgical souvent incontournable

Dans quelques rares cas, un traitement médical est possible. Pour des objets de petite taille et non blessants, situés dans l’œsophage ou l’estomac, provoquer l’évacuation par vomissement, grâce à l’administration de médicaments spécifiques ou non, est à tenter. Il est également possible de les retirer par endoscopie. Inversement, lorsque l’objet est situé vers l’extrémité distale de l’intestin, ou en cas de boules de poils sans répercussion sur l’état général de l’animal, leur élimination par voie naturelle peut être facilitée par une accélération du transit. Diverses méthodes sont disponibles, éventuellement combinées : lubrification des parois digestives, accélération du transit à l’aide d’un traitement médicamenteux, augmentation de la quantité de fibres dans la ration alimentaire par l’ajout de poireaux ou de courgettes.

Cependant, dans la plupart des cas, les corps étrangers sont retirés chirurgicalement, après stabilisation de l’état général de l’animal. Le vétérinaire pratique une gastrostomie (ouverture de l’estomac) ou une entérostomie (ouverture des intestins). Si le corps étranger a séjourné longtemps dans les intestins, il risque d’avoir provoqué une nécrose des tissus. Une entérectomie, qui consiste à enlever la portion lésée, est nécessaire pour éviter l’évolution vers la perforation et la péritonite.

Ces chirurgies sont bien maîtrisées, mais leurs complications sont fréquentes : fuite de liquide dans l’abdomen, rupture des sutures, péritonite. L’animal reste donc généralement en hospitalisation jusqu’à ce que ce risque soit écarté et que le transit ait repris naturellement (alimentation spontanée, émission de selles). Ces interventions sont sans séquelles, sauf si l’animal est opéré plusieurs fois : la formation d’adhérences est alors difficile à éviter.

43 balles de golf !

La nature des objets avalés est parfois surprenante. L’ingestion de corps étrangers est tellement fréquente qu’aux États-Unis, le journal professionnel Veterinary Practice News lance tous les ans un concours des éléments les plus exotiques retrouvés dans le corps d’un animal. Une année, le gagnant était un labrador qui avait 43 balles de golf dans l’estomac. Le propriétaire, paniqué, avait consulté en urgence après avoir vu son chien, dans son jardin, avaler… une balle de golf. La radiographie a permis de voir que cette balle avait de nombreux complices ! Le chien a été opéré avec succès, les balles de golf récupérées. L’histoire ne dit pas si le propriétaire les a réutilisées.

Ces corps étrangers peuvent ainsi prêter à sourire ou à rire. Cependant, l’évolution est susceptible d’être rapidement défavorable, voire mener à la mort de l’animal s’il tarde à être présenté au vétérinaire ou si le diagnostic est difficile, donc retardé. Il est ainsi utile de sensibiliser les propriétaires de chiens, de chats ou de furets à l’éventualité de ces troubles, à la consultation sans délai en cas de signes digestifs, et aux mesures de prévention. Quelques conseils simples peuvent en effet être donnés au propriétaire, surtout si c’est son premier animal (encadré). Car, dans ce domaine comme dans tant d’autres, mieux vaut prévenir que guérir.

BROSSER LE CHAT, SURVEILLER LE CHIEN, RANGER LA MAISON

Afin d’éviter l’ingestion d’objets non digestibles, une surveillance accrue des jeunes animaux, surtout les chiots, ou des espèces très curieuses, comme le furet, est fortement conseillée. Le propriétaire sera également avisé de ne pas oublier de ranger ses chaussettes et sous-vêtements, dont l’odeur est particulièrement appréciée des chiots. De même, il est impératif de ne laisser aucun objet linéaire accessible (lien de sac-poubelle, fil de couture, pelote de laine, etc.) ni d’autoriser l’animal à jouer avec, car ces éléments sont les plus difficiles à détecter par le vétérinaire, même par des examens d’imagerie.
Pour les chats à poils longs, un brossage quotidien est conseillé, si possible avec une brosse qui coupe le sous-poil, pour limiter au maximum l’ingestion de poils. La distribution régulière d’un médicament vétérinaire aidant à la migration des boules de poils (huile de paraffine en gel, ésérine) peut également être proposée.

Élodie Goffart Docteur vétérinaire, praticienne dans l’Essonne. Art1_51-Encadre-Auteur-Image_E1.jpg
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